Le jour de retour des étudiants en Yechiva et Kollélim devrait être ce dimanche, début Iyar. Que vont faire ces institutions en pleine crise du corona ?
La réponse n’est pas évidente. Nul doute que le public orthodoxe suit avec grande attention les instructions du Ministère de la Santé (à dire vrai, à notre expérience, bien plus que ce que font les gens moins engagés !). D’un autre côté, l’idée que la Tora sert de protection aux personnes qui l’étudient, et en fait à l’ensemble du peuple d’Israël, viendrait tout de même inciter à reprendre le plus tôt possible, quand, entre les deux, ce sont des responsables civils peu concernés par cela qui prennent les grandes décisions, comme par exemple interdire les prières en public tout en permettant des manifestations de milliers de personnes, ainsi que l’a fait la Cour suprême ces temps-ci, non sans s’attirer des critiques très fortes sur sa conduite. Et en laissant au public orthodoxe le sentiment qu’il n’est pas possible réellement de faire confiance aux décisions de ces fonctionnaires indifférents au sort de l’étude de la Tora dans le peuple juif.
Problème.
Des efforts ont été déployés pour essayer de parvenir à des principes clairs à usage interne, puis pour les faire accepter par le ministère de la Santé, qui insiste pour garder les Yechivoth fermées, ainsi que le fixe le PDG du ministère de la Santé, Moshe Bar Siman Tov.
Une partie de la liste des conditions proposées : A. Les jeunes qui viennent à la Yechiva ne pourront pas la quitter avant Shavou’oth. B. Chaque Yechiva devra engager en coordination avec le ministère de la Santé une compagnie de garde vérifiant que les jeunes ne quittent pas la Yechiva. C. Il ne sera pas possible d’envoyer des colis de la maison pour les jeunes, mais il sera possible d’acheter des articles indispensables par le biais de livraisons. D. Chaque personne devra subir un test corona avant de se rendre à la Yechiva. Le ministère de la Santé insiste sur le fait que toute personne devra subir ce test même si elle n’a pas du tout quitté son domicile au cours de la dernière période. E. Les membres du personnel seront autorisés à enseigner et travailler à la Yechiva et à condition qu’ils restent dans l’immeuble pendant toute la période, quiconque quitte la Yechiva ne pourra pas revenir.
La discussion tourne autour des deux dernières conditions, car dans la plupart des Yechivoth il n’y a pas de place pour accueillir les rabbanim de la yechiva avec leurs familles. La proposition discutée ces derniers jours est de ne pas emmener les Yechivoth sur leur campus mais de les déplacer vers des endroits plus éloignés pour que les rabbanim puissent venir avec leur famille pour vivre dans le complexe.
Il se peut que si la condition des membres du personnel n’était pas remplie, les Yechivoth seraient obligées de diviser le personnel en groupes de deux chaque semaine et à la fin de la semaine, les membres du personnel sortiraient et deux autres viendraient après avoir subi un confinement contre le corona conformément aux instructions du ministère de la Santé.
Dans les faits, quelques institutions ont lancé des systèmes de cours via téléphone et autres moyens techniques plus avancés, comme par exemple à la Yechivath Tifra’h (qui a eu la malchance d’avoir un jeune qui est passé entre ses murs à Pourim, et a infecté environ 80 jeunes, qui, à leur tour, ont transmis le virus à des familles entières…).
A Mir Brachfeld, les jeunes ont reçu un message enregistré de rav Shmaryahu Yossef Finkel, responsable de la Yechiva, annonçant la reprise des études via un système téléphonique élaboré. Les jeunes apprendront trois sedarim par jour, matin, après-midi et soir, comme à l’accoutumée.
A la Yechivath Mir de Jérusalem, le rav Eliezer Yehouda Finkel a déclaré que la Yechiva resterait fermée jusqu’à nouvel ordre.
Dans les communautés hassidiques, diverses dispositions ont été prises. A Belz, il est prévu de lancer les études pour toutes les Yeshivoth de ce groupe en Israël dans des zones spéciales, où les milliers de jeunes resteront ensemble et ne quitteront pas le complexe jusqu’à Chavou’oth. Vizhnitz essaye également la Yechiva à Bené Brak, qui servirait de lieu pour toutes ses Yechivoth, mais il n’y a pas encore d’approbation officielle.
Le rav Dov Lando, Roch Yechiva de la Yechivath Slavodka, s’est exprimé de manière assez remarquable : « J’ai entendu dire qu’il y avait des personnes vides de sens qui incitent l’ensemble du public orthodoxe à ouvrir les Yechivoth et les Kollélim. Or nous avons déjà vu avant Pessa’h que l’on ne pouvait pas faire reposer notre confiance sur des miracles ! » Il a rappelé le nombre tellement important de morts et de personnes souffrant encore que cela a entrainé.
Le rav Moché Hillel Hirsch, de la même Yechiva, a déclaré : « Si les Yechivoth commencent le premier jour d’Eloul, ce sera un miracle. »
Que faut-il dire aux jeunes actuellement encore à l’étranger ? Difficile de le faire, chacun bien entendu devra demander à ses rabbanim, mais il ne faut en tout cas ne pas oublier que toute personne qui vient de l’étranger doit passer deux semaines en confinement absolu, et doit avoir avant de venir une adresse claire et définie à présenter aux services de la Santé à son arrivée (mais sans doute aussi à son départ, si toutefois on peut trouver des vols de cet ordre vers Israël…).