Un prêtre pas comme les autres

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L’histoire commence en Pologne. Les nazis viennent de pénétrer dans la ville d’Izbitza (Lublin), à l’Est du pays, où habitent environ 4000 Juifs. Au moment où ils entrent dans la maison de la famille Greiner, l’un des enfants, ‘Haym, 14 ans, parvient à déjouer la surveillance des Allemands et à s’enfuir. Il sortira vivant de la guerre avant de rejoindre la Terre sainte. Au beau milieu de la nuit, c’est au tour de son jeune frère, Ya’akov Tsvi, de parvenir à s’échapper des griffes de ses assassins en profitant de l’obscurité. Il n’a alors que 8 ans. Après avoir erré dans les bois pendant un certain temps, il est finalement recueilli par une paysanne polonaise qui le prend en pitié et qui le fera grandir comme son propre fils…

Mais le reste de la famille, dont les parents, le rav Mendel et la rabbanith Myriam, ne réchapperont pas à la mort. Comme les autres Juifs de la ville, ils seront assassinés dans le camp de Sobibor, entre autres camps d’extermination.

Ya’akov Tsvi et ‘Hayim ont été les seuls enfants à s’en sortir. Après avoir passé toute sa jeunesse chez les goyim, Ya’akov Tsvi est devenu avec le temps prêtre catholique. Il officie dans sa propre ville sous le nom de Gregor Povalovsky.

Cependant, avant de rendre l’âme, la femme qui est devenue sa mère lui fait une révélation :

« Sache que tu es juif, ne l’oublie jamais. »

Aurait-il vraiment fallu le lui rappeler ? On ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ces mots le bouleversent. Gregor prend contact avec le pape, Jean-Paul II, et lui raconte toute son histoire. Le pape lui répond alors que l’église catholique de Yafo/Jaffa cherche un prélat. Il suggère au jeune prêtre d’y entrer en fonction et de trouver d’une pierre deux coups la solution à son problème : il continuera à officier comme prêtre tout en assumant le lien qui le rattache à Israël. Une combinaison savante à première vue…

Quelques années plus tard, Gregor réussit à retrouver les traces de son frère aîné. Celui-ci vit déjà en Israël, père d’une grande famille dans la ville de ‘Haïfa. Il prend contact avec lui en lui expliquant qu’il arrive en Israël, heureux d’avoir la chance de le revoir et de le serrer dans ses bras.

Très ému par ce coup de fil, le grand frère, alors membre de la ’hassidouth Gour, annonce aux membres de sa famille l’arrivée du nouveau venu, et c’est vêtus de leurs plus beaux habits, et en shtraïmel, qu’ils se rendent tous à l’aéroport de Ben Gourion pour l’accueillir. Dans l’immense hall, quelle n’est pas leur surprise lorsqu’ils voient débarquer un prêtre catholique habillé en soutane. C’est le choc : hors de question de renouer des liens avec un Juif qui a renié ses origines. La rupture est consommée. Le père ordonne aux siens de ne prendre aucun contact avec son frère renégat, et les deux hommes ne se reverront plus jamais…

Le frère cadet continuera sur sa voie comme il l’avait prévu : il prend la direction de l’église catholique de Yafo tout en continuant à s’intéresser à ses origines juives. Et un beau jour, il décide de faire quelque chose pour le peuple auquel il appartient. Au début de l’année 2000, il lance et mène à son terme la construction d’une fosse commune dans le cimetière juif de la ville d’Izbitza où il est né et où il a grandi, une ville où il ne reste alors plus aucun Juif.

Puis Gregor prend la décision d’être lui-même enterré dans cette fosse commune et, pour ce faire, il ordonne l’édification d’une pierre tombale, sur laquelle il fait graver sa propre histoire.

Le directeur de la Yechiva Otniel, le rav Beni Kalmanson, raconte qu’après avoir pris connaissance de l’extraordinaire histoire de ce prêtre, il a fait le voyage jusqu’au cimetière :

« La fosse commune n’était pas vraiment protégée. On y avait enterré tous les ossements et les restes des corps trouvés dans la région. Le prêtre Ya’akov Tsvi (Gregor) et son neveu, un Juif religieux qui étudiait dans notre Yechiva, se sont alors rendus auprès des autorités ; le neveu avait pris cette initiative sans l’accord de son père, Hayim, le frère de Ya’akov Tsvi. Et, avec l’aide des amis de Gregor et de ses liens avec le gouvernement polonais, ils sont parvenus à réparer la fosse en faisant élever des murs tout autour. Après tout ce qu’il avait fait en ce sens, j’ai insisté pour remercier le neveu de Gregor. J’ai expliqué à la famille que nous n’avions pas la possibilité de juger cet homme pour ce qu’il était devenu. C’est un « tinok cheNichba », nous n’avons pas le droit de le condamner.

« L’histoire de Gregor Povalovsky n’est pas la seule, continue le rav. On se souvient de Jean-Marie Lustiger, cardinal de Paris. Né juif, il avait renié sa foi à l’âge de 14 ans, quelques années seulement avant le début de la guerre. Après la libération, il continue ses études au séminaire des Carmes avant d’être ordonné prêtre à 27 ans.

Lustiger a même failli se retrouver pape… Vous imaginez ! Un pape juif ?! Pour moi, conclut le rav Kalmanson, il ne fait aucun doute que cela n’a pas été la décision de ces hommes, mais uniquement celle de Hakadouch Baroukh Hou ».

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