FIGAROVOX/TRIBUNE – Shmuel Trigano analyse les causes actuelles de l’antisémitisme en France et en Europe. Selon lui, le meilleur rempart face à ce phénomène se trouve dans la consolidation de l’État-nation et non dans leur dilution.
Professeur émérite des Universités, Shmuel Trigano est philosophe et sociologue, spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain.
Le débat qui divise l’Union Européenne aujourd’hui, et sans doute pour une longue période à venir, retentit très profondément sur la condition juive en Europe et notamment en France, sans compter qu’il concerne directement l’État d’Israël. Il a été erronément et idéologiquement défini par Macron comme le conflit entre «progressistes» et «nationalistes».
Quel est l’enjeu?
L’enjeu est clair: l’unification européenne affaiblit les États-nations qui structurent l’Europe depuis le 17ème siècle et donc les identités nationales qui sont le cadre dans lequel la démocratie s’est développée. Ce processus s’accompagne de deux phénomènes connexes: le flux migratoire en provenance du monde musulman africain dont l’intégration n’est plus possible du fait de l’affaiblissement de l’identité nationale, ce qui provoque nécessairement en retour un repli sur soi des différents secteurs de populations: la communalité se retrouve pulvérisée. Par ailleurs, au-delà de la bureaucratisation qu’a connue l’Union Européenne, aucune identité européenne ne s’est forgée, ce qui se traduit par le fait qu’au sommet de l’Union il n’y a aucun pouvoir personnifié. Le groupe des présidents est au plus une autre commission bureaucratique, et si, à la rigueur, le duo Merkel-Macron (avec une si faible assise électorale dans leurs pays respectifs), donne un visage quelconque à cet entassement d’États, ce dédoublement même souligne la faiblesse du pouvoir en question. En somme, l’Union Européenne apparaît comme un empire sans empereur et sans le culte adéquat à un tel régime, un culte de la personnalité capable de maintenir ensemble des territoires aussi contrastés qu’immenses. «Jupiter» n’y suffit pas…
La nature morphologique de l’Union européenne implique en effet un ordre du pouvoir qui n’est plus celui de l’État-nation démocratique sans être pourtant celui de l’empire. D’un côté, la forme empire est à l’œuvre, ce qu’illustrent par exemple la faiblesse et le flou des frontières, les marges trop loin du centre, l’absence de langue commune, la faiblesse du centre conjuguée avec son poids bureaucratique, un régime politique, pourrait-on dire, post-démocratique, c’est-à-dire non démocratique. Aucun ajustement de la réalité aux besoins demandés par l’évolution n’a été fait. Une profonde division sépare les élites européennes, engagées dans le cadre européen, de larges secteurs de la population, dans la quasi-totalité des États membres.
Ce qui est en jeu, à travers l’afflux massif de populations étrangères qui forcent les frontières de l’Union, c’est le statut des États et des nations dans une Union incertaine sur le plan de la légitimité et du sens. Ce qui est en jeu, c’est le régime éventuel de l’Union par-delà la démocratie qui, depuis ses origines, s’est développée dans le cadre des Etats-nations. Ce sont des questions très lourdes qui sont posées. Elles ne peuvent être rejetées par des invectives. Un pouvoir de type impérial n’a rien de «progressiste» et l’opinion soucieuse de la nation et de l’identité nationale n’a rien à voir avec le nationalisme. Elle se soucie avant tout de la continuité de la démocratie.
L’impact sur la condition juive
Dans cette évolution du cadre global de la vie en Europe, en France, comment les choses se présentent-elles pour les Juifs? Voyons d’abord les faits. C’est dans le cadre de l’UE qu’est né et s’est développé le «nouvel antisémitisme» qui en est inséparable. Il est inhérent à l’UE, à la fois du fait de ses fondations idéologiques (la mémoire de la Shoah qu’elle a développée (et qui implique un surinvestissement symbolique de l’État d’Israël), en lien avec sa politique musulmane en son sein et en Méditerranée). L’UE trouve sa légitimité dans une mémoire de la Shoah qui assigne les Juifs à la victimitude et voue donc nécessairement l’État d’Israël à une souveraineté conditionnée.
