Gaza, Liban, « un rêve suicidaire » pour les Palestiniens

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Quand les rêveurs arabes affrontent la réalité, ils préfèrent la travestir, pour ne pas ouvrir les yeux. Cela fait un siècle qu’ils sont dans le déni et espèrent dans ceux qui les ont trahis pour continuer à y croire, au prix de leur suicide.

Le silence des pays arabes sur Gaza et le Liban, une « nouvelle Nakba » pour les Palestiniens
Après un an de guerre à Gaza et un conflit qui s’étend désormais au Liban voisin, les pays arabes restent peu enclins à condamner Israël ou exiger un cessez-le-feu. Une situation qui reflète la complexité des relations des pays du Golfe avec l’État hébreu, vécue comme une trahison par de nombreux Palestiniens.

Ce n’est pas nouveau, et il n’y a pas lieu de s’en étonner. La plupart des Arabes se fichent de « leurs frères » vivant à Gaza ou en Judée Samarie, comme ils se fichent des arabes qu’ils ont parqués dans des camps dits palestiniens dans l’espoir un jour qu’ils partiront ailleurs. Ils leur ont fait miroiter un retour en Israël en sachant bien que cela ne se fera jamais. Il n’y a que les idiots utiles de la gauche radicale qui croient à l’établissement d’un état arabe de la rive à la mer, qui pour l’instant est juif, et le restera pour l’éternité.

Illustration : Les Palestiniens se rassemblent dans la rue pour regarder les destructions suite à une opération de l’armée israélienne dans le quartier Zeitoun de la ville de Gaza, jeudi 13 mai 2004. © Associated Press – Hatem MOUSSA

« La Palestine » n’a pas connu un tel silence depuis les années de la Nakba [la catastrophe, la création de l’État d’Israël en 1948]. Nous vivons une nouvelle Nakba mais avec le consentement des Arabes ». Les mots sont durs. Le constat, sans appel. Pour Marwan, journaliste en Cisjordanie ayant requis l’anonymat pour des raisons de sécurité, le silence des pays arabes est de plus en plus assourdissant. « Au niveau politique, ils ne soutiennent pas l’application des résolutions internationales, ni même les résolutions prises lors des sommets arabes. Pour eux, la cause palestinienne qu’un slogan ».

Alors que la guerre ravage la bande de Gaza depuis plus d’un an et qu’elle s’est désormais propagée au Liban voisin, les pays arabes brillent par leur quasi-absence. Même les frappes israéliennes sur l’Iran, samedi 26 octobre, ont à peine poussé les pays du Golfe à balbutier une condamnation. Du bout des lèvres.

« Le royaume d’Arabie saoudite condamne » les frappes israéliennes en Iran et réitère sa « position ferme de rejet de l’escalade du conflit dans la région », qui « menace la sécurité et la stabilité des pays et des peuples » au Moyen-Orient, a indiqué le ministère des Affaires étrangères sur le réseau social X. Les Émirats arabes unis et le sultanat d’Oman, qui entretient des relations étroites avec l’Iran, ont fait écho à cette déclaration.

« Jusqu’au 7 octobre [2023 et les attaques meurtrières du Hamas sur le sol israélien, NDLR], l’Arabie saoudite avait une politique fondée d’abord sur ses intérêts économiques et ses ambitions régionales, rappelle Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherches et d’études sur le Moyen-Orient (iReMMO). Alors que le royaume espérait signer les accords d’Abraham avec Israël pour des raisons économiques, commerciales et sécuritaires, tout a volé en éclats ».

Si la Jordanie a signé un accord de paix avec Israël en 1994, il a fallu attendre de nombreuses années pour voir les pays arabes changer de paradigme vis-à-vis de l’État hébreu. En 2020, poussés par Donald Trump, les Émirats arabes unis, le Maroc, le Soudan et Bahreïn paraphent les accord d’Abraham, reconnaissant Israël comme un État souverain et initiant des relations diplomatiques avec Tel Aviv. D’autres comme l’Arabie saoudite, le Koweït et Oman s’apprêtaient à le faire lorsque le Hamas a lancé ses attaques sans précédent dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.

