Qui se cache vraiment derrière les manifestations anti-israéliennes dans les universités américaines et françaises ?

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GUERRE DE COMMUNICATION

Les manifestations hostiles à Israël se multiplient en France et aux Etats-Unis. Certains slogans interrogent sur l’idéologie des militants et sur leurs positions vis-à-vis du Hamas.

Simone Rodan-Benzaquen – Illustration : Glasgow, Royaume-Uni – 14 octobre 2023 : rassemblement de groupes pro-palestiniens contre le conflit israélo-Hamas, devant la salle de concert royale de Glasgow

Simone Rodan-Benzaquen est Directrice Générale d’AJC Europe.

Atlantico : Aux États-Unis ou en France, les manifestations de soutien au peuple palestinien se multiplient. Mais les militants qui y participent ne se bornent pas à leur indignation de la situation dans la bande de Gaza. Ils scandent des slogans particulièrement violents contre l’Occident et Israël. Est-ce que cette situation témoigne de la force du Hamas dans la guerre de communication que l’organisation terroriste a engagé ?

Simone Rodan-Benzaquen : Le soutien au peuple palestinien est parfaitement légitime. On peut comprendre que les gens soient concernés par la souffrance humaine des Palestiniens à Gaza et se passionnent pour la question israélo-palestinienne, surtout depuis les événements du 7 octobre. Cependant, ce qui se passe depuis cette date n’est qu’un reflet de ce qui existait déjà bien avant, et qui est plus répandu dans le monde anglo-saxon, notamment dans les universités et dans la rue. Une passion exacerbée propalestinienne, même pro-Hamas, souvent teintée de propos ouvertement pro-terroristes et antisémites, se déchaîne. C’est un mélange de plusieurs facteurs, dont une communication extrêmement ciblée par le Hamas lui-même, qui dès le matin du 7 octobre a utilisé deux formes de communication différentes. D’un côté, toutes les horreurs du pogrom du 7 octobre diffusées sur les réseaux du Hamas, notamment les chaînes Telegram, ont créé une forme de passion violente et antisémite. Ce n’est pas par hasard que dès le 7 octobre, on a vu les manifestations d’explosion de joie dans les rues de Londres, de New York ou de Sydney et une explosion des actes antisémites dès les premiers jours et avant même la réplique militaire israélienne.

D’un autre côté, une communication officielle de Mohammed Deif dès le matin du 7 octobre utilisait des éléments de langage proches des organisations de Droits de l’homme, en parlant de colonisation, de droits, de liberté, d’apartheid et de génocide. C’est ce discours qui a particulièrement résonné dans les universités américaines, influencées depuis des années par ce qui a été appelé une culture du wokisme, c’est-à-dire une forme de post-marxisme qui classe les gens en catégories de race et de genre, pour qui la glorification de la victimisation prend toute la place et qui, dès 2016, pendant le Women’s March avait identifié le sionisme et les Juifs comme des catégories opprimantes, qui sont automatiquement devenues des ‘Uber blancs’.

Ces symptômes-là ont été vus déjà pendant le mouvement Black Lives Matter, quand des étudiants juifs ont été contraints à signer une charte pour dire qu’ils n’étaient pas sionistes.

Le troisième point concerne les réseaux sociaux, et notamment des plateformes comme TikTok qui influencent largement la manière dont les jeunes voient le conflit israélo-palestinien, avec une multitude de vidéos propalestiniennes voire pro-Hamas, et une manipulation de l’information très forte. Quand on voit que des jeunes américains sont aujourd’hui capables de glorifier Ben Laden sur TikTok, on se rend compte de l’ampleur du problème. Le rôle de la Chine devra bien évidemment être interrogé. Enfin, et ce n’est pas un point mineur, le financement de pays étrangers comme le Qatar, envers de prestigieuses universités américaines telles que Columbia, Harvard et Yale, qui finance aussi en partie des organisations propalestiniennes comme Justice for Palestine mais aussi des organisations islamistes comme CAIR ou Dawn. Au moins 100 collèges et universités américains ont illégalement dissimulé des informations concernant environ 13 milliards de dollars de contributions non documentées provenant de gouvernements étrangers, dont beaucoup sont autoritaires.

