WOKISME
Les étudiants propalestiniens mobilisés à Sciences Po ont évacué le campus dans la soirée de vendredi. Après deux jours de blocus, ils ont obtenu des garanties de la part de l’administration. L’idéologie de la plupart des manifestants interpelle sur le rôle et le poids de l’extrême gauche dans ce mouvement.
Karim Maloum et Olivier Vial
Karim Maloum est journaliste et Olivier Vial est Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités.
X – Kamel Amin Thaabet est le pseudo d’un vétéran des forces armées israéliennes qui suit attentivement les questions militaires et enjeux stratégiques au Proche-Orient.
Atlantico
Atlantico : Quelles sont les 6 familles de manifestants anti-Israéliens ? Quels groupes vous paraissent numériquement les plus importants ?
Kamel Amin Thaabet (pseudonyme) : J’ai proposé la taxonomie approximative suivante, du manifestant moins dangereux au plus toxique. Bien entendu, la réalité n’est pas aussi nette que cela et il existe des sous-catégories et des chevauchements. Mais je pense que cette classification peut être utile en tant qu’heuristique générale.
6. Les personnes qui n’ont aucune idée du conflit, qui sont prises par la rébellion générale de la jeunesse et qui trouvent de l’excitation dans le fait de participer à quelque chose avec des amis. Ils participent à ces manifestations pour s’amuser, en réalité.
5. Les personnes qui ont de bonnes intentions mais qui ont été profondément désinformées et amenées à croire qu’Israël est mauvais et qu’il commet un génocide.
4. Les idéologues « woke » qui considèrent Israël comme un projet colonial blanc oppressif qui devrait être démantelé, dans le cadre d’une plate-forme de positions politiques d’extrême gauche.
3. Les personnes qui éprouvent de la haine envers Israël et les Juifs, ceux qui ne sont pas intéressés par le projet « woke » mais qui trouvent une cause commune. Cela inclut les chauvins religieux.
2. Le noyau dur de la catégorie précédente, dont la haine s’étend à l’Amérique et qui souhaite réellement (au-delà des chants) voir une Intifada violente sur ces côtes. Certains d’entre eux sont prêts à commettre eux-mêmes des actes de violence ou de terreur.
1. Les antisionistes juifs « symboliques », qui font cause commune avec les personnes susmentionnées et qui sont tolérés temporairement parce qu’ils servent de tampon contre les accusations d’antisémitisme. Ces Juifs se croient vertueux et apprécient l’adulation, sans se rendre compte qu’elle est tactique et temporaire.
Toutes ces catégories doivent être abordées différemment. Pour les catégories 6 et 5, il existe encore un espoir avec l’éducation. Certaines personnes de la catégorie 4 – qui s’apparente à une secte – pourraient peut-être être reprogrammées. Les catégories 3, 2 et la plus grande partie de la catégorie 1 sont trop éloignées pour être accessibles. Elles sont toutes dangereuses.
Près d’une centaine d’étudiants ont décidé de se mobiliser à Sciences Po Paris cette semaine et ce vendredi en soutien aux Palestiniens. Des militants d’extrême gauche sont-ils à l’origine de cette mobilisation et de ces actions ?
Olivier Vial : Des militants d’extrême gauche sont effectivement à l’origine de ces actions à Sciences Po Paris. Des occupations de ce type se déroulent aux États-Unis et dans d’autres pays. Il y a actuellement 41 campus qui sont bloqués dans le monde avec des procédures assez similaires pour soutenir la Palestine et dénoncer Israël. Sur certaines boucles Telegram, des militants stipulent que l’occupation de Sciences Po s’inscrit dans ce même mouvement international. Il semble que certains mouvements étrangers, plutôt proche des milieux iraniens aient effectivement une volonté de créer une coalition internationale sur ces questions-là.
