Depuis quelque temps déjà, la ‘Alya de France se fait plus pressante. C’est une réalité qui pose de nombreuses questions dont celle, cruciale, de l’orientation et l’intégration scolaire dans les institutions israéliennes. Diverses initiatives sont prises ces temps-ci, et il faut espérer qu’elles vont aboutir, car l’urgence est grande, et le souvenir de l’échec de l’accueil des Juifs d’Afrique du Nord, voici de longues décennies, est encore présent dans la mémoire des plus âgés d’entre nous.
Quand les membres de l’association Ner Ya’alé se sont présentés à nous pour nous informer de leurs activités dans ce domaine, c’est avec grand plaisir que nous les avons accueillis et avons pris connaissance de leurs initiatives, afin de les faire connaître au grand public. |
A l’origine de cette association, M. Daniel Israël, monté en Israël depuis 12 ans, qui a lui même reçu de précieux conseils pour l’orientation scolaire de ses enfants. Sans cela, nous explique-t-il, le visage de sa famille ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Cette prise de conscience l’a naturellement amené à vouloir faire partager à d’autres ce dont il a lui-même bénéficié.
« Le grand souci dans ce domaine est le manque de préparation des parents à ce qui les attend quand ils décident de faire le grand pas, nous explique M. Daniel Israël. Ils ressentent une grande morosité de la vie en France, alors que dans leurs esprits, en Erets Israël, tout est fantastique : pas d’antisémitisme, pas de problèmes, et le reste à l’avenant. S’ils peuvent avoir raison sur certains points, il est évident que dans le domaine scolaire, ce n’est pas juste, ne serait-ce que du fait des différences fondamentales entre les deux systèmes.
« Celui qui cherche un modèle identique à ce qu’il connaît en France fait fausse route. Il est important de bien connaître la réalité israélienne pour opérer les meilleurs choix, lesquels seront déterminants pour l’avenir de l’enfant, et de toute la famille. »
Pour agir très concrètement, l’association s’est entourée d’une solide équipe de professionnels de l’éducation, qui couvre toutes les grandes villes d’Israël. Elle compte, entre autres, la rabbanith ‘Hanna ‘Ovadia, fille du regretté rabbi Ya’aqov Tolédano zatsal, fondateur des institutions Merkaz Hatorah du Raincy.
La rabbanith Ovadia nous décrit les principaux écueils que les Français rencontrent en Israël : « En premier lieu, il faut comprendre que l’expression « dati » ou « mamla’hti dati » ne correspond pas au concept « religieux » tel qu’on l’appréhende en France. On peut, dans certaines écoles, étudier beaucoup de Guemara, mais de manière conceptuelle. Il s’agit, la plupart du temps, d’une matière comme une autre permettant avant tout d’empocher son bac. Dans ce type de milieu, les enfants peuvent en un rien de temps, perdre l’amour de la Tora et du judaïsme alors même qu’ils étudient la Guemara, comme un corps sans âme… Lorsque les parents prennent conscience de cette méprise, il est souvent difficile de faire machine arrière. Cela nous amène à un deuxième écueil, celui du changement d’école. Soit l’enfant n’est plus prêt à changer de structure, soit les écoles plus adéquates ne sont plus prêtes à recevoir des élèves ayant essuyé un échec. »
Certaines écoles « religieuses » qui proposent le bac envoient tout de même ensuite les garçons en Yechiva guedola comme ils auraient fait s’ils avaient terminé leur cursus jusqu’au bac en France.
Il faut savoir en effet que, contrairement aux écoles juives de France où l’on cherche des élèves (et ce, d’autant plus qu’actuellement, avec les vagues de ‘Alya que nous connaissons, ces institutions rencontrent très souvent une grande crise au niveau des effectifs), en Israël, ce n’est vraiment pas le cas – en particulier pour les écoles les plus prisées.
Ajoutons ici que les institutions officielles que nos familles questionnent ne font aucun effort pour les informer des options orthodoxes, quand bien même elles font partie du système et reposent sur les fonds ministériels.
Autre point important, la question de l’armée. Il est important de définir suffisamment tôt les choses à ce sujet, car le choix d’une école prédétermine si l’enfant ira à l’armée (ou au chérouth leumi pour les filles).
Si les parents ne souhaitent pas que leurs enfants fassent l’armée (qui, rappelons-le, se passe en un milieu mixte et laïque), le choix des écoles est absolument déterminant.