Un lien est fait entre l’Israël souverain, le peuple juif victime et les Palestiniens, «victimes des victimes» (Edward Said). Ce syndrome obsessionnel (l’UE a totalement adopté le narratif de l’OLP et presque celui du Hamas) ouvre la voie à toutes sortes de dérapages et d’abus et retentit sur les Juifs locaux de façon très négative. Il suscite avant tout la fureur des populations musulmanes, encouragées à manifester leur antisionisme très ancien, rendu légitime par un discours journalistique et officiel qui met toujours en cause Israël, au nom des «droits de l’homme» – que l’Union se croit incarner à elle seule (tout en accordant son soutien à l’Iran qui clame chaque matin son projet de détruire Israël!). Cette attitude crée l’ambiance générale d’une inimitié et d’une animosité de principe envers les Juifs, qui offre un lit favorable au développement d’un antisémitisme ambiant, en provenance, dans ses motivations, d’Afrique du Nord et du Moyen Orient.
C’est sur le plan de la condition citoyenne que l’unification européenne met en danger la condition juive, appelée à passer obligatoirement du statut de citoyen national au statut de minorité religieuse transnationale. Sur ce plan-là, les Juifs sont condamnés à subir le même recul de la citoyenneté individuelle que leurs concitoyens, mais avec le caractère aggravant qui fait que le statut juif ne sera plus national mais «religieux». Or, ce statut de «minorité» constitue une terrible régression sur le plan de l’égalité des droits. C’est un ghetto soft qui ressemble à ce que fut la condition des Juifs dans l’empire ottoman. C’est une régression de la liberté des individus et de l’égalité car la société «européenne» fonctionnera sur la base de quotas et non du mérite individuel. Les Juifs jouiront d’une égalité adéquate à leur pourcentage dans la population. sans compter que «le vivre ensemble», sans le liant national, ne sera qu’un entassement de communautés engagées dans des rapports de force inéluctables (petites et grandes minorités…).
Enfin, un autre signe ne trompe pas: l’Union européenne ne manque pas une occasion de manifester de la façon la plus sournoise son inimitié envers l’État d’Israël dans toutes les arènes internationales, ce que ses votes vérifient. Elle se tient décisivement aux côtés du monde arabe et de l’Iran. Son discours morigène sans cesse Israël et le tance du haut d’une morale qu’elle n’incarne pas dans la réalité de sa politique, dont la vente d’armes à des dictatures n’est pas le moindre des traits.
L’impasse
Le problème du choix entre «progressistes» et «nationalistes» (populistes, fascistes, etc) n’est cependant pas facile pour les Juifs. S’ils choisissent les premiers, par horreur du «fascisme», ils se retrouvent avec des amis douteux sur le plan de la lutte contre l’antisémitisme, notamment islamique et de leur credo politique (prônant la fin de l’État-nation républicain en France). S’ils choisissent les seconds, ils feraient le choix le plus immédiatement efficace pour la condition juive (l’assurance que l’islamisme politique, principale menace, sera réprimé) mais ils se retrouveraient avec des partis, même rénovés, dont les origines et les fondements restent problématiques sur le plan du rapport aux Juifs. Cela n’a pas empêché par exemple en Allemagne qu’un cercle juif se soit créé dans l’AFD. Mais, de l’autre côté, leur rapprochement avec les «progressistes» les mettra mal à l’aise sur la question d’Israël car les «progressistes» sont pro-palestine et pro-islam: l’islamo-gauchisme est le principal foyer aujourd’hui de l’antisémitisme. Par contre, ils trouveraient plus de soutien d’Israël auprès des «nationalistes» qui ont plus de raisons de comprendre la situation d’Israël face à l’hostilité du monde arabo-musulman.
Il est, à ce propos, fort possible que dans un avenir pas si lointain la droite européenne, dans un mouvement de balancier, se rapproche d’Israël. Nétanyahou l’a bien compris en nouant des rapports plus étroits avec le bloc de pays européens qui s’opposent à la politique des «progressistes» dans l’UE, et notamment l’alliance avec le «Groupe de Wisegrad» qui réunit des pays que les élites européennes de l’ouest qualifient de «fascistes» ou de «populistes» et récemment avec les États des Balkans qui se souviennent de la domination ottomane.