En France, la gauche étudiante, après s’être radicalisée dans sa dénonciation d’Israël et son soutien inconditionnel à la Palestine, est également en première ligne. On retrouve l’Union étudiante et l’UNEF, assez proches idéologiquement de LFI, mais également Le Poing Levé, la branche étudiante de Révolution permanente, un mouvement révolutionnaire inspiré par Frédéric Lordon, philosophe, économiste et universitaire, qui a été une des figures de proue du mouvement Nuit Debout. Au sein de cette galaxie, on trouve également un mouvement appelé Du pain et des roses qui se définit révolutionnaire, anti-capitaliste, féministe et queer et pro Gaza. Au nom de l’intersectionnalité, ils ont même organisé des comités de soutien queer pour Gaza. J’avais déjà évoqué cette tendance dans un précédent article sur Atlantico.
Au côté, de l’extrême gauche et de l’ultra gauche, on retrouve également des mouvements qui existent depuis très longtemps, mais qui étaient moins visibles sur les campus ces dernières années, des mouvements comme Free Palestine ou le BDS qui est un mouvement de boycott d’Israël.
Pour Sciences Po, une des porte-parole de l’occupation a bien dit que leur objectif était aussi de demander le boycott des universités israéliennes ainsi que l’investigation de l’ensemble des contrats qui peuvent être menés soit par des entreprises, soit par des entités de l’État avec des personnalités qui travaillent avec Israël. Il y a une tendance historique de boycott d’Israël depuis déjà une dizaine d’années, qui resurgit aujourd’hui avec un vernis beaucoup plus universitaire.
Enfin, plus discrets et souvent infiltrés au sein des collectifs pro-Palestine ou des mouvements d’ultragauche, on retrouve des membres des Frères musulmans.
Karim Maloum : Les militants qui sont à l’origine de ces manifestations à Sciences Po Paris sont une nouvelle preuve de l’alliance des islamistes avec les gauchistes. Ces manifestants cherchent le chaos et souhaitent profiter de cette situation pour exister. Depuis plusieurs années, les gauchistes, représentés par la France Insoumise, une partie des verts, une partie des socialistes, veulent exister. Ils ont donc décidé de profiter du conflit israélo palestinien et de la situation à Gaza. Ils ont transposé le conflit en France non pas parce qu’ils aiment la Palestine. Ils se moquent des Palestiniens. La Palestine est un prétexte pour eux, tout simplement. Ils cherchent le chaos et veulent amener la France dans une guerre civile. Mélenchon, depuis 2012, a théorisé sa stratégie de la conflictualisation. Il faut donc conflictualiser la situation à Gaza.
A travers cette stratégie vis-à-vis du conflit entre le Hamas et Israël, l’extrême gauche rassemble les antisémites, les personnes qui détestent Israël, la démocratie et nos libertés.
La responsabilité du gouvernement de Gabriel Attal est d’agir et de mettre fin à cette situation. Il était nécessaire de faire évacuer Sciences Po. Des groupuscules durs ont occupé les locaux de l’école, même s’ils sont en minorité.
L’extrême gauche souhaite utiliser ce conflit. Ils ont ciblé un endroit, Sciences Po, pour mener une série d’actions cette semaine. Sciences Po est un territoire abandonné de la République.
La situation de l’Europe et de la France en particulier sont-elles exactement similaires à celle des Etats-Unis ? La proportion de chaque catégorie est-elle la même ?
Karim Maloum : Il n’y a pas que l’extrême gauche, le wokisme est à l’œuvre aux Etats-Unis et en France. Le wokisme est une nouvelle religion totalitaire. Le wokisme présente les mêmes caractéristiques totalitaires que l’islamisme. Les deux sont dangereux. Ils sont tenus responsable de la vague antisémite qui sévit dans le monde. Les adeptes du wokisme s’appuient sur le conflit à Gaza pour remettre en cause la démocratie et le vivre ensemble.
Dans les universités américaines prestigieuses, des étudiants ou des enseignants font l’apologie du terrorisme, appellent à la guerre civile ou à une guerre sainte. Des centaines d’étudiants américains manifestent ouvertement leur soutien aux islamistes du Hamas. Les islamo-gauchistes et les wokistes considèrent que le Hamas est une organisation de résistance. Dans ces universités, les démocraties ont échoué.
