Suède : théâtre de guerres des gangs issus de l’immigration

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Par Steve Tenré

Des policiers à Göteborg en Suède, où une explosion a visé un bâtiment dans un contexte de guerre des gangs, en août 2023. ADAM IHSE / AFP

 

RÉCIT – Le royaume scandinave est devenu en quelques années le théâtre de guerres des gangs issus de l’immigration. Les autorités tentent de l’endiguer en favorisant le retour des réfugiés dans leur pays.

Une descente aux enfers soudaine, brutale et meurtrière. En quelques années seulement, la Suède, autrefois considérée comme l’un des pays les plus sûrs d’Europe, a plongé dans une criminalité crasse, faisant de l’État nordique un haut lieu de trafics en tout genre, de fusillades entre gangs, et d’attaques à l’engin explosif artisanal. Dernière tuerie en date ? Celle qui a provoqué dix morts en plus du tueur, au sein d’un centre de formation pour adultes de la ville d’Örebro (notre photo : le château d’Orebro), dans le centre du pays, survenue ce mardi 4 février. Un individu de 35 ans, dont les motivations sont pour l’heure inconnues, a investi l’établissement, armé, et a ouvert le feu indistinctement.

Deux enseignants présents sur les lieux ont déclaré au journal Dagens Nyheter avoir entendu des coups de feu dans un couloir. «Des étudiants sont venus nous dire que quelqu’un tirait. Puis nous avons entendu d’autres coups de feu dans le couloir. Nous ne sommes pas sortis, nous nous sommes cachés dans nos bureaux». «Il y a eu beaucoup de coups de feu au début, puis le calme s’est installé pendant une demi-heure, avant que cela ne recommence. Nous étions couchés sous nos bureaux, recroquevillés», ont-ils ajouté.

Ce nouveau drame s’ajoute aux multiples actes de violence enregistrés chaque jour dans le pays. Alors que la plupart des pays européens ont vu les morts par balle reculer depuis le début des années 2000, le royaume scandinave a suivi une tendance inverse et se retrouve en tête d’un classement européen effectué par le Conseil suédois pour la prévention des crimes (Brå). «La Suède se retrouve aujourd’hui très haut dans le classement, avec environ 4 tués (par balle) par million d’habitants, pour une moyenne européenne de 1,6. Aucun autre pays dans l’étude ne montre de hausse comparable à celle de la Suède», observe le rapport.

Taux d’homicides en forte hausse

Sur l’année 2023, où les données statistiques ont été consolidées, 363 fusillades liées à des règlements de comptes ont été recensées en Suède. Ces dernières ont causé pas moins de 53 morts. En 2017, «seulement» 281 fusillades avaient été enregistrées, pour 36 morts. Le nombre de victimes par arme à feu a plus que doublé en une décennie, représentant désormais près de 40% des morts violentes en Suède.

Difficile de comparer avec l’Hexagone, qui ne dresse pas de statistiques dédiées aux morts par arme à feu et liées aux bandes criminelles. L’on peut toutefois dire que la France est l’un des pays européens les plus gangrenés par la violence, avec ses trois meurtres par jour, et son taux d’homicides intentionnels en 2022 de 1,56 pour 100.000 habitants, selon des données de la banque mondiale. En 2005, ce taux était de 1,58. En Suède, où l’on ne compte que 10,5 millions de résidents, le taux s’établit en 2023 à 1,15. Il était de 1 en 2005. Comparativement à l’Allemagne, ce taux est très élevé: alors qu’il était de 1,27 en 2005, il a baissé aujourd’hui à 0,82.

Corruption jusque dans les tribunaux

La situation suédoise inquiète jusqu’au plus haut niveau de l’État. Le ministre de la Justice, Gunnar Strömmer, a récemment prévenu qu’il faudrait au moins «une décennie» entière pour éradiquer les crimes violents qui ont lieu dans son pays. En cause ? La corruption à laquelle s’adonnent les gangs, les trafiquants de drogue et les trafiquants de migrants jusque dans les tribunaux, où avocats et magistrats recevraient de juteux pots-de-vin.