Une autre dimension est importante, en France notamment et en Grande Bretagne, c’est que l’extrême gauche pose désormais aux Juifs un problème aussi important sinon plus que l’extrême droite car elle est versée dans l’islamo-gauchisme (que l’on pense aux travaillistes de Jeremy Corbin). Deux des trois camps opposés à l’effacement des États dans l’unification européenne, et dans lesquels les Juifs pourraient trouver un appui, s’avèrent ainsi très problématiques pour eux. C’est une impasse majeure, on y va de Charybde en Scylla. Plus généralement, le fait que l’extrême gauche rejoigne l’extrême droite est éminemment inquiétant sur le plan de la menace antisémite. Il y a un précédent: à la fin du XIX° siècle.
Le coup du CRIF est-il encore possible?
La campagne des élections européennes ressuscite, déjà, en France, avant même de commencer, le dilemme qui stérilise la vie politique française depuis 30 ans et maintenant la politique européenne: «X ou Le Pen /AFD, etc?», «tout pour barrer Le Pen!».
C’est ce dispositif qui a assuré son élection à Macron qui, peu avant son débat avec Marine Le Pen, était allé visiter Oradour et le Mémorial du martyr juif : suivez mon regard… Il n’y a pas meilleure instrumentalisation de la mémoire de la Shoah. Or, les Juifs de France sous le sigle du CRIF, ont été depuis les années 1990 les principaux acteurs et arbitres de ce dilemme.
Les origines de cet état de faits sont complexes. Je l’ai définie dans quelques livres. Cette posture s’était développée dans la résurrection du «Front antifasciste» d’avant-guerre, imaginé par Mitterrand à la fin des années 1980 pour renforcer le PS et affaiblir la droite. Le CRIF fut alors lourdement instrumentalisé par le Pouvoir pour accréditer la réalité de la menace antisémite émanant du FN – dont Mitterrand avait fait son vis-à-vis exclusif pour réunir ainsi autour du PS déclinant «les républicains», dans l’objectif de conserver le pouvoir. Il fallait, pour ce faire, amplifier la menace du FN, et la faire accréditer par ses victimes électives alors, la communauté juive. L’opération mitterrandienne impliqua la création de la mouvance de SOS Racisme dans laquelle l’UEJF de l’époque joua un très grand rôle sur le plan de l’opinion publique au point de se voir étroitement associée au CRIF dans toutes sortes d’occasions. Elle confirmait la crédibilité de «la lutte contre l’antisémitisme» alors que SOS Racisme avait comme finalité d’embrigader les Beurs, juste au sortir de la «marche des Beurs», premier acte politique de la population immigrée, contre le «racisme anti-immigrés». C’est la première fois qu’on assimilait ce racisme (qui deviendra «l’islamophobie») à l’antisémitisme et donc que l’on mettait en balance l’antisémitisme d’extrême droite et le racisme anti-arabe, la première fois que l’on définissait le problème de l’immigration en termes de racisme plutôt qu’en termes politiques, la première fois que l’on établissait l’équivalence «Juifs-arabes/immigrés» et donc l’interchangeabilité des conditions.
Alors, lutter contre «l’antisémitisme», devenait lutter contre le racisme anti-arabe. 20 ans plus tard, c’est la lutte contre l’»islamophobie» qui cachera ou démobilisera la lutte contre l’antisémitisme qui se manifestait dans la population que défendait SOS Racisme.
C’est ce qui explique pourquoi le système symbolique mis en place ne permit pas plus tard de rendre compte de ce nouvel antisémitisme qui s’était développé dans le milieu de l’islam politique ou identitaire plutôt que dans le milieu de l’extrême-droite. C’est ce que vérifia l’année 2001 avec les 500 agressions antisémites perpétrées par des ressortissants des milieux de l’immigration, restées objet d’une censure totale de l’État comme de la société et des médias.
