Le désengagement progressif des forces américaines présentes en Syrie depuis près d’une décennie relance les inquiétudes d’Israël, qui redoute qu’un vide sécuritaire ne vienne bouleverser l’équilibre stratégique régional. Si les États-Unis confirment ce retrait partiel, les répercussions pourraient être significatives, bien au-delà du simple redéploiement de troupes.
Pour Israël, la présence américaine en Syrie n’a jamais été liée uniquement à la lutte contre l’État islamique (EI), bien qu’il s’agisse de la justification officielle. Elle constituait aussi une force de dissuasion contre l’influence croissante de l’Iran et de la Russie dans la région. La simple présence des troupes américaines contribuait à empêcher la militarisation d’une zone stratégique proche du plateau du Golan, une frontière hautement sensible pour l’État hébreu.
L’est de la Syrie, notamment la région située à l’est de l’Euphrate, est actuellement contrôlé par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition dominée par les Kurdes mais incluant aussi des éléments arabes et chrétiens. Les FDS ont été des alliés-clés des États-Unis dans la lutte contre Daech. Pourtant, la Turquie les considère comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu’elle qualifie de groupe terroriste.
Par ailleurs, les troupes américaines sont également déployées dans le sud du pays, près de la frontière jordanienne, à al-Tanf. Cette position stratégique permettait de surveiller les mouvements potentiellement liés à l’Iran dans la région. Pourtant, même si la mission officielle américaine reste la lutte contre l’EI, la présence à al-Tanf offrait une capacité indirecte de contrôle et de dissuasion.
Le tableau change aujourd’hui. Un accord signé le 10 mars entre le commandant des FDS, Mazloum Abdi, et le président syrien Ahmed al-Sharaa prévoit l’intégration progressive des FDS dans les forces de sécurité syriennes. Ce rapprochement, soutenu discrètement par les États-Unis, marque une évolution majeure. Il pourrait permettre à Damas de récupérer une force militaire aguerrie de près de 50 000 hommes, formée par l’armée américaine, renforçant ainsi le pouvoir central.
Mais aujourd’hui, ce n’est plus l’Iran qui inquiète le plus Israël dans le dossier syrien : c’est la Turquie. L’activisme d’Ankara, son opposition affichée aux FDS et sa volonté de jouer un rôle régional accru en Syrie en font désormais un acteur imprévisible aux yeux de l’État hébreu. La rivalité diplomatique persistante entre Israël et la Turquie alimente cette préoccupation, même si l’ancien président Trump avait évoqué la possibilité d’un accord entre les deux pays.
La crainte d’Israël réside dans le fait que le retrait américain crée un vide sécuritaire que d’autres puissances — notamment Ankara — pourraient exploiter, au détriment de ses intérêts stratégiques. Bien que les États-Unis n’aient jamais promis une présence indéfinie en Syrie, leur retrait, même partiel, modifie la donne.
Ainsi, plus que la question du retrait en soi, c’est celle des équilibres régionaux qui préoccupe Israël : qui occupera l’espace laissé vacant, et avec quelles intentions ? Les prochaines étapes du redéploiement américain seront donc scrutées de près à Jérusalem.
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