Samedi 2 juin, un terroriste palestinien au volant d’un engin de chantier a foncé sur les soldats israéliens qui contrôlaient la voie d’accès au tombeau des Patriarches à Hébron, considéré par le judaïsme comme son deuxième lieu saint et disputé par les musulmans. Lorsque les soldats lui ont intimé l’ordre de s’arrêter, le chauffeur qui n’avait pas réussi à les atteindre a fait demi-tour et a tenté d’écraser des civils israéliens. Selon l’armée israélienne, un autre soldat posté sur un toit, voyant les civils menacés, a ouvert le feu sur le terroriste et l’a tué.
Le terroriste avait pris le volant d’un tractopelle « Bobcat » comme celui-ci. Un engin choisi pour sa capacité à faucher des vies…
Le Figaro efface le contexte
Voici comment le site du Figaro a rapporté la nouvelle dans un « Flash Actu » :
Un titre laissant entendre qu’un simple quidam palestinien avait été tué gratuitement par des soldats israéliens. Il avait en réalité attenté à leur vie.
L’AFP avait pourtant donné les faits
La faute du Figaro est encore plus manifeste au regard du fait que la source utilisée, l’Agence France-Presse, avait donné les précisions manquantes.
Ce titre a naturellement été repris par d’autres médias.
Ainsi, le titre de la dépêche de l’AFP sur laquelle s’est basé Le Figaro faisait bien comprendre que l’homme tué n’était pas innocent. Bien sûr, la nature terroriste de l’acte aurait été d’autant plus claire si l’AFP n’avait pas mentionné uniquement les soldats comme cibles de l’attaque dans le titre, puisque des civils avaient aussi été visés. Néanmoins, l’agence a correctement rapporté les faits, en fournissant dans sa dépêche des précisions de l’armée israélienne :
Les troupes ont demandé au conducteur de s’arrêter mais « le terroriste a fait demi-tour et poursuivi sa course avec l’intention de s’attaquer aux civils à proximité », a-t-elle ajouté.
Cette phrase, clé pour comprendre que l’attaque n’était pas un fait d’armes militaire contre des soldats mais un acte terroriste ayant aussi visé des civils, a elle aussi été expurgée de l’article du Figaro : une deuxième modification masquant encore davantage le terrorisme palestinien contre les Israéliens.
Le Figaro corrige
Relevant que le site russe Sputnik avait titré « Des soldats israéliens abattent un Palestinien à bord d’une voiture-bélier », un internaute remarqua avec amusement que « même le Kremlin est plus précis »…
InfoEquitable interpella alors Le Figaro sur Twitter en relevant l’absence d’un contexte essentiel dans le titre et en demandant si le journal aurait osé titrer de la sorte si une attaque à la voiture bélier s’était déroulée ainsi en France.
Si c’était arrivé en France, @Le_Figaro oserait-il inverser à ce point la réalité en cachant que la « victime » venait de commettre une attaque à la voiture bélier ? D’autant que le titre complet de l’@AFP donnait ce contexte (https://t.co/dXk7WV9ErK)! Titre à modifier d’urgence! pic.twitter.com/kKQOetb31V
— InfoEquitable (@InfoEquitable) June 2, 2018
Le lendemain à 15h24, soit 27 heures après la publication du titre litigieux, Le Figaro reconnaissait implicitement sa faute en corrigeant le titre :
Des titres tronqués de façon récurrente
Malgré l’absence de message correctif encadrant l’article qui aurait permis au lecteur de comprendre qu’il y avait une erreur au départ, InfoEquitable salue l’action corrective prise par Le Figaro.
Cette faute avérée suscite néanmoins une interrogation.
En effet, cette manière de traiter le terrorisme palestinien n’est pas nouvelle au Figaro. Une analyse des « Flash Actu » passés révèle un usage régulier du même procédé. En janvier 2017, par exemple, l’AFP avait émis une dépêche à propos d’une attaque similaire, reprise ici par Europe 1 :
Le Figaro avait recouru à la même simplification du titre.
En voici d’autres exemples. A chaque fois, le titre de l’AFP a été tronqué sur le site du Figaro :
- en 2016, trois garde-frontières israéliens percutés par un Palestinien avec sa voiture, Le Figaro titre : « Cisjordanie: un Palestinien abattu ». Titre de l’AFP : « Cisjordanie occupée: un Palestinien auteur d’une attaque à la voiture bélier abattu (police) »;
- en 2015, un Palestinien percute deux soldats israéliens avec sa voiture, Le Figaro titre : « Cisjordanie: un Palestinien abattu par la police ». Titre de l’AFP : « Cisjordanie : un Palestinien abattu après avoir percuté en voiture des soldats(police) »;
- en 2015 encore, un Palestinien poignarde un civil israélien, Le Figaro titre : « Cisjordanie: un Palestinien abattu par l’armée ». Titre de l’AFP : « Cisjordanie: un Palestinien tué par l’armée après une attaque au couteau sur un Israélien».
Et la liste n’est pas exhaustive. Il semble donc bien qu’il s’agisse là d’un procédé récurrent, au point que l’on peut se demander s’il n’existe pas une règle implicite au Figaro qui consisterait, en cas de « neutralisation » d’un terroriste palestinien par les forces israéliennes, à retrancher l’acte terroriste initial du titre, imputant ainsi la mort de Palestiniens supposés innocents aux forces israéliennes.
Un tel procédé serait-il acceptable pour les terroristes agissant en France ? Il est permis d’en douter. Et si ce n’est pas le cas, pourquoi le serait-ce concernant Israël ?
InfoEquitable a écrit à la rédaction du Figaro pour savoir s’il existe une justification journalistique à ces simplifications apportées aux dépêches de l’AFP et ne manquera pas de publier toute réponse.