L’exceptionnalisme palestinien empêche la “solution à 2 Etats”
Par Manfred Gerstenfeld
On entend rarement, si ce n’est jamais, des hommes politiques et des médias étrangers s’interroger pour savoir pourquoi les Palestiniens ne se soulèvent pas contre leurs propres dirigeants, en faveur d’un accord de pays avec Israël. Beaucoup “d’experts” étrangers disent que la population palestinienne veut un Etat indépendant qui fleurira pacifiquement aux côtés d’Israël. Un tel mythe est aussi propagé par la gauche israélienne ratatinée, dont une partie peut être considérée comme appartenant aux “masochistes nationaux”.
Beaucoup d’autres nations en quête d’indépendance ne se sont jamais vues offrir un Etat. L’Espagne, par exemple, membre de l’Union Européenne démocratique, ne souhaite pas donner son indépendance à la Catalogne. Les Kurdes d’Asie du Sud-Ouest sont environ 30 millions et ne se sont jamais vus offrir un Etat indépendant. A l’opposé, de précédents dirigeants israéliens ont offert plus d’une fois un Etat aux leaders palestiniens.
En 2000, à Camp David, le Premier Ministre israélien Ehud Barak a fait une proposition d’une grande portée au leader de l’Autorité Palestinienne Yasser Arafat. Bill Clinton était le Président des Etats-Unis à cette époque. Il a déclaré que Barak avait offert aux Palestiniens, le contrôle sur le Mont du Temple, le site le plus saint du Judaïsme[1]. Même cette proposition a été rejetée par Arafat.
En 2008, le Premier Ministre israélien Ehud Olmert et le dirigeant de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, ont discuté d’un accord. Le chef négociateur de la délégation palestinienne, Saeb Erekat, qui était présent aux négociations, a déclaré à la TV de l’AP qu’Olmert avait accepté toutes les exigences de l’AP et qu’il offrait à Abbas un peu plus que la totalité de la zone de la rive occidentale du Jourdain. Pourtant Abbas a rejeté cette proposition. Erekat a dit qu’il avait demandé à Abbas d’accepter cet accord[2].
La question de savoir pourquoi les Palestiniens ne se dressent pas en faveur de la paix avec Israël contre leurs dirigeants était particulièrement pertinente à ce moment-là. Dans divers pays, les peuples marchent contre leurs gouvernants et risquent la prison, parfois leur vie même pour plus de démocratie. La Russie en est un exemple important actuellement. Malgré la brutalité des services de sécurité, des manifestants pacifiques continuent de défiler, principalement à Moscou contre l’interdiction des candidats de l’opposition[3]. Hong-Kong également est un exemple flagrant de ces mouvements.
L’assertion selon laquelle un soulèvement contre des dirigeants pour plus de démocratie ne serait pas arabe est devenu obsolète au cours de ce début de siècle. Un vendeur de fruits tunisien, Mohamed Bouazizi, s’est immolé par le feu dans sa ville de Sidi Bouzid. C’est là qu’ont commencé les manifestations contre le gouvernement tunisien et qu’elles se sont propagées dans plusieurs autres pays arabes. On a appelé ces soulèvements le Printemps Arabe[4].
L’une des réponses standard des pro-Palestiniens à la question ci-dessus consiste à dire que la population palestinienne est effrayée. C’est une réponse très largement trompeuse, pour un certain nombre de raisons. Il y a des Palestiniens qui sont capables de risquer leur vie pour une cause. Mais cet objectif est d’assassiner des Israéliens, dont majoritairement des civils.
L’Autorité Palestinienne a aussi rendu ce risque très rémunérateur sur le plan financier. Elle verse aux meurtriers des sommes substantielles d’argent si Israël les emprisonne. S’ils ne survivent pas à leur attaque, l’argent va aux membres de leur famille. L’un des exemples correspond à l’attentat terroriste de 2001 contre la pizzeria Sbarro à Jérusalem, dans lequel quinze Israéliens avaient été assassinés. Les meurtriers ou leurs familles ont perçus à ce jour plus de 900.000 £ américains de la part de l’AP[5]. On trouvait, parmi les victimes assassinées, cinq membres d’une famille immigrée, les Schijveschuurder. Deux autres membres de la famille ont également été blessés. Les versements aux assassins ont aussi indirectement été rendus possibles grâce au gouvernement hollandais, qui continue de subventionner l’Autorité Palestinienne. Cet argent supporte à bout de bras le budget palestinien.
Il y a d’autres preuves flagrantes montrant que la population palestinienne n’est pas vraiment désireuse d’indépendance. Lors des seules et uniques élections parlementaires de 2006, le Hamas avait obtenu la majorité absolue. Ce mouvement fait la promotion du génocide contre les Juifs. Selon le Centre Carter de l’ancien Président américain Jimmy Carter, ces élections étaient “ouvertes (pluralistes) et honnêtes[6]” (!).
Grâce à la journaliste et historienne hollandaise, Els van Diggele, nous en savons plus à propos des dissensions dans les territoires palestiniens. Elle a vécu au moins une année dans les territoires palestiniens, pour y interviewer de façon approfondie, des personnes aussi bien de la Rive Occidentale du Jourdain (Judée-Samarie) que de Gaza. Son livre paru en 2017 et intitulé : “Nous nous haïssons les uns les autres plus que (nous ne haïssons) les Juifs” n’est malheureusement disponible qu’en néerlandais. Elle conclut qu’il y a des Palestiniens qui sont en profond désaccord avec l’AP et le Hamas et qu’ils ont même payés pour cela ne se faisant emprisonner. Aucun, cependant, n’a risqué la prison parce qu’il aurait fait pression en faveur des offres israéliennes d’un Etat Palestinien. A partir de son livre, on peut en déduire que la paix avec Israël n’est apparemment pas une cause qui vaille qu’on prenne des risques personnels afin qu’elle advienne.
Dans une interview, qu’elle a autorisée, Els Van Diggele déclarait : “A observer la société palestinienne par le prisme de l’histoire, j’en conclus qu’il y a eu un siècle de stagnation, de destruction et de lutte pour le pouvoir qui a été menée dans le dos des Palestiniens ordinaires. Personne ne leur a rien demandé. Cette attitude se répand comme une tendance ordinaire à travers la société palestinienne. On en a un exemple très fort à travers la démission forcée de l’ancien Premier Ministre Salam Fayyad. J’ai discuté avec cet homme modéré et aussi avec des cadres du Hamas. Les voix modérées n’ont aucune chance de réussir au sein de la société palestinienne”.
Elle ajoutait : “Fayyad voulait créer un Etat ordonné, en travaillant de concert avec Israël. Il disait : “Un Etat ne résultera pas seulement de nos droits, mais aussi de nos devoirs. Nous avons besoin de lois et d’ordre, de désarmement et de lutte contre la corruption”. Les Palestiniens n’ont jamais voulu de tout ceci. Ils préféraient se gargariser de “résistance”. Abbas a limogé Fayyad comme un domestique[7]“.
Il n’existe qu’une seule conclusion rationnelle de tout ce qui précède : créer un second Etat Palestinien en plus de la Jordanie, sur ce qui était au préalable le territoire du mandat britannique – et peut-être, en comptant l’entité séparée de Gaza, un troisième – ne mènera probablement pas à la paix. Le résultat le plus probable risquerait surtout d’instaurer un tremplin plus solide pour les ennemis d’Israël, afin qu’ils propagent la haine et la violence.
Par Manfred Gerstenfeld
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.