« La différence avec le système scolaire israélien se ressent également au niveau social et identitaire ; il faut être bien conscient de ces différences et les assimiler pour opérer les meilleurs choix. Nous avons constaté que les familles mal préparées à la ‘Alya sur le plan de l’orientation scolaire ont parfois subi des échecs importants et de grosses désillusions. A l’inverse, les familles bien conseillées et accompagnées ont vu leurs enfants s’épanouir et réussir leur intégration. Et c’est bien cela le but de la ‘Alya, que l’on veut spirituelle… »
Mais les gens sont-ils conscients du problème ?
« Non, et c’est le point sur lequel nous devons beaucoup travailler. Les gens savent qu’il fait toujours beau dans le pays, que tout y est cacher, bien entendu, et que l’on peut trouver des écoles partout… Prenons par exemple la question de la surveillance des enfants. En France, on peut très facilement cantonner ses enfants à la maison pour les protéger des mauvaises fréquentations, voire même des dangers, que D’ nous en préserve ; surtout après les récents évènements.
« En Israël, ceci est quasiment impossible et de toute façon pas souhaitable. Or les mauvaises fréquentations existent aussi en Israël, il ne faut pas se leurrer ! C’est la raison pour laquelle il est très important de choisir soigneusement le milieu dans lequel on veut que nos enfants évoluent. »
Combien de temps cela leur prend-il pour que leurs yeux se décillent ?
« Cela dépend réellement de chaque famille.
« Puis aussi, cela peut dépendre de la manière dont les choses se sont passées en France : parfois, une trop grande pression sur les enfants fait que ces jeunes arrivent en Israël avec une volonté de choisir une institution plus souple. Mais ils ne se rendent pas compte que les établissements qualifiés de « plus souples » en Israël sont tellement plus souples qu’on constate dans certains cas l’abandon de toute pratique, au grand dam des parents. Ce sont des cas extrêmes, qui pourtant existent. Or justement, une bonne orientation peut permettre de guider ce genre d’enfants également vers des structures adéquates, pour un nouveau départ !
« L’un des grands points est évidemment l’importance qu’ont les matières profanes pour la plupart des parents français, même quand ils sont très engagés. Les Français ne savent pas que le système ici est complètement différent : l’exception a été acceptée par les Guedolim en France, mais ce n’est pas le cas ici. En conséquence, en inscrivant ici les enfants dans une école mamla’hati dati proposant le bac, cela peut être une catastrophe, parce que le qodech est automatiquement réduit, et traité comme une matière annexe et sans importance. Par contre, il existe des établissements religieux tout à fait sérieux qui proposent également le bac. Ils sont malheureusement méconnus du public, et surtout, ne sont pas proposés par les organes officiels d’orientation. »
Et l’appui des cadres en France ?
« Dans de nombreux cas, les dirigeants d’école ne sont pas conscients des difficultés qui attendent les familles qui font leur ‘Alya ; ils ne connaissent tout simplement pas non plus le paysage scolaire israélien. Il y a également des blocages du fait que chaque famille qui part, c’est un élève de moins chez eux…
« Il y a aussi le fait que les parents, sachant que l’establishment religieux, écoles et communautés réunies, feront tout pour les décourager de partir (à tort ou à raison !), effectueront leur ‘Alya sans en parler aux rabbanim ou aux directeurs d’école !
« Notre travail consiste à intervenir à ce moment-là – entre autres à sensibiliser les responsables en France du fait que la ‘Alya devient une réalité, pour délicat que cela puisse être pour eux, et d’alors les seconder par des conseils. »
Que pouvez-vous faire en Erets Israël ?
« Il est clair que nous sommes face à une équation difficile: des parents qui ne comprennent pas les conséquences de leur choix, et des écoles locales adéquates, mais qui n’attendent pas toujours notre public ! Autant les jeunes français étaient attendus voici 20-30 ans avec plaisir, autant de nos jours, tout directeur d’institution hésite à en accepter. Alors, il faut le dire, ces jeunes représentaient l’élite de communauté, avec leur idéalisme et leur volonté de se dévouer pour la cause de la Tora ; de nos jours, c’est un phénomène bien plus vaste, avec ses difficultés.
« Mais nous voyons beaucoup d’aide de la part de la Providence, qui nous accompagne quand nous œuvrons afin de faire accepter des jeunes garçons ou des jeunes filles dans ce genre d’institutions.