Tout ceci est ensuite manipulé et instrumentalisé par certains responsables politiques. En France on pense bien évidemment à La France insoumise, qui a décidé de faire l’intégralité de sa campagne et de construire son identité politique sur la question palestinienne. Le fait de prendre comme numéro sept sur la liste des européennes, une candidate comme Rima Hassan, qui a une vision très radicale de la cause palestinienne, souhaitant une Palestine de la rivière à la mer, donc sans Israël et qui a qualifié les actes du Hamas comme légitimes, donne une idée de la stratégie de LFI. Le fait d’organiser presque tous les meetings politiques dans les universités, nous donne ensuite un deuxième indice.

Quelle est l’importance de cette contestation occidentale contre Israël dans la stratégie du Hamas ?

Le Hamas poursuit un double objectif. Premièrement, déclaré dès le 7 octobre, il cherche à globaliser, c’est-à-dire à internationaliser le djihad afin que plus aucun Juif ne soit en sécurité. L’objectif ensuite est que les sociétés occidentales se fracturent. Cette stratégie s’avère être une arme redoutable contre l’Occident en attisant la haine contre lui-même. Ce phénomène est d’ailleurs clairement visible sur les campus américains où les manifestants crient non seulement ‘Mort aux Juifs’ et ‘Bombardez Tel-Aviv’, mais aussi ‘Mort à l’Amérique’. En miroir, on observe une augmentation de l’extrême droite et un effacement du centre et de la raison. Voilà son arme redoutable: la cause soi-disant propalestinienne comme arme de destruction des sociétés occidentales. En réalité, le Hamas n’est pas seulement une organisation palestinienne ; il est principalement une organisation islamiste, largement financée par le Qatar et l’Iran, et fait partie des forces mandataires de l’Iran qui, avec d’autres autocraties telles que la Russie, la Corée du Nord ou encore la Chine, ont pour objectif de mener une guerre contre l’Occident, et en premier lieu contre les États-Unis.

Le deuxième objectif est d’exercer une forte pression sur l’administration américaine, ce qui fonctionne plutôt bien. L’équipe Biden, actuellement en pleine campagne électorale, ressent la pression de l’aile gauche du parti démocrate et des communautés musulmanes et arabes dans des Etats clés comme le Michigan, mettant ainsi le président Biden dans une situation de plus en plus difficile. La situation extrêmement violente dans les universités d’élite complique la situation davantage. Le Hamas a tout intérêt à poursuivre cette guerre, raison pour laquelle il ne libère pas les otages. Le Hamas pense que toute la pression s’exerce sur Israël, et il lui suffit d’attendre que cette stratégie porte ses fruits.

Quel est le préjudice créé par ces manifestations pour Israël ?

Le préjudice est bien sûr réputationnel, mais ne se manifeste pas concrètement pour l’instant, sauf si la pression des étudiants continue à perturber et à perdurer dans le temps et à augmenter la pression politique. La vraie question, évidemment, concerne ces étudiants des universités d’élite : que deviendront-ils et que penseront-ils à l’avenir ? Est-ce un phénomène générationnel qui s’estompera avec l’âge ou, au contraire, se poursuivra lorsque ces étudiants occuperont des postes importants ? Le vrai sujet n’est pas Israël, mais plutôt la situation des étudiants juifs et, plus largement, des Juifs eux-mêmes. Aujourd’hui, ils sont terrorisés, comme on peut le voir avec l’exemple de l’université de Columbia qui déclare ne plus être capable d’assurer des cours sur le campus, mais uniquement en ligne. Quand le rabbin de Columbia recommande aux étudiants juifs de ne pas se rendre sur le campus, on mesure à quel point la situation est dangereuse.

À travers l’histoire, l’antisémitisme a toujours pris divers visages : celui de la religion et de l’église, de la science et de la race, et aujourd’hui de l’antiracisme, des droits de l’homme et de l’anticolonialisme. C’est cela que nous voyons manipulé parfaitement par le wokisme et bien sûr par Hamas et les militants qui s’appellent «propalestiniens ». L’histoire nous enseigne aussi que l’antisémitisme ne commence jamais avec les chambres à gaz et Auschwitz, mais avec une rupture d’égalité, du conspirationnisme et une exclusion progressive des voix juives. Ce que nous vivons aujourd’hui est une répétition de ces mêmes mécanismes sous un autre visage. Quand on voit que des étudiants juifs sont empêchés d’aller à l’université ou des professeurs israéliens sont empêchés d’enseigner, ce qui a été le cas à Colombia, on se dit qu’il y a urgence à se reprendre avant que ce soit vraiment trop tard.

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