A Psagot, près de Ramallah, des Israéliens produisent un vin devenu objet de litige entre ceux qui considèrent la présence des Israéliens légitime en Judée-Samarie, et ceux qui les voient comme des « colons » illégitimes en Cisjordanie – et qui souhaitent voir imposé un étiquetage « colonies israéliennes » à tous les produits israéliens de ce territoire disputé.
En visitant le vignoble de Psagot, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a démontré que lui et l’administration Trump qu’il représente se situaient dans le premier camp.
Au contraire des politiciens dont le métier consiste à prendre des positions publiques, les journalistes ont normalement pour rôle d’aider le public à comprendre la situation, en rapportant les faits sans prendre de parti manifeste.
Alice Froussard, la correspondante de RFI à Ramallah, a pourtant choisi son camp. Elle a réalisé un reportage à Psagot en recueillant uniquement l’avis de Palestiniens unanimement hostiles aux Israéliens et au soutien que leur apporte l’administration américaine.
Parmi les trois Palestiniens interviewés dans le reportage, il y a le témoignage d’Abdel Jawab Saleh, ancien maire du village d’Al-Bireh proche de Psagot :
« C’est notre terre, avant même que les États-Unis aient été créés ! Vous voyez les pins là bas ? Je les ai plantés de mes propres mains, s’énerve-t-il. Ce n’est pas seulement un souvenir, c’est un acte, une connexion, c’est ma vie. Et on veut dire aux Américains : “Quand vous buvez ce vin, vous buvez le sang du peuple palestinien” ! »
Ces allégations sur l’exploitation et la dépossession des Palestiniens ne cadrent pas avec la réalité, qui est bien plus complexe.
En 1776, lors de l’indépendance américaine, il n’y avait pas de territoire palestinien. La terre appartenait aux Ottomans, qui ont suivi et précédé d’autres puissances.
Et puis il y a des employés palestiniens au vignoble de Psagot.
Selon cet article de 2017, le vignoble de Psagot employait à cet époque 7 Palestiniens.
Un autre article de 2013 citait le cas de Hiba Abu Shusheh, une employée palestinienne du vignoble qui nourrissait ainsi seule ses jumeaux : « Pour elle, travailler dans une implantation est simplement une question de survie. ».
Autre exemple : Jamil Jahaleen, un Bédouin qui gagnait l’équivalent de 1.400 dollars en 2017 (bien davantage que ce qu’il aurait pu gagner auprès d’employeurs palestiniens). Lui se disait « Heureux de son travail, et ses employeurs veulent juste vivre en paix. ».
Nous ne disons pas que tous les Palestiniens seraient d’accord de travailler à Psagot, ni que des considérations financières ne peuvent pas peser dans leurs choix. Mais ces exemples démontrent qu’il eût été possible, même sans aller jusqu’à interviewer des Israéliens, de trouver des Palestiniens représentant des opinions diverses.
Mais passons sur les arguments rationnels.
Quand M. Saleh lie le vin de Psagot au sang des Palestiniens, voilà le genre d’images qu’il évoque :
Ce dessin a été publié dans un journal qatari (al Raya) en 2018. Sur les gobelets, les inscriptions « massacres » et « le peuple palestinien ». L’amalgame Israélien = Juif est on ne peut plus clair.
Au moyen-âge en Europe, l’accusation de crime rituel (en anglais « blood libel » avec une référence directe au sang) consistait à répandre le bruit que les Juifs tuaient des petits enfants chrétiens pour boire leur sang. On incitait ainsi la population à se « venger » en déclenchant des massacres contre les Juifs.
A l’époque contemporaine, beaucoup de vieux thèmes de l’antijudaïsme chrétien ont été récupérés par les antisémites du monde arabo-musulman.
Le dessin du Qatar en est un exemple.
Les propos du Palestinien interviewé sur RFI en sont un autre.
Au moyen-âge, on diabolisait les Juifs su des bases souvent religieuses; aujourd’hui, on diabolise l’Etat juif. Même si l’accusation est au sens figuré (il n’est pas dit qu’il y a du sang véritable dans le vin, mais on allègue que ceux qui le fabriquent exploitent et oppriment violemment les Palestiniens jusqu’à faire couler leur sang), la violence « vengeresse » peut retomber sur les individus juifs qui vivent dans les pays où se trouvent les auditeurs de RFI.
Que de tels propos incitatifs se retrouvent, sans commentaire, à l’antenne d’une radio publique française, interroge.
Ce d’autant qu’Alice Froussard est la journaliste qui était déjà à l’origine d’une information fausse au printemps de cette année. Elle avait alors relayé les accusations de l’organisation B’Tselem qui assurait qu’Israël avait détruit des tentes érigées par les Palestiniens pour soigner les victimes du Covid.
La journaliste avait fait l’impasse sur un démenti israélien pourtant émis plusieurs jours avant la rédaction de son reportage. InfoEquitable avait dénoncé cette manipulation et, devant une réponse insatisfaisante de la rédaction de Radio France, le député Meyer Habib avait ensuite porté le sujet devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Le CSA avait alors adressé une mise en garde à Radio France et rappelé la nécessité d’assurer l’expression des différents points de vue, en particulier pour la couverture du conflit israélo-palestinien.
Cette fois, InfoEquitable a fait remarquer à Alice Froussard via Twitter que son reportage véhiculait des propos rappelant les calomnies antisémites du moyen-âge et manquait de points de vue contradictoires.
Sa réponse ? Elle nous a bloqué l’accès à son compte.
Une rupture du dialogue en guise d’argument.
Nb : Mike Pompeo a fait une annonce inédite lors de sa visite à Psagot : les Etats-Unis considèrent désormais que le mouvement BDS de boycott d’Israël est antisémite et veulent cesser toute aide financière à des organisations qui soutiennent le BDS. Cette prise de position, en opposition avec la tendance européenne, est une information très importante. Si les médias voulaient vraiment offrir une vision approfondie des enjeux de ce conflit au public, ils auraient fait de cette seule annonce le sujet d’articles complets. Nous n’avons rien observé de tel.