- Désormais, ils [les Européens] se retrouvent coincés dans un accord nucléaire qu’ils savent être bidon et hautement dangereux dans la mesure où il transfère aux générations futures le soin de se confronter à un Iran nucléarisé.
- Ils [les dirigeants iraniens] n’ont que mépris pour les Européens et les Américains, qu’ils considèrent comme faibles et décadents, lâches et incapables de défendre leurs propres intérêts … Le président Trump leur a donné à réfléchir, surtout quand il a ordonné la mort de Qasem Soleimani … Ils placent de grands espoirs en Biden qu’ils pressentent plus malléable.
- Nous pouvons être sûrs que le Guide Suprême s’est réjoui des résultats de son message : l’Europe a battu en retraite en suppliant son agresseur de croire qu’elle sera toujours son amie. La preuve si nécessaire que l’apaisement ne mène à rien et que seule la force paye, a été apportée ce jour-là.
- Les gouvernements européens doivent choisir entre démontrer leur force ou subir une pression iranienne continue – une pression que tous les acteurs malveillants de la planète, Moscou et Pékin sans oublier Pyongyang, vont observer avec intérêt… avec les conséquences qu’on imagine.
- Les Européens peuvent-ils s’offrir le luxe d’autoriser un régime aussi terriblement hostile et manipulateur que Téhéran à se doter l’arme nucléaire ?
Le mois dernier, s’est ouvert en Belgique le procès d’Assadolah Assadi et de trois autres Iraniens accusés d’avoir planifié en juin 2018, un attentat contre les participants à la manifestation pour un « Iran libre » à Paris. Près de 80 000 personnes ont participé à l’évènement, dont l’ancien Premier ministre canadien Stephen Harper, Rudy Giuliani, avocat du président Trump et plusieurs parlementaires britanniques et européens. L’attentat raté aurait été ordonné par le président iranien Hassan Rohani et approuvé par le Guide suprême Ali Khamenei. |
Le mois dernier, s’est ouvert en Belgique le procès d’Assadolah Assadi et de trois autres Iraniens accusés d’avoir planifié un attentat à la bombe à Paris en 2018. En 2015, Assadi était le plus haut représentant du ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité en Europe ; il opérait sous couverture diplomatique à l’ambassade d’Iran à Vienne. Bien que l’Iran ait multiplié les tentatives d’attentats en Europe, Assadi est le seul fonctionnaire du gouvernement iranien a avoir été traduit en justice pour des crimes liés au terrorisme.
Le terme terrorisme d’État ne désigne pas seulement un acte terroriste organisé par un Etat. Il qualifie une technique de pouvoir et d’oppression au niveau national. Toutes les tentatives d’attentats qui ont été pensées et mises en œuvre à Londres, Berlin, Paris et Bruxelles constituaient un message malveillant et une menace claire pour l’Europe.
L’attentat raté d’Assadi aurait été ordonné par le président iranien Hassan Rohani et approuvé par le guide suprême Ali Khamenei. Il visait un rassemblement organisé par le Conseil national de la résistance iranienne. Près de 80000 personnes étaient attendues à cette manifestation, dont un certain nombre de personnalités comme l’ancien Premier ministre canadien Stephen Harper, l’avocat du président Trump Rudy Giuliani et plusieurs parlementaires britanniques et européens. Les terroristes avaient prévu d’utiliser du TATP, un explosif identique à celui qui a été utilisé en 2017, par des djihadistes pour tuer 22 personnes et en blesser 800 autres à la Manchester Arena, au Royaume-Uni. Le TATP a aussi été utilisé à Londres, le 7 juillet 2005, dans une série d’attentats qui a fait 52 morts et 700 blessés. Assadi aurait utilisé un vol commercial pour importer d’Iran le TATP. Le message était clair. En mars, Assadi, a invoqué l’immunité diplomatique pour récuser son procès, refuser d’y assister et menacer de représailles en cas de condamnation. Le gouvernement iranien a averti les pays impliqués dans le procès qu’ils subiraient une « réponse proportionnée ».