Si Le CRIF avait pour tâche de justifier la stratégie du Front antifasciste, l’UEJF comme acteur de SOS Racisme eut pour tâche de la sanctuariser, de la «judaïser» en transférant la charge symbolique de l’antisémitisme à l’islamophobie. Si le CRIF devenait le gardien de la républicanité, il transférait en fait ainsi à la supposée «communauté de l’immigration» le statut (dans l’ordre des valeurs) de la «communauté juive» d’après-guerre. La stratégie mitterrandienne installa ainsi sur le plan symbolique la» communauté de l’immigration» dans le lieu (symbolique) même de «la communauté juive». Ce ne fut pas simplement un enjeu de prestige et de justification mais aussi un enjeu aux graves conséquences qui explique pourquoi dans les années 2000, on ne voulut pas reconnaître la réalité de l’antisémitisme sauf quand il venait du FN, alors qu’il s’agissait d’un antisémitisme provenant exclusivement des milieux que la lutte contre l’islamophobie défendait, au nom de la lutte contre… l’antisémitisme: le comble de la confusion. La «communauté» et la lutte contre l’antisémitisme disparaissaient derrière la «communauté de l’immigration» et la lutte contre «l’islamophobie», deux développements dont le CRIF et l’UEJF furent les artisans zélés.
La fin du CRIF mitterrandien
Ce modèle arrive aujourd’hui à sa fin, pas seulement du fait de l’évolution de l’Europe mais de l’évolution de la France. Le phénomène central, c’est la nouveauté du paysage d’après la victoire de Macron, marqué par l’effondrement du duo Républicains-Socialistes et surtout la convergence extrême droite-extrême gauche, cette dernière marquée également par l’islamo-gauchisme et donc foyer de l’antisionisme qui est en général au cœur du «nouvel antisémitisme». C’est justement cette convergence qui met un terme à ce que le CRIF était devenu depuis les années 1990.
La lettre que le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy a envoyée aux organisateurs de la marche blanche en souvenir de Mireille Knoll est passée inaperçue. Elle marque pourtant un tournant dans l’histoire de la communauté juive. Il y critique, sans le nommer, le fait que le CRIF ait exclu certains groupes politiques de l’unanimité nationale démontrée par l’Assemblée nationale dans la dénonciation de l’antisémitisme, à savoir le Front national et la France insoumise qui ne sont pas nommés dans ce reproche, sauf qu’y sont fustigées les «violences verbales» et les «intimidations physiques» dont les représentants, venus malgré les consignes du CRIF à leur encontre, ont été l’objet sur le terrain.
Cette remarque, si on y réfléchit bien, accuse le CRIF d’avoir brisé l’union nationale (dont les extrêmes étaient formellement parties prenantes dans ce cas) dans le rejet de l’antisémitisme, une union nationale qu’il appelait pourtant déclarativement de ses vœux, au point d’apparaître comme un facteur de division de la France «morale» et parlementaire. Le paradoxe veut que ce fut au profit de partis et de leaders – Mélenchon et Marine Le Pen – dont le discours ou l’héritage s’inscrit dans l’atmosphère du «nouvel antisémitisme» de ces 30 dernières années.
Le CRIF ne s’était pas rendu compte qu’il y avait quelque chose qui avait changé en France. Jusqu’alors, en effet, il se voulait incarner la France Républicaine unie contre le Front National, accusé, alors, de casser, du fait de son antisémitisme, l’unité de la nation. Celle-ci, se réunissait ainsi (autour du CRIF et par son entremise), en excluant le FN. Le CRIF était ainsi devenu le garant moral et historique de l’exclusion unanime du FN hors de la communauté nationale républicaine. Et donc un dispositif central de l’avènement au pouvoir de candidats se faisant élire par exclusion, pourrait -on dire. Ce qui fut suprêmement le cas de Macron. Dans la situation que l’élection de ce dernier a créée, le dispositif dans lequel le CRIF s’était inscrit s’est démantelé et dans le cas que je viens d’évoquer, est même devenu, par un retournement mécanique de la donne, l’élément exclu de l’unanimité nationale contre le «fascisme».
Le deuxième pilier: le Consistoire
Si le CRIF a été instrumentalisé par le parti socialiste au pouvoir au point de devenir le garant systémique d’une configuration qui a volé en éclats avec la montée au pouvoir de Macron, le pilier religieux de l’identité juive française, le Consistoire et le Rabbinat, se sont vus, eux aussi, embrigadés dans une politique gouvernementale profondément défaillante sur le plan de l’État et nocive pour la continuité juive.