« Aujourd’hui, il y a un gouffre entre les opinions publiques arabes et les gouvernants, souligne Karim Émile Bitar, professeur à l’Université St-Joseph de Beyrouth et chercheur associé à l’Iris. Les opinions publiques sont dans leur écrasante majorité des soutiens de la question palestinienne ». C’est du moins ce que l’on veut nous faire croire. La réalité est différente. La rue arabe n’est pas prête à faire un quelconque sacrifice pour ceux qu’elle considère comme des parasites, vivant de l’aide internationale, et recevant des milliards de dollars de l’ONU et de l’UNRWA. Elle sympathise de manière cosmétique avec la souffrance des populations civiles libanaises et palestiniennes. En revanche, la grande majorité des leaders autoritaires de la région, directement inféodés aux États-Unis, doivent prendre en compte les considérations américaines car Washington assure leur maintien au pouvoir en leur apportant un soutien économique, militaire et politique. »

C’est le cas de l’Arabie saoudite. « Elle ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé et elle doit prendre en compte son opinion publique, rappelle Jean-Paul Chagnollaud. D’où sa position qui consiste désormais à dire qu’elle ne signera rien sans la création d’un État palestinien ». Mohammed ben Salmane, le prince héritier et Premier ministre saoudien, « n’a pas d’affinité particulière avec la question palestinienne mais sa très jeune opinion publique suit quotidiennement sur les réseaux sociaux les carnages en Palestine et au Liban, ajoute Karim Émile Bitar. Il ne pourra pas poursuivre ce processus de normalisation tant qu’il n’aura pas obtenu des États-Unis des garanties quant à la création d’un État palestinien. »

Ce discours était aussi celui des gouvernants égyptiens, jordaniens et ceux des Emirats. Ils se sont tous pourtant assis dessus. Il n’y a que des intellectuels qui vivent de ce conflit, et qui continuent de propager des analyses qui n’ont aucun sens.

Un message martelé de nouveau le 18 septembre par le dirigeant de facto du royaume devant le conseil de la Choura, l’assemblée chargée de conseiller le gouvernement saoudien. « Le royaume ne cessera pas son travail inlassable en vue de l’établissement d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale, et nous affirmons que le royaume n’établira pas de relations diplomatiques avec Israël sans cela. »

Une posture, selon Marwan. « Les Palestiniens ne croient plus l’Arabie saoudite. Elle poursuit ses propres intérêts et s’ouvre à l’Occident. Dans la région, c’est le pays qui a le plus aidé à soutenir Israël, car c’est l’enfant gâté de l’Amérique. Comment voulez-vous que nous attendions une aide de la part des Saoudiens quand ils ont donné des centaines de milliards de dollars à l’ex-président américain Trump pour qu’il les protège ? Comment un pays qui ne peut pas se protéger seul pourrait-il protéger le peuple de Palestine ? », ironise le journaliste.

« Le sort du Hamas n’est pas un problème »

Pour ce qui est des autres voisins arabes, les positionnements diffèrent. L’Égypte reste très réservée. Ses liens avec le Hamas sont anciens car le mouvement palestinien est une émanation des Frères musulmans, confrérie sunnite née sur le sol égyptien en 1928. En 2013, l’arrivée au pouvoir du maréchal Abdel Fattah al-Sissi après un coup d’État contre le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, marque un tournant. Progressivement, la répression s’abat sur la confrérie.

« Abdel Fattah al-Sissi a toujours été en affrontement direct avec les Frères musulmans, donc avec le Hamas. Le sort du Hamas n’est pas donc pas véritablement un problème pour l’Égypte, explique Jean-Paul Chagnollaud. Reste que les Israéliens sont allés très loin, notamment avec le corridor de Philadelphie ». Mais l’Egypte a laissé faire pour se débarrasser du Hamas, et de tous ces criminels.

Cette zone tampon entre l’Égypte et la bande de Gaza, démilitarisée au moment du retrait israélien de l’enclave en 2005 et connue pour abriter de nombreux tunnels, est sous le contrôle de l’armée israélienne depuis mai 2024. Le Caire a fait savoir que le maintien des troupes israéliennes dans le couloir de Philadelphie serait une « menace de violation du traité » de paix israélo-égyptien signé en 1979 sous l’égide des États-Unis. « La marge de manœuvre de l’Égypte est très limitée. En dehors du rôle important de médiateur, elle ne peut pas faire grand-chose. »

L’Irak ? Il abrite près de 2 500 soldats américains qui combattent l’organisation jihadiste État islamique (EI) et de nombreuses milices chiites à la solde de l’Iran. Sa principale préoccupation est de rester à l’écart du conflit. La Syrie ? « Elle n’existe plus en tant qu’État », note Jean-Paul Chagnollaud, en référence à la décennie de guerre civile qui a rendu le pays exsangue. Du côté du Maghreb, le Maroc est en « pleine contradiction. Le pays qui a signé les accords d’Abraham avec Israël ne peut pas ne pas soutenir les Palestiniens en raison de son opinion publique ». Des manifestations propalestiniennes et contre la normalisation avec Israël sont régulièrement organisées à travers le royaume.

