Glissement sémantique: Le Monde fait franchir la ligne verte aux «colons»

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Israeli police seen on the streets of the central Israeli city of Lod, where last night synaogues and cars were torched as well as shops damaged, by Arab residents rioted in the city, and ongoing this evening. May 12, 2021. Photo by Yossi Aloni/Flash90 *** Local Caption *** ?????? ??? ???? ????? ???

Par InfoEquitable

Innovation notable observée lors du récent accès de violences qui a agité les villes à population mixte, le journal a utilisé le terme de « colons » pour des Juifs habitant dans les frontières internationalement reconnues de l’Etat d’Israël.

Le conflit qui vient d’opposer Israël aux islamistes de Gaza et ses répercussions ont donné lieu à nombre de représentations biaisées dans la presse. Celle-ci a par exemple lourdement insisté sans les analyser sur les bilans de victimes de Gaza fournis par le Hamas, qui amalgamaient ses miliciens avec des civils et enfants pour beaucoup victimes de ses propres tirs ratés ou ayant servi de boucliers humains. C’est dans la droite ligne de ce qui avait déjà été observé lors des « rounds » précédents.

On a pu remarquer aussi l’attention démesurée donnée à ce qu’Israël a dénommé « l’opération Gardien des remparts » par certains médias. Le Monde a été emblématique à ce sujet, le quotidien ayant consacré pas moins de six Unes consécutives en autant de numéros à Gaza.

Mais tout cela était « attendu », ces comportements ayant été largement observés lors des conflits précédents.

Un usage établi

Au delà de ces approches médiatiques qui ne nous surprennent plus, il y a eu au moins une innovation lexicale notable, sur laquelle nous désirons attirer ici l’attention.

C’est une convention universellement adoptée dans les médias français : les deux peuples, Juifs et Arabes, qui cohabitent sur l’ancien territoire de la Palestine mandataire britannique sont désignés différemment selon leur situation par rapport à la ligne verte, tracée lors de l’armistice de 1949 entre Israël et les pays arabes. Cette ligne délimite d’un côté les frontières internationalement reconnues d’Israël, de l’autre, la Cisjordanie (Judée Samarie).

L’habitude a été prise de désigner les Arabes de Cisjordanie comme des Palestiniens. Cette appellation n’est pas ancienne (ces Arabes ne s’appelaient pas ainsi historiquement et font partie du même peuple que leurs voisins de Jordanie et d’Israël par exemple). Mais les Palestiniens vivent sous un régime spécifique et le monde entier a adopté cette désignation.

Aux côtés des Palestiniens vivent des Juifs. Eux n’ont pas le même traitement. Aux yeux de la presse, les Juifs qui vivent en Cisjordanie exerceraient une occupation illégitime sur un territoire appartenant aux Palestiniens. Ce n’est pas exact si l’on considère que les accords d’Oslo ont permis à Israël d’administrer la zone C où vivent ces populations juives, mais c’est ainsi : les Juifs de Cisjordanie sont appelés des colons

Palestiniens vs colons : les mettre face à face démontre bien le parti pris de cette convention lexicale. Les Palestiniens sont érigés en tant que peuple et entité légitime; les colons, eux, sont déshumanisés, privés de leur identité en tant que peuple, et réduits à une nature d’usurpateurs (c’est plus vrai encore en France, où le vocable colon renvoie au passé colonial mal assumé de la France en Algérie notamment, là où le terme anglais settler ne véhicule pas tout à fait le même bagage).

Innovation sémantique

Cet usage sémantique était jusqu’à présent réservé aux habitants de Cisjordanie, territoire disputé que médias et gouvernement européens veulent considérer comme occupé. Par extension, on retrouve cet usage pour les habitants de Jérusalem-Est, partie de la ville également située au-delà de la ligne verte et que médias et gouvernements aimeraient voir arrachée à Israël pour constituer une éventuelle capitale d’un Etat palestinien.

En revanche, à l’intérieur de la ligne verte, dans les frontières de l’Etat d’Israël internationalement reconnues, la donne a jusqu’à présent été différente.

Les Juifs y sont nommés comme tels – ou simplement appelés Israéliens, compte tenu du fait que la majorité des habitants appartient à ce peuple.

La convention qui prévalait jusqu’à présent était que les Arabes résidant à Jaffa ou à Nazareth, eux, étaient appelés des Arabes israéliens. Cette désignation décrivait bien leur appartenance à un peuple et leur nationalité.

Le Monde a décidé de bouleverser cela.

Au moment où le Hamas lançait son offensive contre les civils israéliens en les arrosant de roquettes, les villes israéliennes où cohabitent des populations juives et arabes ont connu des émeutes anti-juives qui ont été qualifiées de pogromes par le président israélien Reuven Rivlin, plutôt connu comme un avocat de la coexistence. Des synagogues ont été brûlées, des Juifs ont été attaqués avec une violence qui a été jusqu’à causer la mort d’un homme touché à la tête par une pierre et battu par la foule.