Depuis la chute du mur de Berlin, la fin des idéologies est proclamée. La démocratie libérale et le capitalisme ont triomphé dans le monde. Tout le monde semblait avoir tourné la page des idéologies. L’une d’entre elles, l’islamisme, n’a pas été suffisamment anticipée. Avec cette idéologie totalitaire, les islamistes ont réussi à capter toute une génération qui a échappé à tous les gouvernements et qui est contre la liberté, la démocratie, les droits des femmes au nom de l’expression de l’anticapitalisme qui était le dénominateur commun. Cela explique la faillite démocratique et intellectuelle actuelle.
Kamel Amin Thaabet : Tout en sachant que je ne suis pas un expert de l’Europe et de la France, j’ai observé la situation pendant des années et mon sentiment est que les États-Unis sont sur une trajectoire de type européen. En fait, l’Europe soutenait Israël avant 1973, mais ce soutien s’est érodé avec le choc pétrolier de la guerre du Kippour, la politique de personnalités comme Bruno Kreisky en Autriche, Olof Palme en Suède, etc. L’afflux de millions de personnes en provenance du monde arabe, apportant leurs propres préférences politiques et créant des pressions intérieures, a été une évolution marquante. Je tiens à souligner que je ne suis pas antimusulman, mais la dynamique est familière aux lecteurs de Oriana Fallaci.
En France aujourd’hui, bien que l’existence fondamentale d’Israël soit généralement acceptée et qu’il y ait encore une population juive importante, la sécurité dans la vie des Juifs a régressé. La compréhension de la situation d’Israël, renforcée par la Shoah, s’est aussi largement érodée. La rhétorique aux États-Unis s’enflamme de plus en plus et je crains que nous n’assistions ici à nos propres versions de la situation d’Ilan Halimi. Tout cela se produit plus rapidement grâce au carburant des réseaux sociaux.
Même si je ne pense pas que les catégories se répartissent exactement de la même manière en Europe (par exemple, il y a moins de Juifs symboliques), les catégories 5, 4, 3 et surtout 2 sont présentes à profusion.
Olivier Vial : Aux États-Unis, comme en France, ces mouvements se sont considérablement radicalisés aussi bien sur le fond de leurs revendications que dans la forme de leurs actions. L’idéologie woke présente désormais des deux côtés de l’Atlantique encourage cela en imposant l’idée très simpliste selon laquelle : le monde se divise en deux : les dominants et les dominés.
Au nom de la défense des dominés, tout semble permis. L’ultragauche et l’extrême gauche s’étant autoproclamés défenseurs et ambassadeurs des dominés se croient légitimes à user de violence pour lutter contre les dominants, c’est-à-dire, les Blancs.
Malheureusement pour eux, les Juifs sont désormais considérés par une partie des militants d’extrême gauche comme des super blancs. Le Juif est le blanc supérieur, le dominant, le colonisateur par excellence. La communauté à combattre. C’est le livre de Houria Bouteldja (Les blancs, les Juifs et nous), la fondatrice du Parti des Indigènes de la République qui a théorisé cela. Le Juif comme étant considéré comme « un super blanc », un ultra dominant, toutes les exactions possibles à leur égard semblent aux yeux d’une partie de cette gauche radicale autorisées.
Même s’il est légitime de manifester au nom des Palestiniens et pour un cessez-le-feu inconditionnel, en quoi ces militants vont-ils trop loin ? Ces manifestants polémiques franchissent-elles un cap dans la haine ?
Kamel Amin Thaabet : Il n’y a rien de mal à être propalestinien, à souhaiter un État pour les Palestiniens, à critiquer sévèrement Israël dans sa conduite de la guerre (même si, personnellement, je pense que la plupart des critiques sont injustes) et à avoir de l’empathie pour la souffrance des Palestiniens. Personnellement, j’éprouve de l’empathie pour cette souffrance. Nous avons ici une solide tradition démocratique de protestation et de pensée indépendante, qui a heureusement survécu depuis l’époque de Tocqueville. Et il n’y a pas de droit afin d’être à l’abri d’un discours désagréable ou simplement déplaisant. Bien qu’il y ait des nuances de gris, le problème est que nous voyons beaucoup de discours qui basculent dans la haine et l’appel à la violence. Des chants tels que « Il n’y a qu’une seule solution – la révolution Intifada » sont des appels au sang dans les rues – et plus particulièrement au sang juif. La deuxième Intifada a donné lieu à des dizaines et des dizaines d’attentats suicides meurtriers, bien sûr, mais la plupart des étudiants à l’université sont trop jeunes pour s’en souvenir. Certains appels à l’éradication d’Israël sont franchement génocidaires. Nous avons également assisté à la glorification de « martyrs » et autres. Les paroles violentes ont bien sûr tendance à conduire à des actions violentes.
