- En Suède, la confiscation du livre de l’écrivain et comédien Aron Flam et le procès qui va se tenir contre lui ont ouvert un débat sur la liberté d’expression. Flam n’a pas manqué d’ironiser sur cet État qui ordonne la saisie de tous les exemplaires du livre d’un écrivain suédois, juif de surcroit, parce qu’il a critiqué la collaboration suédo-nazie pendant la guerre.
- Uppsala, cité universitaire autrefois pittoresque et paisible, se classe en tête des villes ou éclatent le plus grand nombre de fusillades par habitant. « Les gangs ont été autorisés à se développer », a déclaré Manne Gerell, criminologiste à l’Université de Malmö à SVT Nyheter en décembre 2019. Il a ajouté que la police s’était « réveillée », mais un peu trop tard.
- Peut-être serait-il temps que les budgets qui servent à persécuter les délits d’opinion des retraités et des comédiens soient affectés à la lutte contre les crimes violents.
Peut-être serait-il temps que les budgets qui servent à persécuter les délits d’opinion des retraités et des comédiens soient affectés à la lutte contre les crimes violents. (Source de l’image : iStock) |
En juin, quatre policiers en armes ont saisi et confisqué tous les stocks de Det här är en svensk tiger (« Ceci est un tigre suédois »), un livre que l’écrivain et humoriste suédois Aron Flam vient de publier. L’ouvrage démontre que pendant la Seconde Guerre mondiale, la fameuse neutralité du pays a surtout servi à masquer la contribution de la Suède à l’effort de guerre nazi et les juteux bénéfices qu’en a retiré le gouvernement social-démocrate.
Le titre du livre parodie une affiche de 1941 dessinée par Bertil Almqvist qui représente un tigre bleu et jaune aux couleurs du drapeau suédois. L’affiche est titrée « En svensk tiger » (« Un tigre suédois »), mais le mot « tigre » en suédois à une double signification : il désigne un tigre mais invite également à se taire. L’affiche originale avait été conçue dans le cadre d’une campagne gouvernementale invitant les Suédois à mesurer leurs propos sachant qu’un mot de trop pouvait mettre en danger les relations de la Suède avec l’Allemagne nazie.
Flam avait prévu d’illustrer la couverture de son livre avec le tigre d’Almqvist mais un tigre détourné doté d’un brassard à croix gammée sur sa patte gauche, saluant comme un nazi avec la patte droite et clignant de l’œil simultanément en direction du lecteur. Ces petites transformations n’ont pas été du goût du musée de la préparation militaire qui a poursuivi Flam pour atteinte au droit de la propriété intellectuelle – le tigre d’Almqvist lui appartient – et qui a obtenu du procureur que la police confisque l’intégralité des stocks de livres. Selon Flam, le procureur projette également de saisir les livres au domicile des lecteurs qui l’ont déjà acheté, pour s’assurer que tous les exemplaires seront détruits.
La confiscation des exemplaires du livre de Flam et le procès qui l’attend ont déclenché un débat sur la liberté d’expression. Flam n’a pas manqué d’ironiser sur cet État qui saisit les livres d’un écrivain suédois, juif de surcroit, parce qu’il critique la collaboration suédo-nazie pendant la guerre. « Imaginer qu’un procureur est occupé à traquer et détruire un livre est kafkaïen. Il aurait pu se contenter de déchirer la couverture, mais non !» a déclaré Flam.
Comme toujours, la coordination entre la police et le parquet est un bon indicateur des priorités politiques du pays. Ces (curieuses) priorités se sont illustrées une nouvelle fois dans une autre affaire de liberté d’expression. Récemment, une retraitée a été condamnée à payer une amende pour « incitation » : elle avait mal supporté qu’un retraité de 86 ans soit agressé par un homme de 27 ans et n’avait pas dissimulé sa colère sur Facebook.
