La Normandie

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La Normandie

Les Juifs parisiens ont jeté leur dévolu depuis des décennies sur Deauville, leur lieu de résidence secondaire privilégié. Ce que l’on sait moins, c’est que l’implantation juive en Normandie est particulièrement ancienne. Le judaïsme de Normandie a un passé aussi riche que captivant. D’éminents Sages y ont siégé, d’importants vestiges y ont été trouvés…

une terre d’accueil pour les Juifs au Moyen-Age

Les origines des Juifs normands

Avant l’arrivée des Vikings au début du Xe siècle, les Juifs qui habitaient la Normandie n’avaient pas une histoire distincte de celles des Juifs résidant dans d’autres régions françaises. Lors de la colonisation romaine par Jules César, les Juifs qui accompagnaient les Romains étaient libres et exerçaient tous les métiers. On leur accorda le droit de vivre en communauté, d’établir leurs institutions dans les rues et terrains, et d’enterrer leurs morts dans un cimetière juif. Il ne reste aucun témoignage archéologique ou littéraire du judaïsme normand avant le haut Moyen-Age (Ve – Xe siècle). Cependant, des preuves datant du XIe ou XIIe siècle (des textes en hébreu et en latin montrant une structure bien développée ainsi que la présence de nombreuses « rues aux Juifs » éparpillées dans toute les régions de la Normandie) indiquent que les Juifs normands avaient joui des mêmes privilèges depuis des siècles.

 

La vie juive en Normandie

Les Juifs ont réussi à installer et à faire fonctionner leurs systèmes juridiques (Beth Din), religieux (Beth Haknesseth) et éducatif (Beth Hamidrach) tout en vivant en paix au milieu de la population païenne, puis chrétienne. Ils exerçaient toutes sortes d’activités : vignerons, poissonniers, médecins ou encore rebbes (maîtres d’école). Certains étaient pauvres, d’autres riches ou encore de classe moyenne. Nombre d’entre eux possédaient des héritages immobiliers, y compris des terres.

Les soixante « rues aux Juifs » que l’on trouve un peu partout en Haute et Basse Normandie témoignent de la dispersion des Juifs depuis l’époque romaine. L’expression « rue aux Juifs » est une traduction d’un terme latin que les romains utilisaient pour désigner le quartier ou la rue principale du quartier juif. Ces rues se situaient d’ordinaire dans le quartier le plus ancien de la ville ou du village. Quant aux rues aux Juifs situées en pleine campagne, elles semblent être des routes au long desquelles s’étendaient des fermes cultivées par des Juifs. Norman Golb a dénombré 85 sites normands attestant d’une présence juive en Normandie. Toutefois, toutes ces rues aux Juifs ainsi que les nombreux hameaux portant le nom « Les Juifs » ou « La Juiverie » ne témoignent que d’une partie de la présence juive normande au Moyen Age. Un nombre incalculable d’autres endroits furent détruits ou subirent des changements de noms. La totalité des communautés juives médiévales que l’on connaît en Normandie semble avoir été plus grande que n’importe quelle autre région de France !

 

L’histoire des Juifs de Rouen

L’analyse de nombreux documents permet de reconstruire des aspects importants de la vie menée par les Juifs de Rouen, la ville la plus importante de la région.

En 1070, Guillaume le Conquérant conduisit certains Juifs de Rouen à Londres, créant ainsi la nouvelle communauté juive d’Angleterre. Cependant tout au long du XIe siècle, les Juifs rouennais firent face à de nombreuses persécutions, les croisés normands leur donnant le choix entre la mort et la conversion au christianisme. En 1098 ou 1099, les Juifs de Rouen qui ont échappé au massacre supplièrent le roi Guillaume le Roux, qui assura l’intérim de son frère Robert Courteheuse, d’accepter que les convertis de force reviennent à leur foi originelle. Ce que le roi accepta volontiers… moyennant finances. C’est ainsi que la communauté de Rouen se reconstruisit. Au XIIe siècle, Rouen comptait entre 5000 et 6000 Juifs, soit 15 à 20% de sa population totale. Les années 1140 à 1200 représentent donc un épanouissement des études juives à Rouen et en Normandie en général. En effet, de nombreux tossafistes habitant tous les coins de la Normandie commentèrent et annotèrent le Talmud. On citera notamment rabbi Eliezer de Touques (2e moitié du XIIIe siècle) qui a fait un abrégé des Tossafoth de Sens et d’Evreux. Elles ont été rédigées avec l’aide de ses élèves de Rouen, entre 1270 et 1275. Les Tossafoth de Touques furent largement diffusées en France, en Allemagne et dans d’autres pays durant les décennies qui suivirent.

 

A partir de 1220, le régime français commença à instaurer des restrictions contre les activités financières des Juifs. En 1306-7 c’est l’expulsion des Juifs de France qui fut imposée. Le roi accorda à la ville le clos aux Juifs de Rouen avec toutes ses dépendances. 1307 marqua la fin du judaïsme rouennais médiéval en tant que communauté. Expulsés de la ville, les Juifs rouennais perdirent à jamais leurs droits de propriété sur le quartier juif, vendu à la ville, et sur les terres disséminées dans toute la banlieue.

Par la suite, la Normandie connut une longue période vide de judaïsme. Au début du XXe siècle, Cherbourg était un port important d’émigration vers les États-Unis pour les Juifs de l’Europe de l’Est, une synagogue provisoire ayant été créée dans l’hôtel Atlantique.

La « Maison Sublime »

Été 1976, un monument juif fut découvert, par hasard, sous la cour du palais de justice de Rouen. Édifice monumental, celui-ci est un exemple remarquable d’architecture romane dont la qualité et l’élégance, écrit l’historien Norman Golb, « rendaient soudainement palpable le caractère de la communauté juive rouennaise ». Celui-ci a fait l’objet d’une âpre controverse sur sa destination : était-ce une synagogue, une école rabbinique, ou bien une résidence privée ? Aujourd’hui, le voile est levé. Le monument a abrité l’une des plus prestigieuses écoles rabbiniques d’Europe, la seule Yechiva médiévale au monde dont on ait conservé les vestiges…

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