Selon un rapport parlementaire datant de 2019, le nombre de gangs implantés en Suède serait d’environ 200, mobilisant pas moins de 14.000 membres actifs. Au total, 48.000 personnes seraient impliquées dans leurs activités criminelles, qui vont du trafic de drogue au meurtre sur commande. Le phénomène s’est probablement aggravé ces dernières années. Parmi ces gangs, l’on peut nommer parmi les plus structurés la «légion des loups-garous», basée à Stockholm, principalement constitué d’immigrés d’Afrique subsaharienne nés dans les années 1980. On note aussi l’existence d’«Asir» mené par des Turcs, «Foxtrot», dominé par les Kurdes, ou la Södertäljenätverket, aussi connue sous le nom de «réseau syrien». Selon une étude relayée par l’université d’Uppsala, cette dernière mafia, «patriarcale», est si bien organisée qu’elle a infiltré «plusieurs sphères de manière institutionnelle, comme l’église, les clubs de sport, les commerces et le gouvernement local» du secteur de Södertälje, une ville située à quelques kilomètres de Stockholm.

Comme en France, ces bandes criminelles ont diversifié leurs missions au fil des années, n’hésitant plus à cambrioler, extorquer des commerçants afin de leur «offrir» une protection, ou se lancer dans le proxénétisme dit «de cité», lors duquel les membres de gangs séduisent de jeunes femmes, souvent des adolescentes, pour les convaincre d’enchaîner les passes dans des chambres d’hôtel louées pour l’occasion. Si elles souhaitent partir, ces victimes sont soumises à du chantage et des violences, et souvent retenues contre leur gré. Ils se sont aussi improvisés spécialistes du blanchiment d’argent et de l’«abus de prestations sociales». La Södertäljenätverket est connue pour détourner les allocations versées aux personnes handicapées et pour réaliser des fraudes au sein d’Ehpad privés.

Les jeunes, cibles privilégiées de ces gangs

D’après un rapport du Conseil national de prévention de la criminalité, les bandes criminelles suédoises n’hésitent plus à séduire les jeunes «désœuvrés» des banlieues de Malmö ou Stockholm pour renouveler leurs rangs. Pour ce faire, elles établissent une sorte de système pyramidal, où les adolescents les plus vieux, chargés de recruter les plus jeunes, obtiennent divers bénéfices grâce à la réalisation de cette mission cruciale pour la survie du groupe. Ainsi, certains individus de 15 à 20 ans vont chercher des enfants de 12 à 15 ans pour les «former» et en prendre la «responsabilité»: ces derniers sont ensuite chargés d’activités annexes, tels que le transport d’armes et la gestion de caches d’armes ou le vol de rue – des tâches rémunérées jusqu’à des milliers d’euros -, jusqu’à ce qu’ils gagnent la confiance de leur «mentor».

En 2023, une série de règlements de comptes liée au gang «Foxtrot», dirigé par Rawa Majid, un Kurde installé en Turquie (les gangs suédois sont de plus en plus dirigés par des chefs installés à l’étranger, NDLR), endeuille plusieurs familles, dont celle d’un jeune de 18 ans, Adouli, tué par balle devant un complexe sportif du sud de Stockholm. Le clan est alors soupçonné par la police d’avoir recruté des enfants de moins de 14 ans, et de les avoir équipés d’armes de guerre pour en faire des tueurs à gage. Leurs victimes sont également des adolescents: un garçon de 13 ans est notamment retrouvé abattu début septembre près d’une forêt à Haninge, au sud de Stockholm. Ces mineurs sont d’autant plus convoités des groupes criminels qu’ils échappent, comme en France, aux sanctions pénales les plus lourdes – leur permettant donc de recommencer leurs méfaits.

