Un seul hôtel à Jérusalem ne paie pas d’impôts…

Un seul hôtel à Jérusalem ne paie pas d’impôts…

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Notre-Dame de Jérusalem, l’hôtel de la discorde entre l’Église catholique et les autorités israéliennes

Dans un contexte de flamboiement des actes antichrétiens à Jérusalem, une ancienne bataille juridique s’est récemment ranimée. Le conflit entre le Vatican et la municipalité porte sur l’église Notre-Dame, un édifice religieux qui comporte aussi un hôtel et des restaurants.

La mairie a engagé les hostilités et a eu la main très lourde. Elle a bloqué les comptes bancaires de l’église en réclamant le paiement de 5 millions de dollars d’arriérés d’impôts fonciers et commerciaux. Les responsables catholiques ont répliqué en se retranchant derrière l’ancestrale exemption de taxes sur les biens de l’Église, qui remonte à l’époque ottomane.

Chacun fourbit désormais argumentaire et réquisitoire. Pour la municipalité, l’exemption ne s’applique qu’aux biens « utilisés pour la prière et l’enseignement de la religion ». « L’église Notre-Dame se livre à des activités commerciales et doit être traitée comme une entreprise normale », soutient la mairie. Celle-ci justifie son offensive en invoquant les protestations d’hôteliers et de restaurateurs israéliens de Jérusalem, qui se présentent comme des victimes d’une « concurrence déloyale » dans la mesure où ils n’échappent pas à l’impôt.

Le patrimoine catholique objet de tensions

Ce débat n’a rien de nouveau. En 2018, le précédent maire de Jérusalem, Nir Barkat, avait gelé une partie des comptes de différentes églises pour les mêmes raisons. Sous la pression du Vatican et des pays occidentaux, le Premier ministre de l’époque, Benyamin Netanyahou, revenu entre temps au pouvoir, avait freiné les ardeurs belliqueuses de Nir Barkat et chargé un de ses proches de trouver un compromis. Très vite cette bonne volonté affichée a disparu. Il faut dire que le contentieux est aussi vieux que volumineux.

En 1993, le Vatican a établi, après moult hésitations, des relations diplomatiques avec l’État hébreu aux termes d’un accord qualifié de « fondamental ». Seul problème : la question du statut des propriétés ecclésiastiques était restée en suspens. Depuis toujours, le St-Siège exige la reconnaissance des droits juridiques et patrimoniaux des congrégations catholiques, assortie de la confirmation des exemptions fiscales dont bénéficiait l’Église aussi bien avant qu’après la création de l’État d’Israël en 1948.

Une source de financement pour des œuvres

Pour Youssef Barakat, directeur général du centre Notre-Dame de Jérusalem, il s’agit avant tout « d’une question politique à régler entre le Vatican et Israël ». « Nous sommes une institution à but non lucratif au service des pèlerins, nous encourageons aussi le tourisme à Jérusalem » et d’ajouter avec amertume : « Et c’est ainsi que l’on nous remercie ! »

Les responsables catholiques justifient leur « privilège fiscal » en soulignant que les revenus tirés des activités de leurs établissements permettent de financer des « activités sociales » (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite, notamment à Jérusalem), tout en apportant une assistance aux chrétiens d’Orient.

L’hôtel, une manne à 269 € la nuit

L’hôtel Notre-Dame constitue de ce point de vue une véritable manne. Le bâtiment surmonté d’une statue de la Vierge date de 1888. Il comprend 142 chambres avec une vue imprenable sur les murailles de la vieille ville, ainsi qu’un restaurant. L’établissement est classé dans la catégorie supérieure, voire de luxe, chez les opérateurs de voyages. Une chambre pour un couple sans enfant revient, par exemple, à 269 € la nuit. Un prix élevé pour la grande majorité des pèlerins. Mais les établissements israéliens ou palestiniens de Jérusalem faisant partie de la même catégorie sont au moins, si ce n’est, beaucoup plus onéreux.

Toute la question est de savoir si, lors de ce nouvel épisode de confrontation, le maire Moshe Lion ira jusqu’au bout avec le soutien du Premier ministre Benyamin Netanyahou, dont il est très proche. La situation politique intérieure israélienne laisse peu de place à l’optimisme. Après sa victoire électorale en novembre 2022, Benyamin Netanyahou a constitué le gouvernement le plus ultranationaliste et religieux de l’histoire du pays. L’influence de trois chefs de partis suprémacistes tels Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich, aux Finances, ne peut qu’inciter le maire à faire preuve d’intransigeance face au Vatican.

La communauté chrétienne sous pression

Circonstances aggravantes : ces dernières semaines, une série d’incidents antichrétiens ont rendu l’ambiance très pesante. Un touriste américain juif a été arrêté pour avoir vandalisé une statue de la Vierge dans l’église de la Flagellation. Des vandales se sont attaqués à des bâtiments de la communauté arménienne dans la vieille ville. Trente tombes d’un cimetière chrétien sur le mont Sion ont été endommagées par trois jeunes orthodoxes juifs, qui ont été arrêtés. Bref, la tension est à son comble dans la Ville sainte, ensanglantée par une série d’attentats qui ont coûté la vie à sept Israéliens depuis le début de l’année 2023.

Seule petite lueur d’espoir, Benyamin Netanyahou a déjà su se montrer pragmatique par le passé. Il pourrait hésiter à engager une épreuve de force avec le Vatican alors qu’il se trouve déjà très isolé sur la scène internationale. Depuis des semaines, il est la cible d’une pluie de critiques aux États-Unis et en Europe contre son projet de réforme du système judiciaire. Il vise en effet à instaurer un régime « illibéral » en neutralisant les pouvoirs de la Cour suprême, gardienne des libertés fondamentales (NDLR : et des avantages et pouvoirs de la Gauche libérale et anti-religieuse – diverses expressions de cet article sont plus que tendancieuses, comme d’habitude de nos jours). D’un strict point de vue tactique, le moment paraît, dans ces conditions, très mal venu pour se mettre à dos le monde chrétien.

JForum.fr & La Vie – Illustration shutterstock

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