Le Monde a alors publié un article sur l’embrasement des « villes palestiniennes d’Israël ».

C’était la toute première fois qu’une telle expression paraissait dans une grand journal en français.

Or Lod, la ville où ont eu lieu les plus violentes émeutes, située aux environs de l’aéroport de Ben Gourion près de Tel Aviv en plein centre du pays, est peuplée à environ 30% d’Arabes. Le reste des habitants, 70%, sont juifs. C’est donc une ville israélienne comme une autre, juive, avec une importante minorité arabe. Lod et les autres villes dites « mixtes » où se sont produites les violences – Haïfa, Akko ou encore Jaffa – ne sont pas des villes arabes. Elles ne sont a fortiori pas palestiniennes non plus.

L’expression a bien entendu une connotation. La presse décrit constamment les Palestiniens (de Cisjordanie) comme opprimés par l’occupation israélienne. On peut donc voir dans la palestinisation de villes israéliennes une forme de justification des violences anti-juives, voire même un appel à une sédition interne, les « Palestiniens » méritant implicitement de s’émanciper des Juifs.

Si le terme n’avait jamais été appliqué à une ville entière du pays, il était déjà arrivé de voir les Arabes israéliens appelés « Palestiniens » dans certains journaux, parfois même dans Le Monde. Après tout, ils sont issus du même peuple que leurs voisins de Cisjordanie.

Mais dans les jours qui ont suivi, Le Monde a publié plusieurs articles dans lesquels il recourrait à ce vocabulaire. Ce n’était peut-être pas fortuit.

Car c’est là que le quotidien a franchi l’étape suivante.

Le lendemain de son article sur les « villes palestiniennes d’Israël »,  le correspondant du journal, Louis Imbert, a publié une longue enquête sur les violences inter-ethniques dans la ville de Lod (notre photo), dont il attribuait la responsabilité à des Juifs radicaux tout en absolvant largement les émeutiers arabes.

Ces Juifs, Louis Imbert les désigne alors comme des « colons ».

C’est fait par l’entremise d’un habitant arabe interviewé :

Depuis cinq ans, Ahmad voit affluer de nouveaux habitants juifs dans son quartier. « Des colons ! », dit-il. Les mêmes qu’en Cisjordanie occupée, dans ce pays, Israël, dont il est citoyen, tout comme son père et son grand-père. Sa famille n’a pas quitté Lod durant la guerre de 1948, à l’image des Palestiniens et de leurs descendants qui composent 30 % de la population de la ville actuelle et 20 % des habitants d’Israël.

Les légendes des photos de l’article montrent aussi des Palestiniens cernés par des colons.

Le journaliste donne aussi la parole à une jeune mère de famille juive :

Elle appartient à un garin toranim (littéralement « graine de la Torah »), un noyau de familles qui s’est implanté ici à l’époque des accords d’Oslo, dans les années 1990, dans le but de judaïser les villes mixtes du pays.

Les colons de Lod voudraient donc judaïser la ville, ce qui ne peut se comprendre que comme une volonté de remplacer les Palestiniens

Mais qui donc a déjà entendu parler des Gar’in torani ? Pas nous. Alors, nous avons fait quelques recherches et sommes rapidement tombés sur une page que Wikipedia leur consacre. Le groupe y est décrit comme raciste et violent.

Seulement, cette description basée sur un article en hébreu écrit le 12 mai par Oren Ziv, un activiste « anti-colonisation », a été ajoutée dans Wikipédia… le 13 mai, jour de la parution de l’article du Monde ! Voilà qui a tout l’air d’une campagne de dénigrement.

Le Times of Israel, lui, avait justement publié un long article sur les Gar’in Torani de Lod en janvier dernier. A la lecture de ce texte, le groupe a surtout l’air de se soucier de « ramener les autres Juifs à la religion », plutôt que de chasser les Arabes. Si « judaïsation » il y a, elle concerne les Juifs eux-mêmes…

Un autre indice tend à démontrer que l’on a assisté là à une campagne de dénigrement contre Israël.

En même temps que Le Monde, son pendant américain le New York Times a procédé exactement à la même manipulation, comme l’a relevé cette analyse de CAMERA.

Le quotidien new-yorkais a parlé de « colonisation interne juive en Israël ».

C’est ainsi que commence à être délégitimée la présence juive à l’intérieur même de l’Etat juif – et que la violence arabe s’en trouve « justifiée ».

En faisant franchir la ligne verte aux « colons » et aux « Palestiniens », Le Monde s’inscrit toujours plus dans une ligne anti-israélienne (voire antisioniste ?). Si un Juif ne peut plus légitimement habiter où bon lui semble dans les frontières internationalement reconnues d’Israël, est-ce à dire que la souveraineté du peuple juif sur ce pays devrait être remise en question ? Quelle sera la prochaine étape ?

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