Tribune
La France insoumise veut créer une commission d’enquête sur l’islamophobie. L’essayiste Naëm Bestandji, auteur de « Le linceul du féminisme » (Seramis), y voit un symptôme de la dérive réactionnaire de la formation politique de Jean-Luc Mélenchon. S’il rejoint le philosophe Henri Peña-Ruiz sur la dénonciation du terme « islamophobie », il pense, contrairement à lui, qu’il ne faut pas non plus parler de « racisme antimusulman ».
Cohérent dans son paternalisme et orientalisme, il s’affiche lors de conférences avec des islamistes pour essentialiser tous les musulmans à la frange extrémiste de l’islam. Ce fut le cas, par exemple, avec Marwan Muhammad, ex-directeur du CCIF, ou le néo-salafiste Elias d’Imzalene. Son but n’est pas de les critiquer mais de faire « front commun » (sic). Il leur est alors naturel de valider un terme au cœur de la stratégie victimaire de l’islamisme : « islamophobie ».
L’« islamophobie », cœur politico-religieux de LFI
Pour les partisans de la lutte contre l’« ISLAMophobie », l’islam devrait avoir un statut particulier, un privilège d’intouchabilité. Tout obstacle à l’expression de cette religion, même à ses dérives, serait de « l’islamophobie » à combattre. La volonté d’établir un délit de blasphème, uniquement valable pour l’islam, est bien vivace.
Pour faire passer la pilule, les partisans du terme « islamophobie » ambitionnent de fusionner une idéologie religieuse avec des individus pour ne plus distinguer l’offense à une religion de l’hostilité contre des personnes en raison de leurs croyances. Ils instrumentalisent la seconde (les discriminations que subiraient des musulmans doivent être punies) pour tenter d’interdire la première. De plus, ces mêmes partisans considèrent l’islamisme comme l’islam tout court, et les islamistes comme de simples pieux musulmans opprimés. Ainsi, toute critique de l’extrémisme musulman est considérée être une critique contre l’islam donc contre tous les musulmans.
Le concept « islamophobie » va encore plus loin puisqu’il vise à faire de l’offense à cette religion une forme de racisme. Le musulman, fidèle d’une religion censée être choisie, devient le Musulman, membre assigné à un peuple imaginaire. La liberté de conscience devient caduque. Dit autrement, exprimer sa crainte ou son rejet de l’islam (et de l’islamisme), ou même encadrer l’expression de cette religion à égalité avec toutes les autres croyances serait s’en prendre à une ethnie (les Musulmans). Cela crée, de fait, une notion de blasphème spécifique à cette religion. C’est ce que souhaite l’islamisme pour tenter de faire taire toute opposition et dans l’espoir que, un jour, cela se traduise juridiquement dans le Code pénal. LFI ne s’en cache pas. Dans sa « proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête portant sur l’islamophobie », elle confirme à de multiples reprises fusionner islam et musulmans.
Le piège du terme « racisme antimusulmans »
Je suis donc en accord avec la tribune d’Henri Peña-Ruiz sur la dénonciation du terme « islamophobie ». Toutefois, je diverge de son analyse sur l’usage de « racisme antimusulman ». Cela rejoint en partie l’usage du terme « islamophobie ». La laïcité ne concernerait plus les musulmans, remplacée par les lois qui punissent le racisme. Or, être raciste contre l’adhésion à un concept (politique, religieux, philosophique ou autre) n’a aucun sens. Cette essentialisation qui ferait de l’islam une caractéristique raciale, au-delà d’assigner et d’empêcher les musulmans de s’émanciper de l’islam, rejoint la dangerosité du terme « islamophobie » : l’islamité serait comparable à la couleur de peau. La liberté de conscience devient caduque.
Henri Peña-Ruiz fait bien la distinction entre croyance et croyant : « La catholicophobie n’est pas un racisme, pas plus que la judaismophobie, car elles visent des croyances religieuses. L’athéophobie n’est pas non plus un délit. » Il utilise les termes qui, selon moi, sont plus appropriés pour nommer l’hostilité envers des individus en raison de leurs croyances, comme « la judéophobie et la musulmanophobie ». Mais en considérant ces derniers comme « des racismes effectifs » équivalents au racisme anti-Arabe, il brouille les perceptions et se contredit lui-même. En effet, il affirme à juste titre que « on ne peut mettre sur le même plan l’islamophobie et l’antisémitisme ».
Or, la judéophobie n’est pas synonyme de l’antisémitisme, même si la première peut être incluse dans la seconde. La judéophobie, tout comme la musulmanophobie, concerne l’hostilité envers des individus en raison de leurs croyances. L’antisémitisme est un racisme car il concerne l’hostilité envers des individus pour ce qu’ils sont en tant qu’êtres humains, peu importe leurs croyances. Dans l’Allemagne nazie par exemple, les Juifs athées ou catholiques étaient autant persécutés que les autres. Au-delà du judaïsme, l’antisémitisme s’appuie sur des caractéristiques physiques et des supposés traits de caractères comme l’appât du gain, bien loin de la religion.