Je ne rejette pas l’idée que cette année, lors des Seli’hoth des Sefarades, nous verrons aussi des Ashkenazes se joindre à eux. Certainement aux Seli’hoth au Kotel. Pourquoi pas, si vous nous accueillez si bien pendant la Mimouna, pourquoi ne pas nous accepter aussi pendant les Seli’hoth?
Yedidya Meir
Ce Chabbath, nous bénirons la venue du mois d’Eloul. Les années précédentes, j’évitais de mentionner le mot « Eloul » dans ma chronique avant d’être complètement plongé dans ce mois chargé. Et pour être honnête, ce n’était pas seulement dans la chronique, même en moi-même, j’essayais de repousser l’échéance.
Pourquoi Eloul ? Pourquoi maintenant ? C’est encore août, l’été, les vacances, la pastèque… Ne me parlez pas de chofar maintenant. Ne perturbez pas mon moment de détente estivale.
En fait, même lorsque Roch ‘Hodech Eloul arrivait, je me disais qu’il n’était pas encore là. Après tout, le premier jour de Roch ‘Hodech Eloul est encore en Av (oui, j’ai appris ça pendant mes années à la yechiva, où j’essayais de repousser autant que possible le début du temps exigeant d’Eloul). La voix de mon bien-aimé ne frappe pas encore. Et la vérité est que même lorsque le mois commence, selon toutes les opinions, je me rassurais en me disant qu’il y avait encore du temps avant Roch Hachana. Et avant Yom Kippour, il y a encore plus d’un mois. Et d’ailleurs, Yom Kippour n’est même pas en Eloul mais en Tichri.
En fait, même Roch Hachana n’est pas en Eloul. Bref, il reste encore beaucoup de temps. L’angoisse viendra en son temps. Alors oui, les Sefarades commencent les Seli’hoth dès le début du mois, et ils proclament chaque nuit : « Ô homme, pourquoi es-tu endormi?! » Mais bon, je suis Achkenaze, je peux encore dormir un peu.
Mais cette année, c’est une autre histoire, et je pense que je ne suis pas le seul. Cette année, beaucoup attendent le mois d’Eloul, le mois de la miséricorde et des Seli’hoth.
Nous attendons déjà le chofar qui nous réveillera. Nous attendons avec impatience de réciter deux fois par jour le psaume réconfortant « L’Éternel est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je peur ? L’Éternel est la forteresse de ma vie, de qui aurais-je crainte?… Si une armée campe contre moi, mon cœur n’aura pas peur ; si une guerre éclate contre moi, je garderai confiance en cela » (Connaissez-vous l’histoire incroyable de Sapir Cohen, la captive qui a été libérée, avec ce psaume ? Sinon, cherchez « Sapir Cohen + Psaume 27 » sur Google).
Nous attendons l’« Avinou Malkénou » des Dix Jours de Repentance. Nous attendons les Treize Attributs de Miséricorde dans les Seli’hoth. Et à propos des Seli’hoth, je ne rejette pas l’idée que cette année, lors des Seli’hoth des Sefarades, nous verrons aussi des Ashkenazes se joindre à eux. Certainement aux Seli’hoth au Kotel. Pourquoi pas, si vous nous accueillez si bien pendant la Mimouna, pourquoi ne pas nous accepter aussi pendant les Seli’hoth ? Réjouissez-vous et confessez-vous.
Et surtout, nous attendons les chants et les mélodies du mois d’Eloul. Nous attendons que les anges qui recueillent les larmes recueillent toutes nos larmes. Il me semble que cette année, le nombre d’anges recueillant les larmes sera augmenté au ciel. D’ailleurs, il y a une suite moins connue à ce piyout, car elle ne fait pas partie de la mélodie, mais combien elle est pertinente cette année : « Rappelez devant Lui, faites entendre devant Lui, la Tora et les bonnes actions des habitants de la terre. Qu’Il se souvienne de leur amour et fasse vivre leur descendance, pour que ne périsse pas le reste de Ya’akov. Car, comme des brebis d’un berger fidèle, Israël, une nation unique, est devenue une moquerie et un sujet de raillerie. »
Oui, il n’est pas agréable de l’admettre, mais en un instant, en un jour, nous sommes passés de la superpuissance du Moyen-Orient à la risée des nations, à un sujet de moquerie. Wow. Et maintenant, je me souviens du passage qui vient juste après dans les Seli’hoth : « Maître du ciel, je T’implore, comme un captif qui implore ses ravisseurs. » L’année dernière, c’était une métaphore éloignée du monde ancien. Cette année, c’est notre réalité.
