Par Daniel Pipes – Washington Times
En l’espace de quatre mois, ce sont quatre États arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël. Cette évolution remarquable permet d’envisager la fin éventuelle de la guerre entreprise en 1948 par les États arabes contre Israël.
Mais il y a une autre bonne nouvelle, moins visible, dont l’impact pourrait lui aussi être considérable. Un changement d’opinion est en train de se produire parmi des gens qui constituent l’ennemi ultime d’Israël à savoir, ses citoyens arabes. Cette frange de la population israélienne pourrait finir par mettre un terme à l’isolement politique qu’elle s’est imposée à elle-même et reconnaître l’État juif.
Le premier Arabe israélien à devenir ministre, Raleb Majadele, s’exprimant à Yad Vashem en 2008. |
Tout d’abord, quelques éléments de contextualisation. Lors de la création d’Israël, ce sont environ 600.000 Arabes dont une majorité de personnes instruites qui ont pris la fuite, laissant derrière eux 111.000 autres Arabes, paysans pour la plupart. Cette population arriérée s’est ensuite multipliée plusieurs fois au fil des décennies et a été augmentée par un afflux permanent d’immigrés (dans le cadre de ce que j’appelle « aliya musulmane »). Actuellement, les Arabes israéliens sont au nombre d’1,6 million soit environ 18% de la population du pays.
Il y a bien longtemps que cette population s’est libérée de son carcan rural : elle est désormais instruite, mobile et connectée. À l’heure actuelle, elle compte un juge à la cour suprême et un ministre au gouvernement ainsi que des ambassadeurs, des hommes d’affaires, des professeurs et bien d’autres personnes d’excellence.
Malgré ces progrès impressionnants, la communauté a invariablement voté pour une représentation radicale et antisioniste à la Knesset, le parlement israélien. Bien qu’ils soient séparés entre eux par de fortes différences idéologiques et divisés entre nationalistes palestiniens, nationalistes panarabes, islamistes et partisans de la gauche, tous les députés de cette communauté rejettent la judéité d’Israël.
Une telle attitude les prive de toute influence dans la direction du pays. Ils sont non seulement exclus de tout pouvoir de décision pour les questions sensibles en matière diplomatique et de défense mais en outre, ils n’ont pratiquement pas leur mot à dire sur la formation des gouvernements. Ce n’est qu’à de très rares occasions (comme lors des accords d’Oslo en 1993) que leur voix pèse dans les décisions politiques majeures. Jusqu’à présent, toutes les tentatives menées par les responsables politiques arabes en vue de sortir de cette impasse ont échoué.
Jusqu’à l’arrivée de Mansour Abbas. Âgé de 46 ans, il dirige un parti islamiste, la Liste arabe unie (également connue sous le nom de Ra’am), qui détient 4 des 120 sièges de la Knesset. Originaire de la petite ville de Maghar en Galilée, il a obtenu un diplôme en dentisterie à l’Université hébraïque de Jérusalem et poursuit actuellement des études doctorales en sciences politiques à l’Université de Haïfa. Marié et père de trois enfants, il exerce la dentisterie à Maghar. |
Récemment, Abbas (qu’il ne faut pas confondre avec Mahmoud Abbas, 85 ans, chef de l’Autorité palestinienne) est apparu comme un responsable politique capable de négocier et prêt à agir de façon pragmatique au nom des Arabes israéliens. En ces temps de turbulences électorales marqués notamment par de nouvelles élections programmées en mars 2021, il a rapidement acquis une grande influence du fait qu’il se montre enclin à coopérer avec Benyamin Netanyahou voire à secourir ce dernier comme Premier ministre.
Il exprime ouvertement ses intentions quand il dit : « Netanyahou essaie de profiter de moi mais j’en fais autant avec lui. » Plus précisément, il souhaite que Netanyahou facilite la construction légale dans les villes arabes et approuve l’octroi de fonds destinés à faire face aux problèmes de criminalité arabe. Le succès dans ces domaines pourrait lui attirer suffisamment de sympathie pour remporter davantage de sièges lors de la prochaine législature.
Un sondage récent montre que l’approche d’Abbas a touché une corde sensible. Par ailleurs, Yousef Makladeh de la société de consulting StatNet, indique que « plus de 60% des Arabes [israéliens] soutiennent l’approche du député Mansour Abbas selon laquelle ils peuvent travailler avec la droite [juive]. » Il ajoute que « la majorité de l’opinion publique arabe est favorable aux accords de paix avec les États du Golfe. »
Alors qu’Ariel ben Solomon de JNS ne voit dans les changements apportés par Abbas qu’un « geste tactique », Mazal Mualem d’Al-Monitor considère ce dernier comme « l’une des personnalités les plus influentes du monde politique israélien » et Gil Hoffman du Jerusalem Post suggère que l’alliance d’Abbas avec Netanyahou « pourrait changer à jamais la vie politique israélienne. »
En effet, cela se pourrait bien. Abbas offre aux Arabes israéliens le moyen d’abandonner enfin leur vieille attitude négative et stérile vis-à-vis de l’État juif. Sa flexibilité pourrait reléguer aux oubliettes l’étude influente publiée en 2006, The Future Vision of Palestinian Arabs in Israel (La vision d’avenir des Arabes palestiniens en Israël), qui n’offre sa loyauté envers Israël qu’après l’abandon par celui-ci de sa nature juive au profit d’un État binational dans lequel la culture et le pouvoir palestiniens jouissent d’une égalité totale.
Cette évolution fait progresser, parmi les Arabes israéliens, la prise de conscience croissante de la triste réalité quotidienne des Palestiniens en Irak, en Syrie, au Liban, en Jordanie, en Cisjordanie et à Gaza, et conduit à admettre, selon les mots d’un habitant de Jérusalem, que « l’enfer d’Israël vaut mieux que le paradis d’Arafat. » En outre, cela confirme les mutations profondes à l’œuvre concernant les attitudes envers Israël, où l’on voit une acceptation croissante de la part des Arabes et des musulmans alors qu’on constate un rejet de plus en plus grand de la part de la gauche mondiale.