L’immigration mise en cause

Si ces gangs issus de l’immigration sont aussi actifs, c’est qu’ils ont aussi profité des vagues migratoires successives qu’a connues la Suède depuis la crise de 2015, durant laquelle le pays a accueilli le plus grand nombre de demandeurs d’asile par habitant jamais enregistré dans un pays de l’OCDE. «Ces vingt dernières années, la Suède a vu la part de sa population non occidentale passer de 2% à 15% de la population totale, soit une progression sans précédent dans l’histoire de ce pays», rappelle une étude de Fondapol.

En Suède, où le multiculturalisme a longtemps été énoncé comme un idéal, les discours politiques ont brutalement changé ces dernières années. «C’est l’immigration irresponsable et l’échec de l’intégration qui nous ont conduits» à cette situation dramatique, avait déjà affirmé le chef du gouvernement conservateur Ulf Kristersson, le 28 septembre 2023, avant d’évoquer «l’exclusion et les sociétés parallèles, terreau des bandes criminelles.» «Cette violence est à 100 % imputable à l’immigration», avait déjà assuré, une semaine plus tôt, Jimmie Akesson, président du parti nationaliste des Démocrates de Suède. «Si nous n’avions pas eu cette politique migratoire irresponsable si longtemps, nous n’aurions pas connu une telle situation, ni eu des gens nés en Suède mais vivant peut-être mentalement dans une autre partie du monde, et qui trouvent leur identité dans ces clans», avait-il expliqué devant la presse. Fin mai 2024, l’agence de renseignement suédoise Säpo avait aussi accusé l’Iran de recruter des membres de gangs criminels suédois pour commettre des «actes de violence» en Suède.

Une page officielle publiée en 2017 par le ministère des affaires étrangères suédois, intitulée «Faits à propos de la migration, de l’intégration et de la criminalité en Suède», se veut également claire, et cite trois études du Conseil national de prévention de la criminalité : «Brå a mené trois études sur la répartition des personnes inscrites comme suspectes d’infractions, en fonction de leur origine, qu’elles soient natives (de Suède) ou non natives. Toutes les trois montrent (que) les personnes d’origine non native sont plus souvent suspectées de crimes que celles d’origine native. Selon la dernière étude, les personnes nées à l’étranger ont 2,5 fois plus de chances d’être inscrites comme suspectes d’infractions que les personnes nées en Suède de deux parents nés en Suède.»

Après les paroles, place aux actes: la Suède envisage depuis la mi-janvier de déchoir de leur nationalité les membres de gangs binationaux. Le gouvernement s’est également félicité en septembre dernier d’avoir bénéficié, pour la première fois en 50 ans, d’une «émigration nette»: autrement dit, davantage de personnes quittent le pays qu’il n’en arrive pour s’installer. Il faut dire que l’exécutif fait tout pour pousser les réfugiés à quitter le pays: en 2026, l’exécutif va tenter d’augmenter les retours volontaires en proposant aux demandeurs d’asile de leur offrir une prime de 30.000 euros s’ils l’acceptent. La prime existe déjà, mais n’est «que» de 880 euros.

Il est de toute façon temps d’agir: les gangs suédois ont d’ores et déjà étendu leurs activités au Danemark, à la Norvège et à la Finlande. Au moins 25 jeunes suédois ont été engagés entre avril et octobre 2024 pour commettre des crimes au Danemark à l’aide de grenades ou d’armes à feu. À l’occasion d’une rencontre avec le premier ministre suédois en octobre, son homologue danoise Mette Frederiksen avait déclaré: «Il existe malheureusement un lien très étroit entre la politique migratoire et la lutte contre la criminalité aujourd’hui (…) En effet, lorsque l’on se penche sur la criminalité organisée, sur la violence, sur la drogue, elles sont surreprésentées au Danemark et en Suède, en particulier chez les jeunes hommes issus de milieux non occidentaux. Et ce n’est pas tenable». L’urgence est telle que les deux pays ont annoncé un partenariat de lutte contre les gangs.

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