Parachath Terouma : l’art de l’accueil des invités
«Et tu placeras sur cette table des pains de proposition, en permanence devant Moi » (Chemoth 25,30)
Un jour, deux Avrékhim ‘hassidim rendirent visite à l’Admour rabbi Méir de Premishlan, suite au décès de leur rabbi, auquel ils rendaient visite régulièrement. Leur visite était destinée à évaluer s’il valait la peine de le choisir comme nouveau rabbi.
Les ‘Hassidim tardèrent et arrivèrent à Premishlan une veille de Chabbath de la parachath Chemini au moment de l’allumage des bougies, et faute de temps, entrèrent directement au Beth Hamidrach du rabbi. À l’issue de la prière, ils s’attardèrent à la synagogue, et deux membres de la communauté les invitèrent pour les repas du Chabbath.
L’un de ces hôtes avait l’usage de manger peu, et lorsque l’invité réalisa qu’il ne mangeait pas, il eut honte de manger, bien qu’il eût très faim.
Le second Juif avait l’usage de manger en abondance, mais ne disposait pas de tranches de ‘hala sur la table, et l’invité avait honte de se servir lui-même. Résultat : lui non plus ne mangea pas à sa faim. Le lendemain matin, après la prière, ils se rendirent à nouveau chez leurs hôtes, et la même scène que la veille se reproduisit : ils quittèrent le repas le ventre vide.
Pendant le reste du Chabbath, ils n’entendirent aucun Dvar Tora du rabbi, et ne virent aucun dévoilement de l’esprit prophétique qui aurait pu les inciter à le choisir comme guide spirituel. Après la prière de Min’ha, ils prirent la résolution de ne pas assister à la se’ouda chelichit du rabbi, et décidèrent de retourner prendre ce repas chez les mêmes hôtes. Or, les chefs de famille n’étaient pas à la maison, ils participaient au repas du rabbi, et malgré eux, nos deux hommes s’y rendirent également.
Dès leur arrivée, le rabbi déclara : « Où sont les deux hommes qui cherchent un rabbi doté de l’esprit prophétique ? » Personne ne répondit. Le rabbi réitéra sa question : « Où sont-ils, pourquoi se cachent-ils ? » À nouveau, aucune réponse. Au bout de la troisième fois, le rabbi déclara : « S’ils ne viennent pas immédiatement se présenter à moi, ils le regretteront. » Les deux ‘Hassidim, la tête basse, s’approchèrent du rabbi, qui les salua et leur demanda où ils avaient pris leurs repas du Chabbath ; chacun nomma la famille où il avait mangé.
Le rabbi appela les deux hôtes et leur dit : « La mitsva d’accueil des invités figure dans la Tora, mais il faut savoir comment se conduire avec des invités. Lorsqu’on convie un invité, le maître de maison doit couper et disposer de nombreuses tranches de pain sur la table, afin que l’invité ne doive pas s’en charger lui-même. Même si le maître de maison a déjà coupé des tranches, mais qu’il ne se sert pas lui-même, l’invité aura honte de se servir. »
Le rabbi poursuivit alors : « Nous en avons une allusion dans la paracha de la semaine (Parachath Chemini) : « Le porc, qui a bien le pied corné (mafriss parssa) » : il coupe (poress) des morceaux de pain, « mais qui ne rumine point » : il ne mange pas lui-même, « il sera immonde pour vous. » Le chameau, parce qu’il rumine mais n’a point le pied corné : il sera immonde pour vous. » Un animal pur est uniquement celui qui a le sabot fendu et qui rumine. »
Le rabbi ajouta : « Maintenant, ces deux Juifs ont très faim, et il faut les nourrir. » Le rabbi coupa deux tranches de ‘hala et y déposa deux tranches de poisson, qu’il leur donna.
Aucune des personnes présentes ne comprit le sujet de la conversation sur les animaux au sabot fendu et ruminants, à l’exception des hôtes et des ‘Hassidim de passage. À l’issue du Chabbath, les deux hommes se dirent : nous avons trouvé un rabbi sur qui repose l’esprit prophétique.
Nous apprenons de là que lorsqu’on accueille des invités, il faut prendre en compte la nature humaine, qui est d’avoir honte de manger à la table des autres, comme l’indiquent nos Sages (Talmud Yerouchalmi Orla 1,3) : un homme qui mange chez son prochain a honte de le regarder en face. De ce fait, il faudra faire l’effort de présenter à l’invité un visage avenant et de lui donner le sentiment que le don est un plaisir pour nous, afin de lui épargner la honte.
Rabbi Méir de Premishlan interprète de manière allégorique les symboles du soir de Pessa’h : Kadèch – si un Juif veut se sanctifier (Kedoucha) pour Hachem, Ouré’hats : il convient de se laver des taches des fautes, Karpass : une allusion au Kar : l’oreiller, et Pat : le pain, puis Ya’hats : il divise (le pain), prend la moitié pour lui et distribue la seconde partie aux invités, et si un invité se présente, Maguid : il lui dira Ra’htsa : de se laver les mains avant de manger, et par le mérite de l’accueil des invités avec aménité, il se sanctifiera.
Rabbi Baroukh de Mézibouz commente le verset dans Michlé 13,25 : «Le juste mange pour apaiser sa faim ; mais le ventre des méchants n’en a jamais assez»: il s’agit du moment où l’on accueille des invités : un homme vertueux mangera avec son invité, même s’il a déjà mangé au préalable, car il souhaite que son invité soit à l’aise et mange à sa faim. En revanche, un mécréant mange peu, même s’il n’a rien mangé au préalable, afin que l’invité ne mange pas en abondance.
À ce sujet il est dit (Avoth derabbi Nathan 1,13) : « Il faut accueillir chaque personne avec un visage avenant, car si un homme donne à son prochain les plus beaux cadeaux du monde, mais avec un visage sombre, les Écritures affirment que son don ne vaut rien. »
Nous y trouvons une allusion dans le verset : « Et tu placeras sur cette table des pains» : pose sur la table du pain à la disposition de l’invité, de sorte qu’il soit « de proposition (Panim) en permanence devant moi » : que le visage (Panim) de l’invité fasse constamment face à celui de ses hôtes, afin qu’il ne doive pas le dissimuler, comme c’est le cas de ceux qui ont honte.
Chabbath Chalom !