Israël est un refuge pluraliste et libéral pour une petite nation qui a historiquement enduré une oppression et d’horribles meurtres de masse. Le Hamas est un mouvement totalitaire antilibéral et religieusement extrémiste qui opprime son peuple et cherche à éradiquer Israël. Pourquoi les « progressistes » soutiennent-ils la seconde solution et non la première ?
Kamel Amin Thaabet : Pour l’une des deux raisons suivantes : soit ils sont mal éduqués, soit ils ne sont progressistes que de nom. Sur les campus et dans la plupart des médias, il existe un discours dominant selon lequel Israël est un oppresseur colonial, qui n’a que des responsabilités, et que les Palestiniens sont les opprimés indigènes, qui n’ont que des droits. Les personnes de bonne volonté qui n’en savent pas plus – catégorie 5 ci-dessus – éprouveront naturellement de l’empathie pour les Palestiniens lorsqu’elles ne verront que des scènes de souffrance et de destruction. Ce qui ne veut pas dire qu’Israël est irréprochable. Mais il y a ici une inversion entre la victime et le bourreau – le Hamas pourrait mettre fin à la guerre demain, bien sûr.
Quant aux progressistes de nom seulement, il s’agit des « vrais croyants » qui s’alignent sur la politique traditionnelle de type soviétique et dont la doctrine s’apparente à une croyance religieuse, à savoir qu’Israël serait véritablement un projet colonial et ne devrait pas exister. Les faits n’ont pas d’importance – ils ont un métarécit global dans lequel la réalité doit s’inscrire quoi qu’il arrive.
Olivier Vial : Il y a toujours le même filtre. Dans leur imaginaire, les progressistes considèrent qu’il y a des dominants et des dominés, qui sont forcément les Palestiniens. Tariq Ramadan a théorisé le nécessaire rapprochement dès la fin des années 1990 entre les Frères musulmans et certains mouvements altermondialistes. L’idée était de considérer que l’islam était le nouveau prolétariat, les nouveaux damnés de la terre.
Dès le Forum social de Londres en 2004, Tariq Ramadan s’est retrouvé intégré à la galaxie altermondialiste, aux côtés de militants d’Attac et de certains mouvements trotskystes comme le NPA. Il y a imposé ses idées et a été à l’origine d’un changement de logiciel profond au sein d’une partie de la gauche. L’évolution de Jean-Luc Mélenchon qui, à l’origine, était plutôt un laïcard devenu aujourd’hui l’avocat zélé de l’islamogauchisme en est la parfaite illustration.
L’extrême gauche considère donc désormais que le nouveau prolétariat s’incarne dans la figure de l’islamisme. Cela est un vecteur qui explique leur haine d’Israël et leur fascination pour les nouveaux damnés de la terre que seraient les Gazaouis.
Pourquoi est-il étrange de voir des personnalités de gauche non-juives se sentir à l’aise avec des termes issus de la théologie juive et invoquer le traumatisme juif pour se dédouaner de propos condamnables (Alexandria Ocasio-Cortez a notamment pris la défense de Bernie Sanders) ?
