Harvard refuse de céder à Trump

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L’université Harvard, bastion de l’élite intellectuelle américaine, se retrouve au cœur d’une controverse majeure opposant son administration à celle de l’ancien président Donald Trump. La cause ? Un bras de fer idéologique autour de la lutte contre l’antisémitisme sur les campus et des politiques liées à la diversité, l’équité et l’inclusion (connues sous l’acronyme DEI).

Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas contre Israël, les actes d’intimidation et de haine visant les étudiants juifs ont fortement augmenté dans plusieurs établissements américains. Face à ce phénomène, l’administration Trump a lancé un ultimatum : les universités recevant des fonds publics devront prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l’antisémitisme. À défaut, elles s’exposeraient à une suspension de leur financement fédéral.

Harvard, dont la dotation financière atteint 53,2 milliards de dollars, perçoit chaque année près de 9 milliards du gouvernement. Pourtant, son président par intérim, Alan M. Garber, a affirmé dans une lettre adressée aux autorités fédérales que l’établissement n’avait pas l’intention de se plier à ces exigences. Une prise de position saluée par nombre de figures progressistes, y compris l’ancien président Barack Obama, qui a présenté cette décision comme une défense de l’autonomie universitaire et de la liberté académique.

Mais derrière cette façade de défense des principes se cache une réalité plus préoccupante. Harvard, ainsi que d’autres institutions comme Columbia ou Princeton, est accusée de fermer les yeux sur la prolifération de discours antisémites sur ses campus, souvent portés par des groupes propalestiniens radicalisés. Plusieurs de ces groupes, pro-Hamas, ont été autorisés à se réunir librement, parfois même à visage couvert, sans réaction ferme de l’administration.

Les critiques reprochent à ces universités leur attachement indéfectible aux politiques DEI, qui selon eux instaurent une vision dogmatique du monde universitaire, excluant les voix conservatrices et marginalisant les partisans d’Israël. Ils dénoncent également l’inaction face aux appels à la violence ou aux intimidations contre les étudiants juifs, là où des comportements similaires envers d’autres minorités auraient conduit à des sanctions immédiates.

Ce refus de conformité à l’ultimatum fédéral est présenté, dans les cercles progressistes, comme un acte de résistance face à une ingérence jugée autoritaire. Pourtant, la législation fédérale – notamment le Titre VI du Civil Rights Act de 1964 – interdit toute discrimination raciale dans les établissements bénéficiant d’aides publiques, ce qui inclut les actes antisémites. Toutes les administrations, y compris celle de Biden, reconnaissent d’ailleurs que les Juifs sont protégés par cette loi.

La question posée est donc moins juridique que politique. Harvard, et d’autres établissements similaires, apparaissent de plus en plus comme des bastions idéologiques où la pensée critique se retrouve corsetée par une orthodoxie progressiste. Les politiques de discrimination positive, l’influence de fonds étrangers comme ceux du Qatar dans certains départements, et la marginalisation des voix dissidentes, notamment pro-israéliennes ou conservatrices, dessinent un paysage universitaire polarisé.

Certains observateurs, comme la chroniqueuse Heather Mac Donald, vont plus loin en affirmant que les politiques DEI contribuent à affaiblir la rigueur académique, notamment dans les domaines scientifiques. Selon elle, ces pratiques menacent à long terme la qualité de la recherche et des soins de santé, bien plus que l’éventuelle perte de financement évoquée par l’administration Trump.

Ce climat idéologique contribue également à un déséquilibre profond dans le milieu universitaire américain. Le corps enseignant des grandes universités est aujourd’hui largement dominé par des opinions progressistes, rendant difficile la carrière de ceux qui osent exprimer des vues alternatives, qu’elles soient conservatrices, sionistes ou simplement critiques des dogmes dominants.

Face à ce contexte, les universités comme Harvard se retrouvent à devoir choisir : préserver leur financement public en réformant certaines pratiques, ou maintenir leur ligne idéologique actuelle, au risque de lourdes pertes financières. Jusqu’à présent, Harvard semble prête à assumer ce dernier choix.

Il est à noter que cette controverse dépasse les simples questions de gestion universitaire. Elle illustre un affrontement profond entre deux visions de la société : d’un côté, une volonté politique de mettre fin à la tolérance de certains discours haineux ; de l’autre, une défense intransigeante de la liberté académique telle que redéfinie par les élites progressistes.

Dans ce contexte, l’attitude de Harvard est perçue par ses défenseurs comme un exemple de courage intellectuel, tandis que ses détracteurs y voient une dangereuse complaisance face à l’antisémitisme moderne. Quoi qu’il en soit, cette affaire pourrait bien marquer un tournant dans les relations entre le pouvoir politique et les institutions universitaires aux États-Unis.

Jforum.fr

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