Entendu ce matin [NDLR : 20 novembre 2023] sur France Culture, au micro de Guillaume Erner, la prix Nobel d’économie Esther Duflo, proférer les paroles suivantes: “En plus d’être d’une insoutenable violence physique, la guerre entre Israël et le Hamas est aussi d’une incroyable violence verbale… Ainsi, le ministre de la Défense, Yoav Galant, parle d’un ‘combat contre des bêtes humaines’. En reprenant le verset biblique sur le massacre des Akamélites (sic) par le roi Saul, ‘Vous devez vous souvenir de ce qu’Amalek vous a fait’, Benjamin Netanyahou encourage implicitement le massacre de tout un peuple, hommes, femmes et enfants…”
Cette accusation est d’autant plus grave que, comme l’a montré l’historien de l’antisémitisme Pierre-André Taguieff, le mythe du “génocide du peuple palestinien” s’inscrit dans le droit fil de l’accusation de crime rituel, qu’il reprend à son compte et auquel il donne des formes nouvelles (*). Il est évidemment regrettable que les propos scandaleux d’Esther Duflo n’aient pas été relevés et contredits par Guillaume Erner, qui les a pris pour argent comptant.
Cerise sur le gâteau : cette émission est un podcast régulier de Mme Duflo sur France-Culture, qui la présente dans ces termes flatteurs: “l’économiste et professeure au Collège de France Esther Duflo, qui a reçu le Prix Nobel en 2019 (…) aborde avec pédagogie une question qui fait l’actualité”.
Si Esther Duflo connaissait un tant soit peu la Bible et l’histoire juive, elle saurait que le verset biblique en question n’est nullement un appel au génocide, mais une injonction à se souvenir du mal que nos ennemis nous ont fait. Injonction d’actualité, au lendemain du massacre commis par le Hamas, dont Israël avait cru – erreur tragique – qu’on pouvait l’amadouer avec de l’argent qatari…
Les propos scandaleux de Mme Duflo montrent au moins deux choses. La première, c’est qu’on peut enseigner au Collège de France et avoir reçu un Prix Nobel d’économie, tout en étant d’une ignorance totale sur le sujet du judaïsme et en colportant d’anciens préjugés antijuifs séculaires concernant Israël. La seconde, c’est qu’il est de bon ton sur la radio publique française aujourd’hui de renvoyer dos-à-dos le Hamas et Israël, au nom d’un pacifisme et d’un “refus de choisir son camp” qui a toujours fait le lit des régimes totalitaires.
P. Lurçat
(*) Je renvoie à mon cours sur le “Mythe du génocide du peuple palestinien”, donné dans le cadre de l’université populaire du judaïsme et publié sur Akadem et repris dans mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. de l’éléphant 2021.