Kamel Amin Thaabet : Au cours de la dernière décennie, la gauche américaine a été obsédée par le respect des moindres petits griefs de chaque groupe démographique, l’évitement des « microagressions », l’évitement du « symbolisme », l’évitement de la soi-disant « appropriation culturelle », et s’est particulièrement opposée à l’idée qu’un groupe minoritaire puisse recevoir des leçons sur sa « vérité » de la part de personnes étrangères à ce groupe. D’une manière ou d’une autre, cette conception s’effondre complètement en ce qui concerne les Juifs. Une lecture recommandée ici est celle de David Baddiel – « Jews Don’t Count » (Les Juifs ne comptent pas). Imaginez qu’un Afro-Américain participe à un rassemblement du KKK en portant un tissu kente et en prétendant que c’est l’expression des « valeurs noires ». Une telle personne serait considérée au mieux comme folle, au pire comme très dangereuse. Mais les équivalents exacts dans la communauté juive, le détournement du rituel religieux et tout le reste, sont adoptés par des personnes comme Alexandria Ocasio-Cortez. Franchement, je pense que ces personnes sont probablement les seuls Juifs avec lesquels elle parle. Cette attitude est vraiment très offensante. Ce qui est surprenant, c’est le manque de conscience qui permet à Alexandria Ocasio-Cortez et aux mêmes militants de se comporter de la sorte, et l’incohérence avec leur approche d’autres groupes. Il s’agit d’une adhésion totale au symbolisme. La réalité est qu’ils ne peuvent pas accepter que l’amour d’Israël soit au cœur même du judaïsme.
Ne faut-il pas s’interroger sur les figures d’influence au sein des universités comme le message haineux de Khymani James, dirigeant du camp de solidarité anti-israélien pour Gaza de l’Université de Columbia. Pourquoi les universités ne condamnent pas et ne prennent pas de sanctions disciplinaires de telles dérives de l’extrême gauche ?
Kamel Amin Thaabet : Les universités ont failli à leur mission. Rien de tout cela ne s’est produit du jour au lendemain. A Columbia, vous avez des professeurs comme Joseph Massad qui a écrit que le 7 octobre était « génial » – son article dans Electronic Intifada se lit comme de l’érotisme, il était totalement ravi. Lorsque vous avez des personnes extrêmes comme ceux-là, la variété de ceux qui détestent Israël ne lève même pas un sourcil.
Cela crée donc un climat où la haine d’Israël est tout simplement une évidence. Mais avec quelqu’un comme James, détenteur d’une carte de bingo gagnante sur l’intersectionnalité, il est presque à l’abri de toute critique, parce que dans la psychologie déformée du campus, en raison des catégories démographiques, ses opinions sont automatiquement vertueuses, indépendamment de leur contenu. En fait, l’université est devenue davantage un lieu d’endoctrinement qu’un lieu d’éducation. L’incapacité à discipliner une telle personne reflète la crainte d’un retour de bâton. Les choses sont allées trop loin.
Karim Maloum : Cela est dû à la lâcheté. Dans les années 1960-1970, en France ou dans le monde entier un mouvement intellectuel s’est levé contre le totalitarisme soviétique. Des intellectuels, des chercheurs ont produit des centaines de livres et ont tenu des conférences. Mais face à l’islamisme, ils sont lâches. Ils ont abandonné le combat contre l’islamisme, non pas en France, mais dans le monde entier. La faillite des intellectuels a permis à l’islamisme de se développer dans le monde. Les intellectuels n’interviennent plus par lâcheté. Ils ont abandonné le combat. Ils ont laissé les gauchistes, les wokistes et tous les gens qui sont contre la démocratie s’exprimer. Cette lâcheté des intellectuels du monde occidental, en France particulièrement, est révélatrice de la défaite intellectuelle de la philosophie des Lumières. Je rends hommage au courage d’une poignée d’entre-eux. Malheureusement ils font l’objet d’une protection policière, ce qui est une honte pour la France. Des populations entières ont été livrés aux charlatans et aux prêcheurs de haine.
Olivier Vial : En France, il y a des raisons qui expliquent l’immobilisme et la passivité des universités. Une première raison est idéologique et elle est liée à l’influence du courant woke. Si les dominés et ceux qui les défendent ne peuvent par essence n’être que des victimes, ils ne peuvent jamais être coupables même s’ils commettent des exactions. Leur violence apparaît comme une réponse toujours légitime. Cette façon de penser paralyse les dirigeants des écoles et des universités qui ne peuvent pas risquer d’apparaître comme des alliés des « dominants » en condamnant les violences. C’est exactement ce qui vient de se passer à Sciences Po, où la direction a annoncé renoncer aux sanctions disciplinaires contre ceux qui ont occupé et saccagé l’une des antennes de l’école.
