Car c’est d’une mitswa qu’il s’agit. Il est vrai qu’on ne trouvera pas de banque qui ne soit pas disposée à nous prêter de l’argent, mais avec une grande différence : tout établissement de cet ordre entend recevoir en retour non seulement le capital, mais également des intérêts, parfois fort élevés. Ce n’est évidemment pas de cette sorte de prêts dont parle l’Ecriture. De fait, si des intérêts sont versés tout simplement, les deux partis transgressent un interdit très grave …
La Tora dit (Chemoth/Exode 22,25) : « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de Mon peuple, au pauvre qui est avec toi, ne sois point à son égard comme un créancier ; n’exigez point de lui des intérêts ». La Mekhilta apprend de ce verset l’obligation de prêter, bien qu’elle semble être laissée à notre bon vouloir.
« Quelqu’un de Mon peuple » : l’interdit de demander un intérêt ne concerne que des prêts entre Juifs.
On trouvera du reste encore d’autres occurrences dans la Tora dans lesquelles cette obligation est énoncée, comme (Devarim/Deutéronome 15,7 et suivants) : « Que s’il y a chez toi un indigent, d’entre tes frères, dans l’une de tes villes, au pays que l’Eternel, ton D’, te destine, tu n’endurciras point ton cœur, ni ne fermeras ta main à ton frère nécessiteux. Ouvre-lui plutôt ta main ! Prête-lui en raison de ses besoins, de ce qui peut lui manquer ! » On ne peut être plus explicite. La Chemita n’est pas loin derrière nous, et nous nous souvenons de la rémission des dettes à la fin de l’année. La Tora dit à cet égard : « Garde-toi de nourrir une pensée perverse en ton cœur, en te disant « que la septième année, l’année de rémission, approche », et, sans pitié pour ton frère nécessiteux, de lui refuser ton secours : il se plaindrait de toi au Seigneur, et tu te rendrais coupable d’un péché. Non ! Il faut lui donner, et lui donner sans que ton cœur le regrette ; car, pour prix de cette conduite, l’Eternel, ton D’, te bénira dans ton labeur et dans toutes les entreprises de ta main ». La Tora n’insiste que rarement de cette manière sur des pensées susceptibles de nous assaillir, jusqu’à nous empêcher de répondre à nos obligations ! Il faut croire que cette mitswa spécifique peut heurter quelque peu notre conduite habituelle, car nous avons l’habitude de considérer notre argent comme un instrument pour en gagner plus. Là, il sera immobilisé, sans porter fruit.
Jusqu’à quand devra-t-on agir ainsi ? Le verset est clair (id. 11) : « Or, il y aura toujours des nécessiteux dans le pays ; c’est pourquoi, Je te fais cette recommandation : ouvre, ouvre ta main à ton frère, au pauvre, au nécessiteux qui sera dans ton pays. »
Dans certains cas, un gage sera exigé. Le verset gère également ce genre de situations (id. 26) : « Si tu saisis, comme gage, le manteau de ton prochain, au soleil couchant, tu devras le lui rendre ; car c’est là sa seule couverture, c’est le vêtement de son corps. Comment abritera-t-il son sommeil ? Or, s’il se plaint à Moi, Je l’écouterai, car Je suis compatissant ».
Dans le temps, en effet, nombre de prêts n’étaient accordés qu’avec de telles garanties – on appelait ces établissements des « monts de piété ». Le premier connu a été fondé en Italie vers 1462, mais, visiblement, le principe même de prêts de ce genre remonte à bien plus longtemps, puisque la Tora le cite. Toutefois, l’institution que l’on va bientôt trouver dans toute l’Europe vient en fait contrer les prêts à taux exorbitants alors pratiqués, jusqu’à 120% par an, alors que ces prêts sur gages ne dépassent pas les 10%. Evidemment, les gages n’ont aucune garantie de restitution, en cas de non remboursement de la dette.
La Tora exige des Juifs d’effectuer ces prêts entre eux sans le moindre intérêt, ou « ribbith ». Elle considère la transgression de cet interdit comme l’une des plus graves, puisqu’elle empêche les contrevenants de se lever le jour de la résurrection des morts (cf. Ba’al haTourim sur Devarim 25,36).
Il existe toutefois une solution pour quand même recevoir un intérêt : c’est la mise en place d’un dispositif nommé « héter ‘isqa ». Le prêt ne sera pas considéré juste comme tel, mais comportera 50% de dépôt d’argent, afin que l’emprunteur travaille avec lui, et fasse gagner de l’argent au prêteur. C’est sur cette partie de la somme qu’un pourcentage sera payé. Il s’agit évidemment d’une fiction juridique, et certains auteurs s’y opposent.
Avec les banques, cette solution s’avère un peu plus facile : certains expliquent en effet qu’une banque n’est pas une personne spécifique, et qu’à ce titre elle n’est pas soumise aux lois de la Tora. En revanche, une banque privée, qui serait la propriété d’un Juif, posera à nouveau difficulté. Par contre, cela ne concernera pas une banque publique à l’étranger.
La mitswa de prêter de l’argent est très respectée dans les communautés juives orthodoxes. On trouvera même de nombreuses caisses de prêt – brassant du reste des sommes très importantes, comparées à celles qui passent par des banques classiques.
La mitswa de prêter à autrui ne concerne pas que de l’argent : il faudra aussi mettre à disposition des objets à des personnes qui en font la demande, dans la mesure du possible.
Le riche peut également avoir besoin d’un prêt, mais on donnera la priorité au pauvre.
Dans tous les cas, il faudra établir un contrat à l’égard de cet acte, ou exiger la présence de témoins.
Inutile de dire qu’il y a également une mitswa… de rendre l’argent emprunté : « Le remboursement d’une dette est une mitswa » » (Ketouvoth 86a).