« L’Algérie est le seul pays qui soutient encore verbalement la Palestine dans tous les domaines », souligne Marwan. Dès le 9 octobre 2023, le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé la solidarité « avec le peuple palestinien frère ». En 2022, l’Algérie était parvenue à faire signer la Déclaration d’Alger aux différentes factions palestiniennes afin de les réconcilier. Depuis un an, Alger multiplie les initiatives comme la présentation d’un texte au Conseil de sécurité de l’ONU pour exiger un cessez-le-feu immédiat. « L’Algérie veut retrouver son passé diplomatique, explique Jean-Paul Chagnollaud. Elle a joué un rôle majeur lorsqu’elle était auréolée de sa révolution réussie, de son indépendance. Pendant des années, elle a été un phare révolutionnaire. C’est là que les premiers militants du Fatah ont été formés dans les années 1963-64. Aujourd’hui, elle continue d’apporter un soutien très fort aux Palestiniens mais elle reste loin du Moyen-Orient. Elle ne peut que tenter d’agir aux Nations-Unies. »

Reste la Jordanie. Lié très fortement à la question palestinienne, le royaume hachémite occupe une place à part parmi ses frères arabes. « Ses positions diplomatiques sont assez claires, souligne le directeur de l’IreMMo. Il en va des propres intérêts du régime car pour beaucoup d’Israéliens de droite, l’État palestinien existe déjà en Jordanie. Le royaume craint qu’il y ait un nouvel afflux de réfugiés sur son territoire. Le roi Abdallah II a fait plusieurs démarches aux États-Unis, aux Nations-Unies, notamment avec la France pour obtenir un cessez-le-feu. »

« L’Arabie saoudite déteste le Hamas »

Reste que la perspective de l’anéantissement du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais fait aussi les affaires de certains. « Nombre d’États arabes [sunnites] sont discrètement contents de voir que le Hezbollah, principal proxy de l’Iran [chiite], est affaibli, rappelle Jean-Paul Chagnollaud. L’Arabie saoudite déteste le Hamas mais tout autant le Hezbollah. Qu’il soit affaibli fait aussi les affaires des pays du Golfe. »

Une réalité difficilement audible pour les Palestiniens. « Les pays arabes veulent couper les liens avec la Palestine parce qu’ils considèrent que le Hamas a commis une action terroriste le 7-Octobre. Mais le ‘martyre’ de 45 000 personnes à Gaza, les centaines de personnes tuées en Cisjordanie, n’est-ce pas du terrorisme ? », interroge Marwan. Il est possible de dire que c’est n’est pas du terrorisme, qu’un Etat défende ses citoyens contre des barbares qui déclarent clairement leurs intentions haut et fort. Les Palestiniens croient toujours en ceux qui défendent leur terre [les combattants] et ils n’ont aucune confiance dans les gouvernements arabes. Ils considèrent ce qui se passe comme une trahison arabe. » Mais il faut ajouter que les excellents résultats de ces « combattants » ont simplement et purement ruiné et Gaza et le Liban, et que ne rien faire aurait été plus salutaire que la désolation actuelle, qui n’est rien d’autre qu’un suicide collectif.

« Où sont les Arabes, où sont les musulmans »

Un sentiment d’abandon qui n’empêche pas les Palestiniens d’être solidaires des Libanais. « Ce qui se passe en Palestine et au Liban est interconnecté. Le fait que le Liban n’ait pas de traité de paix avec Israël en fait un danger, d’autant plus qu’il se trouve directement à sa frontière », insiste Marwan, rappelant que les pays arabes ne savent que condamner et ‘dénoncer fermement’. Le silence d’un pays musulman ou arabe tue bien plus que les opérations militaires [israéliennes]. Ils entendent les cris des Palestiniens. Où sont les Arabes, où sont les musulmans ? Ils ne bougeront pas même si Al-Aqsa [la plus grande mosquée de Jérusalem et troisième lieu saint de l’islam, NDLR] est détruite ».

Cela fait un siècle que cette analyse est claire aux yeux des personnes censées. Mais l’antisémitisme et l’ignorance aveuglent la plupart des personnes qui se rattachent la solution à deux Etats, qui est en fait la solution à quatre Etats : d’Israël, de Jordanie, de Gaza, et de Judée-Samarie, ce qui ne se fera jamais.

France 24 corrigé JForum.fr

 

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