Pourquoi l’Europe n’est pas crédible aux yeux du monde

Pourquoi l’Europe n’est pas crédible aux yeux du monde

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  • L’Europe s’est unie contre les États-Unis, ou plus précisément contre Trump
  • En réalité, si l’Europe pense qu’elle doit renforcer sa propre défense, elle aurait dû le faire avant que la guerre en Ukraine n’atteigne ce stade

Le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le président ukrainien Volodymyr Zelensky se sont chacun rendus à la Maison Blanche pour s’entretenir avec le président américain Donald Trump la semaine dernière. La sécurité européenne et la guerre en Ukraine étaient en tête de l’ordre du jour. Alors que les visites de Starmer et Macron ont été marquées par des sourires tendus, celle de Zelensky a été houleuse. En tant qu’habitant du Moyen-Orient, je ne peux m’empêcher de faire le lien entre ces deux événements.

Il a été amusant de voir la réaction de l’Europe à cette nouvelle règle américaine, d’autant plus qu’elle a été très similaire à sa réaction au Brexit britannique. Londres et Paris se sont chamaillés lors de cette mauvaise rupture, mais s’entendent à nouveau comme si rien ne s’était passé. Et c’est probablement la leçon qu’il faut en tirer. La réaction excessive de l’Europe au Brexit ne devrait pas se reproduire dans la situation entre l’Europe et les États-Unis. Pour paraphraser une pièce de théâtre, l’Europe ne devrait pas se comporter une fois de plus comme une «femme dédaignée».

Ce n’est pas une mauvaise chose pour l’Europe de chercher à mutualiser et à renforcer sa défense et sa sécurité. Il est amusant de constater que c’est exactement ce que Trump demande depuis sa première présidence, notamment en ce qui concerne les budgets militaires. Au-delà de la rhétorique, il existe une différence fondamentale entre ce que signifierait pour les États-Unis et l’Europe une défaite face à la Russie. Washington y voit la même chose que sa sortie d’Afghanistan ou de tout autre théâtre, tandis que l’Europe y voit le début de son invasion et de sa guerre. Qui a raison ? Et l’Europe peut-elle être protégée par le parapluie nucléaire du Royaume-Uni et de la France plutôt que par celui des États-Unis ?

L’arsenal nucléaire français est estimé à environ 290 ogives, dont environ 280 opérationnelles. Depuis l’époque de Charles de Gaulle, elle a maintenu une politique de «stricte suffisance» en matière de dissuasion souveraine. Si l’on entre un peu plus dans le détail, ses capacités sont réparties entre quatre sous-marins de classe Triomphant, capables d’emporter chacun 16 missiles balistiques. Au moins un de ces sous-marins est toujours en patrouille pour assurer une dissuasion maritime continue. Toutefois, l’essentiel de l’équipement est constitué de 40 avions à réaction Rafale à capacité nucléaire. La France modernise activement ses forces, en améliorant ses sous-marins et en menant des recherches sur un nouveau missile lancé par avion.

Le Royaume-Uni possède environ 225 ogives, mais il s’appuie uniquement sur une dissuasion nucléaire basée en mer. Il possède quatre sous-marins de classe Vanguard qui peuvent chacun transporter jusqu’à 12 ogives nucléaires. Tout comme la France, le Royaume-Uni a toujours au moins un sous-marin en mer. Il envisage également de passer à une nouvelle classe de sous-marins dans les années 2030.

Les traités de Lancaster House, signés en 2010, ont renforcé la collaboration militaire entre le Royaume-Uni et la France. Ils établissent une coopération étroite en matière de défense et de sécurité entre les deux pays. La collaboration nucléaire fait partie de ces traités et comprend la coopération en matière d’essais d’ogives nucléaires et de porte-avions.

Il s’agit sans aucun doute du point à partir duquel toute collaboration pourrait être étendue. Et si l’on pense à la défense européenne, ce cadre permet à Paris et à Londres de maintenir leur souveraineté nationale et ne l’a pas mutualisée.

Cette dissuasion nucléaire commune est modeste mais reste crédible, même comparée à celle de la Russie, qui dispose d’un arsenal de quelque 5 580 ogives. Elle est également proche de l’arsenal de la Chine, qui compte environ 500 ogives, bien que celui de Pékin soit en pleine expansion. Même sous le parapluie du Royaume-Uni et de la France, l’Europe dispose d’une force de dissuasion beaucoup moins nette sans le soutien des 5 044 ogives américaines. Pourtant, avec la puissance nucléaire, c’est davantage la volonté d’agir que le nombre qui crée la dissuasion. Alors, quand et comment cette capacité serait-elle utilisée? Dans quelle mesure peuvent-ils faire comprendre à tout agresseur que toute attaque sur le sol européen entraînerait une action militaire vigoureuse ? Et quelle serait la crédibilité de cette capacité aux yeux de l’agresseur ?

Tout ennemi européen cherchera à jouer sur la désunion de l’Europe. Il cherchera à diviser. Il fera donc passer le message que les pays puissants seront épargnés par toute attaque. Il cherchera à minimiser la menace de son agression. Il cherchera à monter les pays les uns contre les autres.

Le premier test de l’Europe sera de contourner la bureaucratie. En effet, l’intégration de l’énergie nucléaire française dans un cadre européen plus large nécessiterait d’immenses changements politiques et un nouveau cadre juridique. De plus, les armes nucléaires du Royaume-Uni sont intégrées dans l’Otan. Tout cela complique toute initiative européenne unilatérale et constitue un véritable test de la détermination de l’Europe. En bref, si la volonté est là, il y a un moyen.

Voilà donc le dilemme de l’Europe. Elle s’est unie contre les États-Unis, ou plus précisément contre Trump. En réalité, si l’Europe pense, comme tous ses dirigeants l’affirment aujourd’hui, qu’elle doit renforcer sa propre défense, elle aurait dû le faire avant que la guerre en Ukraine n’atteigne ce stade. C’est pourquoi l’Europe n’est pas prise au sérieux. Elle agit en effet comme une femme dédaignée, mais malheureusement sa colère est loin d’être «la pire de toutes».

Le français Macron voit dans la dissuasion nucléaire un outil pour rallier à lui les Européens. Sauf que le sujet n’est pas la dissuasion nucléaire, mais bien les forces conventionnelles terrestres, car il s’agit d’occuper des territoires souverains. Il faut aussi des défenses aériennes en passant par les antimissiles et le renseignement, qui sont les gros points faibles de l’Europe. Non seulement l’Europe est en partie désarmée, mais elle parle de nucléaire alors qu’elle n’a pas d’armée tout court à mettre face à Poutine. Une fois de plus Macron fait du hors sujet et c’est lui qui prétend diriger l’Europe.

JForum.fr

 

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