La messe noire du Hamas

0
70

Par Aurélien Marq pour Causeur

Le monde musulman n’a pas clairement condamné dans sa globalité les derniers exploits du Hamas, mouvement islamiste qui a notamment tué Kfir Bibas, un ennemi en couches culottes. Analyse.

On peine à trouver les mots pour dire l’obscénité de la mise en scène à laquelle s’est livré le Hamas autour des cercueils de Kfir, Ariel, Oded et d’une inconnue dont les islamistes ont mis le corps à la place de celui de Shiri. On songe à du grand guignol, pour la théâtralisation à la fois vulgaire et prétentieuse, ou aux raouts nazis, pour l’arrogance et la jubilation haineuse qui suintent de la foule. Mais c’est la journaliste israélienne Myriam Schermer, d’i24News, qui a trouvé les mots justes : c’était une messe noire – et je la remercie de m’avoir très aimablement permis de reprendre son intuition, et d’y réfléchir ici.

« Une messe noire » a-t-elle écrit sur X. « Nous avons affaire à un culte de mort qui croit au meurtre comme à un sacrifice divin. »

C’est exactement ça. Comment, alors, ne pas penser à cette tristement célèbre phrase de Khalid ibn al-Walid avant la Bataille des Chaînes, lui que le prophète de l’islam surnommait « le glaive dégainé d’Allah » : « vous avez le choix entre la conversion, la soumission et la mort, car j’arrive avec des hommes qui aiment la mort comme vous vous aimez la vie », phrase reprise de nos jours par Mohammed Merah – continuité de l’horreur à travers les siècles ? Comment ne pas penser à la signification symbolique de l’Aïd el-Kébir, si différente de celle de l’histoire d’Abraham et d’Isaac malgré les ressemblances apparentes ? Mais il y a plus.

Surenchère sadique

Messe noire. Même le Secrétaire Général de l’ONU, pourtant très favorable à la « cause palestinienne », s’est senti obligé de réagir (on ne spéculera pas ici sur sa sincérité…). Même le mufti d’Arabie Saoudite et celui des Émirats Arabes Unis ont pris soin de condamner ce spectacle ignoble. Et comme l’a relevé Florence Bergeaud-Blackler, par contraste le silence des institutions officielles du culte musulman en France (soulignons néanmoins la position claire du toujours courageux Hassen Chalghoumi) mais aussi à l’échelon international (à l’heure où j’écris ces mots, pas une ligne de la Ligue Islamique Mondiale, pas une ligne de l’Organisation de la Coopération Islamique, pas une ligne d’Al-Azhar), ce silence n’en est que plus assourdissant.

Messe noire. C’est-à-dire adhésion consciente à l’abomination. Pas à une vision erronée du Bien, mais à une célébration délibérée et religieuse du Mal. C’était déjà le cas le 7-Octobre, dont la surenchère sadique (le Hamas n’a pas seulement violé, torturé et tué ses victimes, il les a violées, torturées et tuées sous les yeux de leurs parents, de leurs conjoints, de leurs enfants) couplée à la dimension religieuse (les cris de « Allah akbar » – ce qui ne signifie pas « Dieu est grand » mais « le dieu est plus grand », c’est-à-dire « le dieu de l’islam est plus grand que tout » – accompagnant cette razzia/pogrom) ne peuvent qu’évoquer ce que CG Jung disait de l’Allemagne en avril 1939 : « ils sont tous possédés par un dieu barbare ». Mais le 7-Octobre, on pouvait encore penser à l’effet amplificateur de la cruauté qui accompagne trop souvent la guerre, mélange sinistre d’instincts incontrôlés, de barbarie et d’ivresse du sang. Pas cette fois. Cette fois, des hommes et des femmes ont pris la décision posément réfléchie, de sang-froid, d’emmener leurs propres enfants faire la fête autour des corps de Kfir (il avait 10 mois lors de son ravissement, le plus jeune des otages) et d’Ariel (il avait quatre ans), morts étranglés par leurs ravisseurs.

Messe noire. Inversion perverse et méthodique de la réalité et de la morale – c’est ce que symbolisent ces éléments passés dans la culture populaire, le crucifix la tête en bas, les textes liturgiques récités à l’envers. Inversion perverse et méthodique des responsabilités : chez ceux qui prétendent qu’Israël serait responsable des morts des otages dans des frappes aériennes, alors que seul le Hamas est coupable des morts des boucliers humains qu’il utilise ; chez ceux qui ont écrit sur son cercueil que Shiri Bibas aurait été « arrêtée » le 7 octobre, comme si elle avait été une criminelle et ses ravisseurs des justiciers ; chez ceux qui prétendent que le Hamas aurait essayé de « protéger » les otages ; chez ceux qui tiennent des comptabilités morbides en jouant de fausses équivalences, car ainsi que l’a rappelé Gad Saad : « Un bébé qui n’a pas été ciblé meurt, victime collatérale d’une frappe aérienne, c’est une tragédie. Un bébé meurt des mains de ses ravisseurs en étant torturé à mort, c’est une violation de la décence humaine. Les deux bébés sont morts. Les deux étaient innocents. Les deux morts sont tragiques. Mais il n’y a aucune équivalence morale entre ces deux situations. » Perversion de ce dessin de Benyamin Netanyahou en vampire : on peut critiquer sa politique, mais il faut rappeler encore et encore que ce sont le Hamas et ses complices qui sont coupables des morts de Kfir, Ariel, Shiri, Oded, et de tous les autres.

