Le chœur des pleureuses

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La chronique de Michèle MAZEL

          Le décor est mis. Les documents sont prêts. Demain sonnera la fin d’une longue période de belligérance sinon réelle, du moins formelle : les Émirats Arabes Unis et le royaume de Bahreïn vont normaliser leurs relations avec l’État juif. Au programme, échange d’ambassadeurs et coopération en matière stratégique, scientifique, économique et financière pour le plus grand bien de leurs populations respectives. Alors que le rideau est sur le point de se lever sur une représentation à grand spectacle, qui sera suivie par des millions de téléspectateurs en temps réel, puis rediffusée en boucle sur les chaines de télévision du monde entier, certains préféreront écouter les lamentations du chœur des pleureuses.

          A la vue des représentants des Emirats, de Bahreïn et d’Israël réunis à la Maison Blanche, sous l’égide du président Trump pour finaliser les accords de paix, les Palestiniens – ou plutôt leurs dirigeants, se tordront une nouvelle fois les mains en gémissant, se lamentant sur la trahison de leurs frères en religion. Le Hezbollah, cette émanation libanaise des Ayatollahs qui a conduit le Liban à sa perte, grincera des dents et promettra vengeance tandis que le Hamas dépité lancera des menaces qu’il sait vaines. Les pleureuses de tous bords savent pourtant que les jeux sont faits. Les injures et les imprécations qui ont suivi l’annonce de la normalisation entre Israël et les Émirats n’ont pas empêché le Bahreïn de suivre le même chemin, encouragé nous disent les experts par leur puissant voisin saoudien qui, s’il ne se joint pas pour le moment à la paix régionale qui se dessine, a autorisé les avions israéliens à survoler son territoire.

Le sultan d’Oman a salué l’accord histoire de tâter l’eau avant de se lancer à son tour. Le Soudan étudie la question. Le Maroc serait prêt à accepter des vols directs d’Israël pour accommoder les milliers, les dizaines de milliers de ses anciens ressortissants vivant dans l’État hébreu et souhaitant revoir les paysages de leur enfance. L’Égypte se demande s’il n’est pas temps de réchauffer ses relations avec son voisin après quatre décennies d’une paix trop froide pour apporter les avantages économiques dont son pays a tant besoin.  En contrepartie bien sûr il y a les déclarations belliqueuses de deux pays que tout sépare – la Turquie et l’Iran, l’un cherchant à assujettir la région à un nouveau califat sunnite et l’autre à intégrer le Moyen-Orient dans un croissant chiite sous sa domination.

         L’une et l’autre voient d’un mauvais œil l’émergence d’un bloc dont chacun sait qu’il est né de la nécessité de se défendre contre leurs volontés hégémonistes. Il y a aussi un autre groupe de pleureuses, plus discrètes celles-là. Ce sont les pays de l’Union européenne, qui voient des années d’efforts pour isoler Israël et encourager l’intransigeance de Ramallah réduites à néant. Palestine d’abord, leur cri de ralliement, n’est même plus un chuchotement. Beaucoup ne sont pas prêts encore à l’admettre. Seule la Hongrie a annoncé qu’elle viendrait assister à l’événement pour lui apporter sa caution. Quant aux médias, après des années de rhétorique anti israélienne, ils se contentent de rapporter les faits sans commentaires. Certains évoquent, sans tout de même l’appeler de leurs vœux, un coup d’éclat de Téhéran qui viendrait noyer la fête dans le sang.

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