Le professeur de Washington qui a envoyé à Trump son plan pour une nouvelle Gaza

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Joseph Pelzman, professeur d’économie à la GWU, a rédigé une proposition détaillée pour l’équipe de Trump ; il affirme qu’il faut « tout détruire pour repartir de zéro »

Modèle d’illustration d’une nouvelle bande de Gaza, tiré du compte X du Dr Kobby Barda ; en médaillon : Professeur Joseph Pelzman

La proposition faite par le président américain Donald Trump de déloger les Palestiniens de la bande de Gaza et de réaménager totalement cette dernière a entraîné une onde de choc dans le monde entier. Rejetée par le monde arabe et par une grande partie de la communauté internationale, la proposition a toutefois été saluée par le Premier ministre Benjamin Netanyahou qui a évoqué une idée « susceptible de changer l’Histoire » et « qui mérite d’être attentivement écoutée ». Le chef de gouvernement israélien a aussi qualifié le plan de « première idée originale soulevée depuis des années ».

Il y a néanmoins un homme, à Washington, qui n’a pas été surpris par la proposition qui a été dévoilée mardi par Trump lorsqu’il a reçu Netanyahou à la Maison Blanche : Joseph Pelzman, qui est professeur à l’université George Washington.

C’est Pelzman, expert en économie et en relations internationales et directeur du Centre d’excellence pour l’étude économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (CEESMENA) au sein de l’université, qui est l’auteur de ce plan qu’il a soumis à l’équipe de Trump dès le mois de juillet 2024.

Les détails du plan de Pelzman ont été rendus publics pour la première fois au mois d’août dernier par le docteur Kobby Barda, un historien israélien spécialisé dans la politique américaine et dans les questions géostratégiques, lors d’une débat organisé en présence de Pelzman dans le cadre du podcast « America, Baby !. »

« Je me suis dit : Eh bien, pourquoi ne pas élaborer une sorte de point de vue original sur la façon de reconstruire Gaza une fois que la guerre sera terminée ? », a expliqué Pelzman à Barda. « Le plan a été envoyé à l’entourage de Trump parce que c’est lui qui s’y intéressait dès le départ, ce n’était pas le cas de l’entourage de Biden. L’équipe de Trump m’a demandé de sortir des sentiers battus et de réfléchir à ce que nous pourrions faire après la guerre parce que personne n’en parlait vraiment ».

Le plan de Pelzman, qui a été intitulé « Un plan économique pour reconstruire Gaza : Une approche BOT [Construction-exploitation-Transfert] a depuis été publié sous forme d’article dans le Global World Journal (son auteur l’avait préparé au mois de juillet mais il n’est paru en ligne qu’au mois d’octobre).

Dans le podcast, il affirme que l’économie de Gaza a atteint un niveau historiquement bas. Pelzman cite des données transmises par la Banque mondiale, qui indiquent qu’entre 2007 et 2022, la croissance annuelle du PIB de Gaza a été en moyenne de 0,4 %, tandis que le PIB par habitant a diminué de 2,5 % par an en raison d’une forte croissance démographique.

De plus, selon le professeur, les dégâts essuyés à Gaza suite à la guerre qui a éclaté dans le sillage du pogrom qui avait été commis par les hommes armés du Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre 2023, ont été si importants que la bande est irréparable et impossible à reconstruire. Pelzman estime qu’aucun investissement privé ou international n’entrera à Gaza dans l’état actuel des choses. « Il faut repartir de zéro », dit-il à Barda dans l’émission.

Pelzman y fait également part d’autres données qui sont déjà connues du public : En 2022, le taux de chômage à Gaza s’élevait à 45 %. 53 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté, contre environ 13 % des Palestiniens vivant en Cisjordanie. Selon les estimations de la Banque mondiale du mois de mars 2024 – des estimations qui sont reprises par Pelzman – environ 1,2 million de personnes à Gaza sont sans abri et sans ressources « en raison des actions du Hamas ». De surcroît, 62 % des bâtiments encore debout ont subi de graves dommages qui les rendent inhabitables et 90 % des principales artères de circulation ont été détruites.

Le professeur Joseph Pelzman : « Il faut tout détruire, il faut repartir de zéro », affirme Pelzman dans le podcast de Barda. « Vous aurez ensuite une économie qui comportera trois secteurs : le potentiel touristique, le potentiel agricole et, parce qu’un grand nombre d’entre eux sont intelligents, le secteur high-tech».