C’est grâce aux renseignements fournis par Israël que les services de sécurité européens ont empêché Assadi de commettre un attentat à la bombe. En 2015 encore, grâce au Mossad, le MI5, les services de sécurité britannique ont pu déjouer un autre attentat iranien. Des terroristes du Hezbollah, un mouvement terroriste libanais dirigé par l’Iran, avaient stocké trois tonnes de nitrate d’ammonium dans le nord de Londres – le même matériau explosif qui a récemment dévasté le port de Beyrouth. La quantité de nitrate d’ammonium stockée à Londres était infiniment supérieure à celle qui a tué 168 personnes, blessé 680 autres personnes et endommagé des centaines de bâtiments à Oklahoma City en 1995.
La même année que la tentative de Londres, le Mossad a informé le gouvernement de Chypre, pays membre de l’UE, que le Hezbollah prévoyait de faire exploser 8,2 tonnes de nitrate d’ammonium sur son territoire. Un attentat a été déjoué en Thaïlande en 2012. Et deux ans après la découverte de la machination londonienne, une tentative d’attentat à été déjouée à New York. En 2012, la même année que la Thaïlande, le Hezbollah a assassiné cinq touristes israéliens et un chauffeur dans un attentat à la bombe contre un autobus à Burgas en Bulgarie, un autre État membre de l’UE.
Deux citoyens néerlandais d’origine iranienne ont été assassinés aux Pays-Bas, État membre de l’UE, sur ordre de Téhéran en 2015 et 2017. En 2017 et 2018, en Allemagne et au Danemark, deux autres pays membres de l’UE, des attentats terroristes d’origine iranienne ont été déjoués. En 2018 également, l’Albanie, candidate à l’adhésion à l’UE, a également déjoué un attentat d’origine iranienne.
Toutes les attaques qui ont eu lieu dans les pays de l’UE à partir de 2015 se sont produites au moment où la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’UE négociaient activement l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), avec le P5 + 1. Comme on pouvait s’y attendre, les réactions européennes à ces attentats ont été limitées, la plupart des commentateurs estimant que les Européens ne souhaitaient pas mettre en danger l’accord qu’ils étaient en train de négocier. Sans la révélation du Daily Telegraph en 2019, la tentative du Hezbollah de faire exploser du nitrate d’ammonium à Londres, en 2015, serait demeurée secrète. Certains affirment que l’administration Obama aurait exercé de fortes pressions pour que l’affaire soit tenue secrète, afin d’éviter de compromettre l’accord nucléaire.
En dépit des attentats terroristes et des agressions militaires iraniennes au Moyen Orient, – à moins que cela ne soit à cause d’eux -, les États de l’UE ont joué le jeu de l’Iran, refusant de rompre l’accord nucléaire comme l’a fait l’administration Trump. Plutôt que de rejoindre la campagne de « pression maximale » du président Trump pour peser sur le comportement de l’Iran, les Européens ont soutenu Téhéran et sapé les sanctions économiques américaines en mettant en place un instrument financier, INSTEX, pour poursuivre le commerce avec l’Iran. Les gouvernements européens ne se sont pas non plus opposés à la levée des sanctions de l’ONU sur le commerce des armes conventionnelles avec l’Iran. Ils ont également refusé de voter le « snapback » au Conseil de sécurité de l’ONU, un mécanisme qui autorise le rétablissement les sanctions internationales contre l’Iran en raison de ses violations flagrantes de l’accord nucléaire.
Après avoir déjoué des attentats terroristes à Paris et au Danemark en 2018, l’UE s’est résolue l’an dernier, – mais à contrecœur -, à imposer des sanctions financières symboliques à une section du ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité et à deux dirigeants politiques iraniens. Immédiatement après, les dirigeants de l’UE ont sapé leur riposte en réitérant avec éclat leur soutien au JCPOA et leur intention de continuer à commercer avec l’Iran. Fidèles à cette logique, les dirigeants de l’UE ont affiché leur irritation face à l’élimination de Qasem Soleimani, le cerveau des opérations terroristes iraniennes dirigées contre les Européens. L’élimination de Mohsen Fakhrizadeh, physicien nucléaire et homologue militaire de Soleimani au sein du Corps des gardiens de la révolution islamique, une organisation terroriste interdite chargée de monter des attaques en Europe, a suscité la même hostilité.