Si le CRIF contribuait à retenir la vie politique en suspens sous «la menace Le Pen», le Consistoire devenait le support et le modèle d’une politique de gestion de l’islam en France, une religion nouvelle venue dans le cadre républicain (ébranlé en son fond par l’unification européenne). En effet, là où la question de l’islam devait être traitée «politiquement» (n’est-il pas attaché à une population immigrée, détentrice d’autres nationalités et non autochtone?) – ce qui compliquait bien les choses avec la question de la nation et de l’État, alors affaiblis – elle fut traitée par la «religion» et encore dans une amnésie historique totale de la part d’une élite politique sans grande culture qui avait oublié qu’en France la forme «religieuse» avait été imposée aux religions concordataires (dont le judaïsme) du fait d’un acte et d’une finalité politiques et étatiques.
Les élites françaises n’eurent pas le courage de poser d’abord le jalon politique de l’intégration (à savoir comment l’islam se réformerait pour être accepté dans l’État et la nation et à quelles conditions cela serait possible: à l’époque de Napoléon ce fut un diktat de l’État sur les Juifs et les Catholiques). Ce jalon est d’autant plus nécessaire que l’islam confond pouvoir religieux et pouvoir politique – ce qui n’est pas le cas du judaïsme – alors que les candidats à la résurgence du Califat, exigeant une obéissance religieuse et politique universelle, sont déjà sur les rangs: je pense surtout à un candidat proche de l’Europe, le président Erdogan.
Les «progressistes» ont trouvé dans le pilier religieux du judaïsme le moyen symbolique et pratique de la gestion du «vivre ensemble», c’est-à-dire du spectacle illusoire de l’intégration de l’islam en France. En n’assumant pas l’exigence d’intégration politique et identitaire propre à la nation, ils ne peuvent en effet que «gérer» la population récemment immigrée par le biais de sa religion (réputée spécificité «culturelle», à «protéger» donc), d’autant que cette dernière n’a jamais connu la modernisation et donc la séparation du politique et du religieux.
Le «dialogue des religions» est ainsi devenu un instrument de gouvernement, promu par l’État «républicain». Il vise à identifier l’islam aux deux religions originelles en France, pour le socialiser et le poser en situation de ressemblance, de façon totalement indue car ces religions se sont déjà réformées et pleinement insérées dans la société républicaine, mais qui, de ce fait, se voient rétrogradées au stade où en est l’islam dans son processus d’insertion. L’institution religieuse juive est cependant bien plus sollicitée que l’Église, car elle est minoritaire et, de surcroît, elle est la référence dans le champ social de la «communauté de l’immigration» .
On ne peut négliger à ce propos le fait que, composée en majorité de Juifs d’AFN, la plupart (Algérie) français de longue date, son assimilation à la communauté arabo-musulmane ait tenté le pouvoir, comme exemple de réussite à proposer aux nouveaux venus. Les concessions faites au «vivre ensemble» s’autorisent ainsi de ce qui est concédé aux Juifs alors que ces «concessions» sont le résultat de la réforme du Grand Sanhédrin de 1897, réforme loin de toute réalisation chez les musulmans et qui, sans doute, soulèveraient leur fureur tant elles furent exigeantes. Ces mises en équivalence des Juifs «communautaires» et de la «communauté de l’immigration» représentent en fait, de façon rampante, une régression pour ceux qui sont des citoyens français depuis le 19eme siècle à la condition de nouveaux venus. C’est une sorte d’abandon «statique» (sans exclusion) de ces Juifs sur le plan de la légitimité nationale, qui réveille en eux d’autres abandons (1962, 1940…) et qui incite à la jalousie et au ressentiment les nouveaux venus, conviés ainsi à se comparer et se mesurer aux Juifs, ce qui pour nombre d’entre eux est la pire des situations. Les autorités consistoriales et rabbiniques se prêtent en général à cette stratégie sans se rendre compte qu’elles jouent le rôle du cheval de Troie qui accrédite en France un islam qui n’a pas fait sa réforme républicaine et dont elles n’ont pu obtenir aucune condamnation claire et massive de l’antisémitisme qui sévit dans nombre de ses milieux, ce que tous les sondages vérifient.
Ainsi sur le plan du religieux comme sur le plan du politique ou de la sécurité, l’intérêt de la continuité juive est en 2019 du côté de la République souveraine, de l’État-nation et non de la France des religions, des cultures et des minorités. La situation n’est absolument plus celle des années 1970-1980.
Source www.lefigaro.fr