Alors que des manifestations néonazies agitent l’Allemagne depuis plusieurs mois, Heidi Benneckenstein, 26 ans, raconte dans un livre son enfance passée dans des camps semblables aux jeunesses hitlériennes, et appelle à se méfier de cette génération de nostalgiques du Troisième Reich.
TÉMOIGNAGE EUROPE 1Heidi Benneckenstein dit d’elle-même qu’elle était « coupable en tout innocence ». « Coupable », car elle fut un temps néo-nazie convaincue, « innocente » parce qu’elle est née dans une famille qui l’a élevée de la sorte, près de Munich, en fêtant notamment l’anniversaire d’Hitler chaque année. Le récit glaçant de cette jeune enseignante de 26 ans, mère d’un petit garçon, et aujourd’hui repentie, est publié jeudi, en français, aux éditions Liana Levi.
Des camps sur le modèle des jeunesses hitlériennes. La jeune femme y raconte de l’intérieur le fonctionnement des fraternités national-germaniques, comme elles s’appellent elles-mêmes, dirigées par la « Heimattreuen Deutschen Jugend » (HDJ), dont l’objectif était de former la prochaine génération de nazis. Le ministère de l’Intérieur allemand l’a fermé en 2009. Des milliers d’enfants, comme elle, participent dès l’âge de 4 ou 5 ans à ces camps d’embrigadement, sur le modèle des jeunesses hitlériennes.
« On n’a pas le droit de porter des jeans, de boire du coca, d’avoir des marques… Rien qui soit capitaliste, rien d’américain, et évidemment, rien de juif », décrit-elle au micro d’Europe 1. « On nous disait que les Juifs utilisaient le modèle américain pour dominer le monde. Et j’ai longtemps cru au grand mensonge de cette conspiration cachée », confie-t-elle.
Dans ces camps, les enfants se lavent à l’eau froide pour « endurcir la race allemande ». Adolescents, on les prépare au « jour X », le jour de la révolution nationale où il leur faudra prendre les armes.
Une idéologie complètement intégrée. Pendant toute son enfance, Heidi a donc vécu dans ce milieu néonazi, sans jamais le remettre en question, ni d’ailleurs le comprendre. Dans une interview accordée à Vice en octobre 2017, elle raconte : « Lorsque j’ai commencé l’école, j’ai compris que je n’avais pas une famille comme les autres. Je me souviens avoir montré à ma meilleure amie comment dessiner une croix gammée. À l’époque, j’ignorais tout de ce que cela signifiait – je pensais simplement partager quelque chose d’intéressant. »
Une lente remise en question. C’est après la rencontre avec son mari, un néonazi plus « modéré », qu’Heidi commence à s’interroger sur cette idéologie. Le couple emménage dans un quartier multiculturel de Munich, et commence à entretenir des rapports amicaux avec la population étrangère. Le processus a été long pour la jeune femme. « Cela faisait tellement longtemps que j’étais négationniste que j’ai mis du temps avant de retrouver un esprit critique », avouait-elle dans Vice. À 19 ans, Heidi a finalement cessé de nier l’existence de la Shoah.
Se méfier de cette nouvelle génération de nazis. « J’ai écrit ce livre, Coupable en tout innocence, car j’ai l’impression que la société n’a pas conscience de cet aspect de l’extrême-droite dans laquelle j’ai grandi », explique-t-elle sur Europe 1. Pour elle, cette élite brune, clandestine et fanatisée, est bien plus dangereuse que les skinheads ou les hooligans. « Dans les années 1990, l’extrême droite a compris qu’il fallait changer son image pour attirer les plus jeunes. Aujourd’hui, on voit beaucoup de néonazis au look de hipster. Ils portent néanmoins des marques et des badges très spécifiques pour se reconnaître entre eux », avait-elle rapporté à Vice.
Parmi ses anciens compagnons des camps du HDJ, certains sont aujourd’hui avocats ou hauts fonctionnaires. Heidi, de son côté, tente de refaire sa vie sous protection policière. Car en quittant le mouvement, elle s’est attirée de nombreux ennemis parmi les extrémistes, qui n’hésitent pas à la menacer.
Un groupuscule « terroriste » néonazi récemment démantelé en Allemagne
La police allemande a annoncé lundi le démantèlement d’un groupuscule néonazi « terroriste » soupçonné d’avoir planifié divers attentats et attaques, notamment contre des étrangers dans le sillage des récentes manifestations anti-migrants de Chemnitz.