Gaza, drôle de prison à ciel ouvert

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

          Il est certain que lorsqu’Israël bombarde en représailles Gaza, il ne vise que les vieilles pierres et les sites militaires souvent abandonnés par le Hamas. Il ne cherche pas à réduire en cendres ce qui sert à la vie de tous les jours mais plutôt à lancer des mises en garde pour faire cesser les attaques de ballons enflammés et de roquettes. Quand on se penche de plus près, Gaza n’est pas la prison à ciel ouvert que les médias étrangers décrivent sans l’avoir visité ou alors le lieu de la plus grande tromperie.

            Les Gazaouis ne sont pas résignés et au contraire investissent pour un avenir qu’ils espèrent pacifique et axé sur le tourisme. Certains n’hésitent à croire qu’ils peuvent rivaliser avec Israël grâce à des plages de sable fin restées sauvages, à des balbutiements d’hôtellerie et un passé antique. Mais l’objectif actuel consiste à développer les sites archéologiques découverts à la suite de fouilles. Un premier plan quinquennal a été établi de 1995 à 2000, et un chantier-école a été organisé à partir de juillet 1995 qui a permis la découverte des byzantins : Mukheitim (Jabalia), Abassan el-Kebir et Abu Barake avec une exposition archéologique à l’Institut du Monde Arabe à Paris. De 2002 à 2007, le second plan quinquennal a développé l’exploration de la ville-basse (quartier hellénistique) et la première restauration de Mukheitim. Tout s’était arrêté en 2005 après le conflit avec Israël pour reprendre en 2012 avec une campagne de sauvetage du site.

            Il semble que le Hamas ne mise plus sur la guerre qu’il ne pourra jamais remporter. Alors il laisse les entreprises locales prendre en main le tourisme afin de développer à terme le tourisme étranger qu’Israël encourage des deux mains car il mettrait un terme à la situation de guerre. Le ministère palestinien du Tourisme s’emploie à encourager le tourisme en formant des spécialistes pour faire connaitre les trésors archéologiques nationaux. Il s’agit d’un vivier d’emplois pour réduite le taux de chômage. Les quatre guerres avec Israël de 2008, 2012, 2014 et 2021 ont définitivement privé Gaza de ressources touristiques.

            On ignore souvent que la bande de Gaza, à l’instar de la Cisjordanie, dispose d’une histoire qui s’étend sur 4.000 ans. Les nombreux monuments romains et byzantins font foi à savoir l’église byzantine, l’église St-Porphyre et la grande mosquée Omari datant de la période médiévale. Par ailleurs plus récemment, en plus du cimetière de guerre du Commonwealth, le Palais du Pacha (notre photo) et le Hammam Al-Samra sont des monuments.

            Lors de la construction d’un grand centre commercial, les ouvriers ont découvert les vestiges d’une église byzantine datant du IVe ou du Ve siècle de l’ère actuelle. Le Patriarcat latin de Jérusalem a lancé un appel à l’UNESCO pour préserver ce qui fait partie intégrante de Gaza. Le 2 avril 2016, des sections de piliers en marbre avec des chapiteaux corinthiens ornés et une pierre de fondation de 90 cm, gravée d’une croix grecque encerclée ont été mis à jour dans ce qui pourrait être une cathédrale ou une église de la période byzantine.

Mme Hiam Al-Bitar, directrice des musées et des antiquités au ministère du Tourisme de Gaza, estime qu’il faut dépasser les divergences politiques. Gaza est le lieu de naissance de St Hilarion, le père fondateur du monachisme palestinien, qui a construit le premier monastère en Palestine entre Maimaus et Gaza en 329 de l’ère actuelle. Aujourd’hui, l’emplacement est connu sous le nom de Tell Im-Amer au sud-ouest du camp de réfugiés de Nuseirat. Le monastère, qui est dans un état critique, risque de disparaître faute de moyens financiers. Dix monastères à Gaza remontent à la période byzantine mais les habitants de Gaza ont utilisé ces sites comme source de pierres de construction.

Si Gaza s’oriente vers la paix, il est certain qu’il recevra beaucoup d’aide des amoureux des vielles pierres. Il semble que certains dirigeants veuillent encourager le tourisme qui est l’une des sources les plus importantes de revenu national pour l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et le Liban.

Par ailleurs, le Hamas continue à se lamenter sur la pauvreté et la misère qui règne dans la bande et sur les énormes destructions commises par Israël mais il ne peut cacher le nouveau centre commercial et plusieurs nouveaux supermarchés bourrés de vêtements et de produits de luxe. Il va être difficile de promouvoir les accusations de souffrances subies par les Palestiniens pour délégitimer Israël. Les journalistes circulent librement à Gaza mais, comme nous la révélé l’un d’entre eux, leur mission est de décrire « non pas ce qu’il va mais ce qu’il ne va pas ».

Le Hamas a tout fait pour empêcher la publication de ces images positives mais à l’ère des réseaux sociaux cela parait très difficile. Des menaces ont été lancées mais, malgré cela, des vidéos et des photos publiées révèlent une autre réalité qui ne colle pas avec les images de pauvreté, de misère et de souffrance qui circulent à l’étranger. Comme dans tous les pays modernes, tous les jours des centres commerciaux, des supermarchés, des restaurants chics, des cafés élégants et des magasins de vêtements à la mode voient comme si la bande de Gaza était en paix. Où est le blocus qui fait tant souffrir les gazaouis alors que des milliers de camions traversent tous les jours les points de contrôle israéliens?

Les Gazaouis publient ces infos car ils veulent vivre confortablement et se répandre dans les centres commerciaux, les piscines, les restaurants étoilés, les hôtels de luxe et les plages aménagées de la bande de Gaza. Le service y est exceptionnel tandis que les Israéliens rêvent de s’y rendre à quelques encablures de Tel-Aviv. Un centre balnéaire et sportif, doté d’une impressionnante piscine et de suites, le Royal House Chalet, n’a rien à envier aux plus grands centres balnéaires du monde. Le café restaurant Viola situé dans le port, est célèbre pour sa grande variété de desserts et de collations.

Care4Mall, centre commercial situé à Tal al-Hawa, en banlieue de Gaza City, comprend des magasins d’appareils électroménagers, des magasins d’alimentation et une aire de restauration rapide. Détail ironique, le centre fait la promotion des cafés israéliens Elite. Mais l’argent n’a pas de nationalité.

Un nouveau centre commercial, du nom d’Al-Danaf Hyper Mall, des plus chics a été inauguré au sein du camp de réfugiés de Nusierat a la spécificité de distribuer des produits importés qu’on ne trouve pas dans les commerces. A noter aussi l’ouverture du Deux Fashion, un vaste complexe commercial spécialisé sur la mode, rue Ahmad Abd al-Aziz. On y trouve surtout des vêtements importés de Turquie. Certaines images font tache à l’instar des photos de familles en virée dans les magasins avec des enfants se ruant sur les derniers smartphones.  Certains Palestiniens ont été emprisonnés pour avoir publié des photos de la nouvelle version du «Ritz».

Effectivement, Gaza est une prison à ciel ouvert où la famine règne mais seulement dans les publications de propagande du Hamas.

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