« Oui, il [l’agresseur] n’ira probablement même pas en [prison …]. Mieux vaudrait l’expulser, quel genre de singes rentre dans ce pays, l’expulsion est tout ce qu’ils méritent, il n’y a pas de circonstances atténuantes … Les singes ne devraient pas venir ici et commettre de tels forfaits … »
Dans son post Facebook, la retraitée n’a visé aucun groupe humain en particulier, mais le tribunal a estimé qu’elle avait incité à la haine contre les migrants :
« Le tribunal d’instance […] estime que cette communication ne peut être comprise que comme ciblant un groupe de personnes en particulier protégé par la disposition – les immigrants – soit les groupes ethniques en Suède qui ont en commun d’avoir une origine nationale différente de celle de la population majoritaire. En traitant ce groupe de « singes » et de « peuple des singes », NN [la femme] a tenu des propos qui doivent être considérés comme désobligeants ».
Ce procès n’a rien d’exceptionnel en Suède. Les poursuites engagées contre des retraités, et d’autres catégories de citoyens, pour des propos jugés racistes sont monnaie courante.
Le problème est que les autorités suédoises donnent au même moment le sentiment d’être submergées par une vague croissante de crimes violents. Comment ne pas s’étonner que la police et les procureurs donnent la priorité à des confiscations de livres parce qu’ils sont ornés de tigres satiriques et à des procédures contre des retraités coupables de « pensées déviantes », alors que la police ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire face aux crimes violents.
À Uppsala, par exemple, un journal local a rapporté qu’en 2019, 80% des élèves filles du secondaire ne se sentaient pas en sécurité. En 2013, ce pourcentage était de 45%.
En juillet dernier, SVT Nyheter a rapporté qu’en novembre 2019, à Uppsala, une fillette de 13 ans avait été violée dans les toilettes publiques d’un centre commercial. La police connaissait le suspect, mais a mis sept mois à l’arrêter. « La police étant en sous-effectifs, le suspect n’a pu être placé en détention », a déclaré Moa Blomqvist, le procureur chargé de l’affaire, à la télévision. « Je suis très en colère que des crimes aussi graves demeurent enfouis sous une pile de dossiers dans l’attente du bon vouloir de la police … ». La police a protesté contre l’allégation de Blomqvist.
En juillet, une mère de trois enfants et sa sœur qui rentraient à pied avec leurs maris, ont été blessées par un homme qui s’est présenté à elles comme venant de Gottsunda, une « no go zone » d’Uppsala. Sans raison, l’individu leur a donné des coups de pied dans la tête. L’agresseur a très vite été rejoint par un gang, qui a commencé à fouetter les maris avec des ceintures. A ce jour, la police ne dispose d’aucune piste sérieuse. Deux semaines plus tard, dans le centre d’Uppsala, un homme a été poignardé de plusieurs coups de couteau.
Uppsala, cité universitaire pittoresque et autrefois paisible, arrive en tête du classement des agglomérations souffrant du plus grand nombre de fusillades par habitant. « Les gangs ont été autorisés à se développer », a déclaré Manne Gerell, un criminologue à l’Université de Malmö à SVT Nyheter en décembre 2019. Il a ajouté que la police s’était « réveillée », mai un peu tard.
Uppsala souffre également d’explosions multiples car les gangs règlent leurs comptes à coups d’engins explosifs. En 2019, la Suède avait recensé 257 explosions. A Uppsala, le dernier attentat à la bombe a eu lieu en juin : un « engin explosif mineur » a explosé dans un appartement.
En Suède, en 2019, moins d’un attentat à la bombe sur dix a donné lieu à des poursuites criminelles, indique SVT Nyheter. Peut-être serait-il temps que le gouvernement redéploye ses effectifs de lutte contre la liberté d’expression des retraités et des comédiens à la lutte contre les crimes violents.
Judith Bergman, chroniqueuse, avocate et analyste politique, est Distinguished Senior Fellow du Gatestone Institute.