«Ce qui s’est libéré le 7 octobre est quelque chose de durable »: encore une flambée d’actes antisémites en 2024
Par Stéphane Kovacs
Pour la deuxième année consécutive, la France fait face à un nombre historique d’actes antisémites. En 2024, 1570 actes antisémites ont été recensés par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) et le ministère de l’Intérieur. Après le 7 octobre, l’année 2023 avait vu une explosion des chiffres – 1676 -, alors qu’en 2022, 436 actes avaient frappé cette communauté qui représente moins de 1 % des Français. « C’est d’abord, malheureusement, une confirmation que ce qui s’est libéré le 7 octobre est quelque chose de durable, déplore Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Cela révèle un antisémitisme très présent dans notre pays, qui a pour carburant la haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme des réseaux sociaux ».
L’an dernier, « certains actes ont été extrêmement violents », note le Crif. Comme le viol antisémite d’une enfant de 12 ans à Courbevoie, l’attentat de la synagogue de La-Grande-Motte ou encore l’incendie de la synagogue de Rouen. L’antisémitisme de 2024 « cible principalement les personnes », précise le rapport annuel du SPCJ, avec 65,2 % d’actes. « Plus d’une centaine d’attaques physiques violentes » ont été dénombrées.
Une étude sémantique des propos utilisés par les auteurs a permis de déterminer que, en moyenne, plus de 30 % des actes antisémites évoquent la Palestine (43 actes sur environ 130 par mois), soit 518 actes en 2024 qui y font explicitement référence. « On sait qu’il y a un lien évident avec la situation au Proche-Orient, qui sert de prétexte pour les passages à l’acte, commente Yonathan Arfi. La question de la Palestine est devenue le carburant le plus puissant, face à des juifs accusés d’être des soutiens à un génocide ».
«Diaboliser l’image des Juifs en France»
Autre catalyseur d’actes antisémites : la période de la campagne des élections européennes, qui a coïncidé avec « la campagne médiatique contre l’opération israélienne à Rafah menée par des organisations anti-israéliennes », souligne le rapport. Une nette hausse des actes antisémites – +140 % par rapport à la moyenne hebdomadaire – a ainsi été constatée entre le 27 mai et le 10 juin. « Quand LFI fait le choix d’hystériser le débat public, ça se fait sur le dos des Juifs de France ! », s’émeut le président du Crif. « Le martèlement de l’accusation mensongère de génocide, ainsi que son corollaire consistant à accuser les soutiens d’Israël d’être « pro-génocide », insiste le rapport, ont contribué à diaboliser l’image des juifs en France et à justifier un comportement hostile ou insultant à leur égard. »
À l’école enfin, et surtout au collège, le constat est « alarmant ». En 2024, on compte 192 actes antisémites commis dans le milieu scolaire et ayant fait l’objet d’une plainte, soit 12,2 % de l’ensemble des actes. Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux publiés par le ministère de l’Éducation nationale et celui de l’Enseignement supérieur, qui recensent aussi des actes n’ayant pas fait l’objet de plainte. Selon l’Éducation nationale, 1670 actes à caractère antisémite – soit près de la moitié des actes racistes signalés – sont dirigés contre des juifs, alors qu’ils représentent moins de 1 % des élèves.
Comment faire pour faire reculer cet « antisémitisme d’agression, qui cohabite avec un antisémitisme d’atmosphère » ? « Une amende, sur le modèle de celles qui sanctionnent le téléchargement illégal de films, pourrait être délivrée aux auteurs de contenus manifestement délictueux sur les réseaux sociaux, fait valoir Yonathan Arfi. Mais il faut surtout que la société civile s’empare de ce combat ; on a besoin que ce soit une cause d’intérêt général, et non pas seulement juif ».
JForum. fr avec Le Figaro – Illustration : Profanation du cimetière israélite de Bar le Duc