« Puis il faut savoir détecter les écoles qui répondent aux attentes de notre public, offrent une bonne éducation tant dans le domaine profane que religieux, et sont en mesure d’accepter des jeunes sans faire de difficultés majeures. C’est le cas en particulier des écoles du « Torani« , en général liées au ‘Hinoukh ‘Atsma’ï.
« A ce propos, le rav Boimel, directeur du ‘Hinoukh ‘Atsma’ï, s’est déclaré, lors d’une réunion avec des rabbanim francophones, prêt à faire le maximum pour chaque enfant. »
A-t-on une idée de la quantité de personnes qui peuvent avoir besoin de vos services ?
« Difficile à dire. Pour notre part, il s’agit de plusieurs centaines de familles, mais ce n’est pas évident de savoir combien auraient réellement besoin d’aide sur le plan de l’orientation scolaire et ignorent tout des possibilités qu’ils peuvent trouver chez nous.
« D’un autre côté, des organismes tels que Lev leA’him, avec lequel nous travaillons, œuvrent sur le terrain. Les dirigeants de cet organisme, le rav Eli’ézer Sorotskin et le rav Baroukh Schapira, se déclarent prêt à s’investir dans ce domaine. Leur organisme effectue un remarquable travail de ratissement sur le terrain, effectué par des avrékhim ; ils sont invités par les Guedolim à consacrer une soirée par semaine à rendre visite à des familles et à leur proposer de l’aide, des cours, l’inscription de leurs enfants à des structures toraniques, etc. ; ils pourraient donc également s’adresser à des familles françaises et là, ils pourraient les guider dans le choix des écoles aussi, domaine dans lequel Lev leA’him excelle. Nous agissons déjà sur ce modèle en association avec Lev LeA’him à Natanya, ‘Hadéra et la région, en nous rendant chez les Français pour les interroger sur leur situation, leurs difficultés et leurs attentes.
En fait, dans chaque ville, on peut trouver des ‘asqanim – des gens engagés et œuvrant sur le terrain – provenant de notre communauté et pouvant aider dans l’orientation scolaire, en particulier. Ceci dit, le travail d’information en amont reste, selon nous, le plus efficace. »
Une fois que les parents sont convaincus, que pouvez-vous faire pour que leurs enfants soient acceptés ?
« En effet, pour prendre l’exemple de Bayith Végan, le problème est grand : les écoles sont surchargées, et refusent d’accepter qui que ce soit de plus. Mais on a tous des relations, ainsi que nos rabbanim qui sont prêts à nous aider, et on travaille…
« On peut aussi diriger vers d’autres quartiers où la pression est moindre. Des fois, du reste, cela peut être mieux pour ces familles, parce que dans ces institutions on a plus le temps de s’occuper de chaque cas, ce dont nos familles ont souvent besoin.
« Il faut aussi savoir que divers projets concernant le public français sont en cours d’étude. »
Comment fonctionne votre service ?
« Les familles peuvent nous contacter par téléphone, mail, ou via notre site Internet (neryaale.com). Nous recevons les familles pour des entretiens personnalisés puis nous les accompagnons dans les écoles. Nous proposons également l’aide à l’inscription et le lien avec les écoles. Nous nous déplaçons également en France afin de sensibiliser le public en amont. Nous étions par exemple présents au Salon Icube du 1er février dernier.
« Précisons enfin que notre association est placée sous la direction rabbinique de rav Elie Dreyfuss et de rav Moché Kaufman. Les grandes questions peuvent arriver à rav Steinman. »
Et vous assurez la bonne suite des jeunes placés ?
« Nous y tenons beaucoup, car sans cela, qu’avons-nous fait ?
« Nous mettons concrètement en place un suivi scolaire avec les enfants, et faisons le lien avec l’école dans l’intérêt de tous les partis.
« Lorsque les familles ne sont pas en mesure de financer le soutien scolaire, nous cherchons les fonds nécessaires. »
Pour conclure, nous dit M. Daniel Israël, « le fantastique développement de la Tora en France ces quarante dernières années est à présent en danger, quand les Français viennent en Terre sainte. A nous de tout faire pour assurer que tout cela soit préservé ! »
Ner Ya’alé :
En France : 02.43.78.72.79
En Israël : 02.655.07.63
http://www.neryaale.com/●ophone faisant appel à eux dans tout le pays.●