A l’époque des négociations avec l’Iran sur le JCPOA, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et en particulier la France avaient exprimé de sérieuses réserves. Les clauses de caducité qui autorisaient l’Iran à disposer légalement de l’arme nucléaire, après des limitations temporaires dans l’accès aux matières nucléaires et aux technologies de pointe inquiétaient les Européens. Mais la détermination du président Obama à quitter la présidence des Etats Unis sur un important accord diplomatique, a incité les pays européens a passer outre l’intransigeance iranienne, et à accepter cet accord défectueux. Aujourd’hui, le refus des Européens de suivre les Etats Unis dans la dénonciation du JCPOA, ne repose pas sur un véritable calcul stratégique. Il s’agit plutôt d’une loyauté mal placée envers Obama, d’un mépris évident envers le président Trump et d’un désir d’apaiser l’Iran.
Désormais, les Européens se retrouvent coincés dans un accord nucléaire dont ils savent qu’il est bidon, hautement dangereux et qui transfère aux générations futures la confrontation avec un Iran nucléarisé. Le président élu présomptif Biden et les responsables qu’il a nommé aux postes clés de l’administration, ont clairement indiqué leur intention de revenir à l’accord. L’Iran espère désespérément que Biden tiendra parole pour soulager la pression mortelle que les sanctions américaines font peser sur son économie et pour se frayer un chemin en direction du club des puissance nucléaires. Bien entendu, Téhéran dissimulera officiellement son enthousiasme et manifestera son opposition à une résurrection du JCPOA pour obtenir des conditions encore plus favorables que la dernière fois.
Bientôt libérés de leur mépris autodestructeur pour Trump, les gouvernements européens vont avoir enfin l’opportunité d’agir. Dans leur intérêt, et celui de leurs enfants, ils devraient persuader Biden qu’un accord avec Téhéran n’est acceptable que s’il contraint véritablement les ambitions nucléaires des ayatollahs et freine leur agressivité au plan régional. Mais pour cela, les Européens doivent affronter leurs propres craintes vis-à-vis de l’Iran.
A chaque étape importante des négociations sur le nucléaire et chaque fois que la survie du régime iranien a été en jeu, l’Iran a multiplié les attentats dévastateurs en Europe. Autant de messages qui étaient adressés à Londres, Paris, Berlin et Bruxelles. Les cibles étaient des personnalités de l’opposition iranienne. Les assassiner avait pour but de dissuader d’éventuels candidats à la dissidence mais aussi d’avertir l’Europe qu’il était dangereux d’héberger ou de soutenir ces opposants. Les dirigeants iraniens n’auraient pas agi ainsi s’ils avaient craint des réactions négatives de l’Europe, ou s’ils avaient craint des représailles dommageables.
Les dirigeants iraniens ont ordonné ces attaques pour faire étalage de leur force apparente et pour bloquer toute velléité de riposte chez les Européens. Ils n’ont que mépris pour les Européens et les Américains, qu’ils considèrent comme faibles et décadents, lâches et incapables de défendre leurs propres intérêts. Les Iraniens jugent les Européens risibles et ne se sont pas privés de le leur faire savoir à maintes reprises dans le passé. En revanche, le président Trump les a incité à réfléchir, surtout quand il a ordonné la mort de Qasem Soleimani … Ils placent donc de grands espoirs en Biden, qu’ils pensent être plus malléable.
Nous pouvons être sûrs que le Guide Suprême s’est réjoui des résultats de son message : l’Europe a battu en retraite et a supplié son agresseur de croire qu’elle sera toujours son amie. La preuve si nécessaire que l’apaisement ne mène à rien et que seule la force paye, a été apportée ce jour-là. Les gouvernements européens doivent maintenant faire étalage de leur propre force ou subir les violences iraniennes en continu – une violence qu’observeront tous les acteurs malveillants de la planète, Moscou et Pékin sans oublier Pyongyang, avec les conséquences que l’on devine. Cet impératif stratégique mis à part, les Européens peuvent-ils vraiment s’offrir le luxe qu’un régime aussi terriblement hostile et manipulateur que Téhéran soit autorisé à acquérir des armes nucléaires ?
Le colonel Richard Kemp est un ancien commandant de l’armée britannique. Il a également dirigé l’équipe en charge de la lutte contre le terrorisme international au Cabinet Office britannique. Il est maintenant écrivain et conférencier sur les affaires internationales et militaires.