Quel mois d’Eloul nous attend cette année ? Même pour Ticha Be’Av, le jour le plus difficile et triste de l’année, il y avait une attente. Tellement de gens ont jeûné pour la première fois ce jour-là. Ils se sont connectés à ce jalon du calendrier juif qui leur rappelle que leurs épreuves personnelles de l’année écoulée ne commencent pas et ne se terminent pas avec le 7 octobre dans le sud d’Israël. Nous avons un passé juif, et surtout, nous avons un avenir juif. Nous faisons partie d’une grande histoire. Et nous avons une manière juive, religieuse, halakhique, d’exprimer ce deuil.
J’essaie de me souvenir de ce que je ressentais pendant les Haftaroth des « Sept de Consolation » les années passées. Je veux dire, je me souviens de ces Haftaroth, je connais en gros les textes, je connais même certains passages par cœur, mais après tout ce que nous avons vécu, soudain ces Haftaroth de consolation ont une nouvelle mélodie. Elles résonnent différemment. Ce Chabbath, dans notre minyan, le lecteur a été submergé d’émotion lorsqu’il a atteint le crescendo de « Car l’Éternel a consolé Sion, Il a consolé toutes ses ruines, Il a transformé son désert en Éden et son aride terre en jardin de l’Éternel; la joie et l’allégresse y seront, des actions de grâce et des chants. »
Et pas seulement les Haftaroth, mais aussi les bénédictions qui suivent immédiatement après, chaque Chabbath, donnent de la force : « Tu es fidèle, ô Éternel notre D’, et Tes paroles sont fidèles, et aucune de Tes paroles ne reviendra vide. » Tout ce que nous venons de lire, tout ce qui nous a fait suffoquer, se réalisera dans la réalité. La vérité est que beaucoup de choses se sont déjà réalisées. Et beaucoup plus encore se réaliseront. Rien ne reviendra vide.
Et si c’était ainsi en Av, imaginez ce qui se réveillera ici cette année en Eloul. Oui, même pour ceux qui n’ont jamais connu l’atmosphère de ce mois. Un monde merveilleux va se révéler devant eux.
« Le mois d’Eloul, qui vient à nous pour le bien », a écrit le rav Kook dans une lettre la veille de Roch ‘Hodech Eloul 5676 (1916), au plus fort de la Première Guerre mondiale, « le mois qui encourage l’âme pure juive depuis toujours. Le mois qui clôt les efforts de l’année qui va s’écouler, sera une source de salut et une source de bénédiction pour tous ceux qui espèrent et pour tous ceux qui attendent le salut et la rédemption. »
Et encore une courte citation du rav Kook : « La techouva ne vient pas pour rendre la vie amère, mais pour l’adoucir. » Il y a tant d’explications du rav Kook sur le concept de techouva, je ne les connais pas toutes (et je ne les comprends certainement pas toutes), mais cette phrase tirée de son livre « Orot HaTechouva » vaut la peine d’être connue, même par cœur. Surtout si vous souffrez du trouble de stress post-Eloul comme moi. Alors je la répète : « La techouva ne vient pas pour rendre la vie amère, mais pour l’adoucir. » C’est vrai, il n’est pas facile de faire une véritable techouva, de se corriger, mais le but n’est pas de rendre la vie amère, bien au contraire.
Vendredi prochain, le 3 Eloul, marquera les 89 ans du décès du rav Kook (nous entrons dans la 90e année !), et combien nous avons besoin cette année de ses paroles inspirantes, ainsi que de ses bénédictions, pour que ce mois encourage vraiment l’âme juive et soit une source de salut pour tous ceux qui espèrent et pour tous ceux qui attendent le salut et la rédemption.
La chronique est publiée dans le journal « Bachéva ».