L’autre raison est structurelle et la conséquence du mode de gouvernance de nos universités. Les présidents d’université sont élus par des listes syndicales, par des professeurs et par des syndicats d’étudiants. Ils ont donc les pieds et poings liés et doivent composer avec des élus au sein de leurs conseils extrêmement marqués à gauche. S’ils s’opposent à la gauche dans les universités, ces présidents d’université auront des difficultés pour être réélus ou pour mener leur politique.
En quoi, à travers les critiques contre Israël, toute la philosophie du libéralisme occidental est-elle attaquée par l’extrême gauche ?
Karim Maloum : L’extrême gauche est mobilisée dans ce mouvement contre l’État d’Israël suite à une jonction, à la fin des années 90, entre les trotskistes et les islamistes. Il y a eu une jonction des luttes. Pour eux, il faut détruire le système démocratique. Les propos scandaleux que tiennent les représentants de l’extrême gauche autour de M. Mélenchon en ce moment sont séditieux, factieux et dangereux pour notre République. Les apprentis dictateurs de la gauche radicale ont fait le choix d’attiser la haine contre les Juifs et les mettre en danger pour gagner une poignée de voix des islamistes et occuper les médias. Abject !
Olivier Vial : La lutte qui est à l’œuvre s’inscrit dans le courant dit décolonial et vise à renverser et déconstruire l’Occident. Des campagnes de culpabilisation sont menées. Cela conduit à détester, à critiquer notre culture, nos valeurs et aboutit à la détestation de notre culture, de notre civilisation. Cela s’inscrit dans le courant de la déconstruction qui vise avant tout à contester les valeurs qui ont fondé nos sociétés, à faire en sorte que les jeunes détestent les valeurs de leurs parents, détestent qui ils sont dans un geste totalement nihiliste. Le dominé devient pour un temps la figure centrale du système. Nous assistons dans nos sociétés à un phénomène de survalorisation de la victime qui a remplacé le héros.
Kamel Amin Thaabet : Israël est un pays imparfait. Je ne soutiens pas Netanyahou et je pense que sa direction a été corrompue et inefficace. Lui et les dirigeants des FDI (des forces terrestres israéliennes) ont fait preuve d’orgueil démesuré à propos de Gaza et le 7 octobre n’aurait jamais dû avoir lieu si une préparation adéquate avait été menée. La politique concernant la Cisjordanie a été inefficace et peut être critiquée. Cela dit, Israël est une oasis dans le désert.
Israël est une démocratie libérale, à tendance juive, qui connaît des dissensions, mais où les personnes de toutes les religions jouissent de droits démocratiques égaux, et qui produit de grandes technologies, de la médecine, de la littérature et de l’art. Ce pays est un havre de paix pour les Juifs opprimés des quatre coins du monde, qu’il s’agisse d’Éthiopiens fuyant l’asservissement et la famine, de millions d’anciens Juifs soviétiques ayant vécu sous le joug du communisme, de réfugiés des pays arabes venus sans rien d’autre que leurs traditions et leur fierté, ou de survivants de l’Holocauste ayant asséché des marécages impaludés et ayant réussi, contre toute attente, à se construire un foyer. Les ennemis de ce peuple, à notre époque, sont les néo-nazis, l’ultra-gauche, les terroristes djihadistes, les mollahs d’Iran et, malheureusement (sur le plan fonctionnel et à un moindre degré), les gouvernements autoritaires de Russie et de Chine.
Bien qu’il n’ait pas connu un seul jour de paix depuis 1948, Israël a tendu la main à maintes reprises, notamment par le biais d’Oslo et du retrait unilatéral de Gaza en 2005. Mais tout ce qu’il a reçu en retour, c’est la guerre.
Si un tel peuple et un tel pays ne peuvent pas résister et tombent sous la coupe des forces du djihad militant (ce que sont le Hamas, l’Iran, le Hezbollah, etc.), ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Israël est le hors-d’œuvre. L’Europe est le plat principal. Ces gens sont prêts à mourir et pensent en termes de siècles, pas d’années. Ils aimeraient livrer une nouvelle bataille de Poitiers, mais cette fois-ci, il n’y aura peut-être pas de Charles Martel. En d’autres termes, Israël est la première ligne des valeurs libérales dans cette région.