Il note ensuite que son plan « part d’un modèle basé sur trois secteurs pour Gaza, mais cela nécessite que l’endroit soit complètement vidé. Je veux dire qu’il doit être vidé au sens littéral du terme, qu’il faut repartir de zéro – et le béton pourra être recyclé. »

Il précise encore que « il s’agit d’un modèle sectoriel triangulaire, mais sa mise en œuvre exige que la zone soit complètement vidée afin que le béton détruit puisse être recyclé – en veillant à ce qu’il ne reste rien des constructions verticales qui s’étendent en profondeur ».

Le plan présenté par Pelzman, qui a travaillé, dans le passé, avec l’USAID sur des questions de développement économique en Chine, utilise la méthode BOT – Build-Operate-Transfer ou Construction-Exploitation-Transfert – un modèle qui a été mis en œuvre dans les pays en développement. Selon cette méthode, les entreprises et les organisations du secteur privé concluent des partenariats d’investissement avec des entités gouvernementales et elles reçoivent un bail de propriété de la part du gouvernement pour une durée allant de 50 à 100 ans.

Avec ce système, une entité privée peut construire et exploiter son projet pendant plusieurs décennies. Ce sont les autorités publiques qui récupèrent la propriété à l’issue du bail. Pendant la période d’exploitation, l’entité privée a le droit d’exiger des frais s’agissant de l’utilisation de ses infrastructures.

Des logements de type chinois

Dans son étude, Pelzman explique que son approche consiste à aborder « d’un point de vue purement économique » la bande de Gaza en recherchant « les solutions d’investissement à apporter à une expérience qui a échoué », à savoir l’expérience de développement de l’enclave côtière depuis qu’Israël s’en est retiré, en 2005.

Le plan de Pelzman prévoit, entre autres, une bande de Gaza qui serait entièrement alimentée grâce à l’énergie solaire, traversée par un système de tramways et desservie par des aéroports et par des ports ouverts sur la mer. La bande de Gaza serait indépendante d’Israël concernant ses besoins énergétiques.

En attendant, écrit Pelzman, « il n’y a pas de restrictions ex-ante au déplacement des résidents locaux concernant la sortie de Gaza ».

Selon le plan de Pelzman, « le coût de cette reconstruction massive de Gaza se situera entre un et deux trillions de dollars et elle durera de cinq à dix ans ». Une estimation basée sur un modèle qui a analysé une économie gazaouie d’après-guerre tirée par les secteurs de l’agriculture, du tourisme et du high-tech.

Pelzman envisage la construction de restaurants, d’hôtels et autres équipements de luxe à l’Ouest de la bande de Gaza, sur le front de mer, et des immeubles résidentiels – « avec des unités d’habitation de 30 étages de style [République populaire de Chine] » à l’Est. Entre les deux, écrit-il, se trouveront des zones agricoles et des serres. La reconstruction nécessitera « la destruction complète des tunnels terroristes », même si le professeur affirme, dans son plan, que Tsahal a déjà effectué une grande partie du travail.

Pelzman indique à plusieurs reprises, dans son plan, que le mode de gouvernance qu’il favorise pour Gaza est l’e-gouvernement, c’est-à-dire un gouvernement qui utilisera des outils technologiques. Il note en particulier que « l’échange de fonds entre les résidents et les entreprises se fera exclusivement par le biais d’un réseau en ligne », ce qui rendra inutile l’utilisation de billets de banque, de cartes de crédit ou d’aides étrangères. La bande n’aura pas d’autorité monétaire et « tous les flux de capitaux seront contrôlés par des acteurs étrangers ».

De surcroît, Pelzman propose que des experts qui seraient nommés par les actionnaires étrangers de Gaza soient chargés de superviser un système éducatif qui sera basé sur la déradicalisation, « avec un contrôle extérieur qui s’assurera du développement d’une population qualifiée ». Le professeur suggère d’importer les programmes scolaires – de la maternelle à l’université – des modèles éducatifs en vigueur aux Émirats arabes unis ou en Arabie saoudite, sur la base de leurs récentes réformes et des enseignements islamiques sunnites et soufis.

La sécurité doit être confiée à des « partenaires qui partagent l’intérêt commun d’écarter le Hamas et ses complices de tout rôle » au sein de l’enclave côtière, des partenaires qui sont « intéressés par la démilitarisation permanente de Gaza ».

Selon Pelzman, le Hamas n’a aucun droit de propriété à Gaza, en vertu des accords d’Oslo de 1993, qui, selon lui, sont restés intacts lorsqu’Israël s’est retiré de Gaza en 2005.

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