La morale retournée

C’était une messe noire, cérémonie offrant au Mal le sang et la souffrance des innocents, dans un retournement volontaire de toute morale. Le Hamas n’est pas stupide, il n’a pas commis une erreur de communication. Nous aimerions croire qu’il vient de perdre tout crédit aux yeux de l’opinion internationale – et pas seulement lui, toutes les organisations qui ont participé à cette célébration au sens propre diabolique : Fatah, FPLP…. Mais ne nous mentons pas à nous-mêmes : le 7-Octobre était déjà un sommet dans l’horreur, volontairement célébré par ses auteurs, volontairement diffusé, volontairement montré, et a-t-il valu aux islamistes la réprobation mondiale ? Non, hélas. Au contraire, même. La débauche de sadisme du Hamas a avivé les plus sombres appétits chez ses partisans. Qu’il se permette tout, même le pire, et qu’il ne s’en cache pas, n’a fait que galvaniser ses soutiens. Même parmi ceux qui condamnent la mise en scène autour des cercueils, ce qui est bien le minimum, il en reste trop qui refusent encore de condamner le Hamas lui-même.

Le jour même de cette messe noire, Emmanuel Macron jugeait bon de nous exhorter à « faire nation », y compris donc avec ceux pour qui le Hamas est une « résistance ». C’est au-delà de l’indécence. Mais qu’attendre d’autre de celui dont un Premier ministre avait appelé à « faire barrage » en votant LFI, et dont les partisans ont nommé cette compromission « Front républicain » ? L’Ukraine n’est qu’un prétexte.

Une horreur islamiste en chasse une autre

Alors que je m’apprêtais à envoyer ce texte à la rédaction de Causeur, je découvre qu’une attaque vraisemblablement terroriste a eu lieu à Mulhouse pendant que j’écrivais. Un homme de 69 ans est mort – il semble qu’il se soit interposé entre l’assassin et ses premières cibles : si c’est vrai, cet homme est un héros, et la France devra lui rendre hommage et veiller sur ses proches. Il y aurait plusieurs blessés, puissent-ils se rétablir au plus vite. Le tueur est Algérien, sous OQTF, déjà condamné pour avoir appelé au jihad « contre les mécréants », fiché au FSPRT. Mais toujours sur notre sol, et toujours en liberté. Parce que l’Algérie a refusé 10 fois – 10 fois ! – de le reprendre. Et que la République s’est couchée devant l’Algérie. Parce qu’un tribunal a refusé la prolongation de sa rétention administrative. Et que la République se contente de cet état du droit, sans jamais confronter les juges aux conséquences de leurs décisions, sans que jamais les élus ne modifient les textes qui conduisent à l’absurde. Une fois encore, la République a donc choisi de sacrifier des innocents. Ce n’est pas une fatalité. C’est un choix. Il est grand temps que la France demande des comptes à la République.

Bien sûr, sans surprise aucune – ce qui, en soi, en dit long – les dernières informations confirment qu’à l’image des hordes qui ont violé, torturé, massacré le 7-Octobre, le tueur a hurlé « Allah akbar », « le dieu de l’islam est plus grand que tout ». Ce dieu dont le prophète, d’après l’orthodoxie de sa propre religion, promeut les conversions forcées et la violence contre les apostats (hadiths n°8 et n°14 d’An-Nawawi, par exemple). Ce dieu qui, d’après son propre livre sacré, encourage l’esclavage sexuel des captives de guerre (sourate 4 versets 3 et 24, sourate 2 verset 6, sourate versets 50 et 52, sourate 70 verset 30) et appelle à la lutte armée contre les « mécréants » (sourate 2 versets 191 et 193, sourate 4 versets 71 à 77, 84, 89, 95, sourate 5 verset 33, sourate 8 verset 39, sourate 9 versets 5, 29, 38, 39, 73, ad nauseam)…. Nombre de musulmans, on le sait, valent bien mieux que ces préceptes et n’ont pas du tout en tête de les mettre en pratique – voire, en leur for intérieur, les rejettent. Mais ces préceptes demeurent, protégés dans les courants orthodoxes de l’islam par la sacralité du livre qui les proclame, alors qu’ils devraient être clairement désavoués, et que les versets et hadiths qui les énoncent devraient être explicitement condamnés. Ils demeurent, et leur influence est un poison. Ils demeurent, officiellement réputés d’origine « divine », à la disposition de tous ceux qui veulent s’en servir pour ouvrir les portes de l’horreur.

Messe noire.

« Si les dieux sont mauvais, » écrivait Euripide « alors ce ne sont pas des dieux. »

Aucun commentaire

Laisser un commentaire