Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Le Liban avait connu une guerre civile entre factions d’où l’expression qui en a été tirée de «libanisation» traduisant le désordre général dans les villes, les émeutes et les combats de rues entre clans opposés. La Cisjordanie est sur le point de se libaniser après un échange de tirs fratricide entre police palestinienne et des membres du Hamas. Des affrontements ont opposé les forces de Mahmoud Abbas à des centaines de jeunes palestiniens refusant l’arrestation des terroristes Mos’ab Shtayeh et Amid Tabila, tous deux recherchés par les forces israéliennes. En protestation, ils ont brulé des pneus en caoutchouc et fermé plusieurs rues principales de Naplouse. Quatre jeunes palestiniens ont été blessés, le lundi 19 septembre, à Naplouse, dont un grièvement atteint par les tirs des forces de l’Autorité palestinienne.
Tout a commencé le 19 septembre au soir lorsque les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté un ex-détenu des prisons israéliennes Mos’ab Shtayyeh de Naplouse. Il a été arrêté en même temps que deux autres militants. Les manifestants ont dénoncé ces arrestations : «Nos armes sont dirigées contre l’occupation, alors ne les déviez pas de leur trajectoire». Ils craignent qu’ils soient remis aux forces israéliennes. Le Djihad et le Hamas se sont retrouvés pour condamner l’arrestation de Shtayyeh et Tabila : «Le peuple palestinien et la résistance ne peuvent pas accepter les actes des services de sécurité de l’Autorité palestinienne qui servent l’occupation». Le Hamas a exigé leur libération immédiate : «Alors que l’ennemi continue ses crimes, les arrestations, la judaïsation et la colonisation dans les territoires occupés, l’AP poursuit sa coordination sécuritaire avec l’occupation, en réprimant notre peuple et en en arrêtant les combattants de la résistance».
Les médias israéliens ont salué l’arrestation des deux terroristes : «Le Shin Bet avait auparavant menacé de mort Mos’ab Shtayyeh s’il ne se rendait pas. L’Autorité palestinienne l’a arrêté ce soir. Mos’ab, membre de la branche armée du Hamas, est le recherché numéro un par Israël après la liquidation d’Ibrahim Naboulsi» prouvant ainsi que, quand elles le veulent, les forces palestiniennes peuvent arrêter tout haut responsable de la branche militaire du Hamas.
Un Palestinien a été tué le 20 septembre lors d’affrontements entre les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne et des manifestants à Naplouse, au nord de la Cisjordanie. La victime a été identifiée comme étant Firas Yaish, 53 ans. Les manifestants ont lancé des pierres et divers objets sur la police palestinienne, mais ensuite il y a eu des tirs des deux côtés, et cela a continué pendant plus de 15 heures jusqu’au 20 septembre au matin. Les forces de l’AP ont également arrêté Ameed Tabileh, un militant proche du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), également recherché par Israël. Des centaines de Palestiniens ont participé à des marches sortant des camps de réfugiés de la ville, y compris le camp de Balata, le camp d’al-Ain et le camp d’Askar.
Quatre manifestants palestiniens ont également été blessés, dont Anas Abdel-Fattah, étudiant à l’université al-Najah et ancien détenu dans les prisons israéliennes, qui a été blessé par balle à l’estomac et se trouve dans un état critique. Pour les meneurs palestiniens, le calme ne reviendra pas tant que les autorités n’auront pas libéré les personnes recherchées par Israël. Selon eux, Israël est le seul à bénéficier des événements de Naplouse mais l’AP a déclaré que «Shtayyeh et Tabileh avaient été détenus pour les propres raisons de l’établissement de sécurité qui seront révélées plus tard. Les détenus ne seront exposés à aucun préjudice et les organisations de défense des droits de l’homme seront autorisées à leur rendre visite immédiatement».
Le groupe armé Lion’s Den basé à Naplouse, qui a été fondé après l’assassinat de Nabulsi, a publié plusieurs déclarations appelant à une escalade contre l’Autorité Palestinienne à la suite de l’arrestation de Shtayyeh et à «la persécution par les autorités des Palestiniens figurant sur la liste des personnes recherchées par Israël». Le groupe a menacé que les forces de sécurité de l’AP ne seraient pas autorisées à entrer dans la ville de Naplouse si Shtayyeh n’était pas libéré : «Nous adressons un message urgent aux services de sécurité : les fils de Lion’s Den, et toutes les factions politiques palestiniennes à Naplouse, n’accepteront pas que la personne la plus recherchée par l’occupation israélienne soit détenue dans les prisons de l’AP».
Mohamed Dahlan, l’ancien chef des services de sécurité de Yasser Arafat, contraint à l’exil par Abbas, attend lui-aussi son heure en préparant ses troupes qui lui sont restées fidèles mais il n’estime pas le moment venu car Mahmoud Abbas n’a pas libéré son poste. On dit le président de l’AP malade, affaibli et au chapitre de la mort mais il se pavane à New York au siège de l’ONU.
En fait, les véritables causes de ces émeutes sont à voir ailleurs. Le Hamas va continuer à chauffer les esprits car son objectif réel est la chute du président Mahmoud Abbas et de son régime et la prise du pouvoir en Cisjordanie. D’ailleurs, un haut responsable du Fatah a été enlevé sur fond de guerre de succession. Le chef de cabinet du général de division Tawfiq Al-Tirawi, membre du Comité central du Fatah, a été enlevé par un groupe inconnu, dans le cadre de différends entre les différentes ailes de l’AP, représentées par Hussein Al-Sheikh d’un côté et Al-Tirawi de l’autre. La présidence de Mahmoud Abbas est très convoitée.
Selon des informations sécuritaires, un plan dirigé par le secrétaire du Comité exécutif de l’OLP, Hussein Al-Sheikh, a été établi pour écarter du Comité central du Fatah, Tawfiq Al-Tirawi, qui est considéré comme un candidat possible pour succéder à Abbas. La lutte pour le pouvoir avec pour conséquence la guerre entre factions palestiniennes est enclenchée avec le risque d’une libanisation de la Cisjordanie.