Famille juive agressée à Livry-Gargan : les victimes veulent que la justice retienne le caractère antisémite

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Séquestrés chez eux en 2017, les époux Pinto et leur fils ont été confrontés mercredi à leurs agresseurs présumés. Ils se battent pour faire reconnaître la circonstance aggravante d’antisémitisme.

L’attente a été longue, trop longue. Mercredi matin à Bobigny (Seine-Saint-Denis), Roger et Mireille Pinto, un couple de retraités, et leur fils David, ligotés et séquestrés durant plusieurs heures il y a un an et demi, ont enfin pu raconter leur calvaire à la juge d’instruction. Ils ont relaté cette journée du 8 septembre 2017 au cours de laquelle trois cambrioleurs munis d’un tournevis, d’un couteau et de menottes ont pénétré dans leur pavillon de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis). Ils ont surtout répété leur conviction d’avoir été victimes en raison de leur religion. « Vous, les Juifs, vous êtes les gâtés de la terre, auraient selon eux déclaré ces hommes. Nous, on est comme Robin des Bois, on prend aux riches pour donner aux pauvres. »

Ce même jour, dans l’après-midi, la famille a également été confrontée à ses agresseurs présumés – un commanditaire et une jeune femme sont également mis en examen dans cette affaire. Incarcérés depuis le 28 novembre 2017, les trois suspects ont grandi à Clichy-sous-Bois, à quelques kilomètres de chez les Pinto. Abdoulaye Diallo, alias Moko, 24 ans, dont l’ADN a été retrouvé à Montpellier sur les lieux d’une opération similaire, s’est contenté de trois mots : « Je conteste toujours. » Mohamed Lamine Marion, surnommé Capo, 22 ans, a usé de la même formule et a baissé la tête.

Considéré comme le chef du gang, Soumaïla Baradji, 23 ans, a reconnu sa participation aux faits en garde à vue. Sa ligne de conduite aujourd’hui ? Nier toute violence. Ainsi, lorsque Mireille Pinto, 74 ans à l’époque, assure qu’il a plaqué sa main sur sa bouche et l’a envoyée valser à travers la cuisine, il objecte : « Je ne l’ai pas jetée par terre, je me suis mis à terre avec elle. À aucun moment elle n’a été frappée. C’est une personne âgée, je ne suis pas un psychopathe. » Idem quand Roger Pinto évoque le tournevis collé sous son menton. « C’est de la folie, proteste le jeune homme. On lui met des coups et on lui saute dessus comme un trampoline! Non, quand même. »

Quelques minutes plus tard, la juge interroge le trio pour savoir si l’antisémitisme, une circonstance aggravante, était une de leurs motivations. À l’époque des faits, ce point avait provoqué émoi et effroi dans la communauté juive, au sein de laquelle Roger Pinto a occupé de nombreuses fonctions associatives, mais aussi bien au-delà. Alors ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb avait dénoncé « une odieuse agression » semblant « directement liée à la religion des victimes ».

Mercredi, Soumaïla Baradji, le seul à s’exprimer, a nié avoir ciblé des Juifs, jurant avoir choisi le pavillon « par hasard ». Mireille Pinto s’est, elle, employée à convaincre la magistrate que cette version ne tient pas. « Nous sommes connus comme Juifs dans la rue, a-t-elle martelé. On a reçu beaucoup de personnalités de la communauté, qui étaient accompagnées de gardes du corps. Dès que vous entrez chez nous, vous ne pouvez faire abstraction de notre confession. Ils se sont dit que nous avions un coffre, de l’argent, et c’est pour ça qu’ils ont attendu qu’on rentre de vacances pour nous cambrioler. »

À l’issue de la confrontation, Marc Bensimhon, l’avocat des Pinto, a été invité par la juge à rédiger une note afin d’expliquer, selon lui, pourquoi cette affaire est emblématique de ce qu’il appelle « l’antisémitisme de clichés » ou « l’antisémitisme crasse ». Pour ses clients, il y a là une évidence : « C’est la maison des Juifs qui a été ciblée et pas un pavillon parmi d’autres. » Tous trois ne comprennent pas bien pourquoi cette circonstance n’a toujours pas été retenue.

Si elle en vient presque à douter de la justice, la retraitée rend hommage au travail des policiers. Ils ont exploité les bandes de vidéosurveillance, procédé à des écoutes téléphoniques, exhumé des traces ADN. En 2017, deux semaines après les faits, un témoin anonyme a dénoncé un certain Antony Youssef, né à Fresnes (Essonne) en 1967, qui se serait vanté d’avoir commandité l’attaque et de l’avoir confiée à « trois Africains ». Ignorant être placé sur écoute, cet homme au casier judiciaire bien rempli a assuré aux trois cambrioleurs présumés qu’il craignait qu’une certaine Amel les dénonce. C’est elle que l’on devine sur les images de vidéosurveillance de la banque dans laquelle l’équipe a retiré de l’argent avec la carte bancaire des Pinto. On y aperçoit la plaque d’immatriculation d’une voiture dans laquelle ont été décelées les traces ADN de Youssef, le présumé commanditaire, d’Amel, 20 ans à peine, et de Soumaïla.

L’enquête a également établi que ce dernier avait cherché sur Internet la valeur des montres volées aux Pinto et a mis au jour l’empreinte d’une de ses Nike, retrouvée… dans sa cellule. Incarcéré deux jours après la séquestration dans un autre dossier, Youssef a d’abord tenté de se faire passer pour un simple chauffeur. Condamnée à quatre mois de prison pour un autre vol, Amel a craqué et dénoncé le receleur de Bondy à qui elle a vendu les bijoux. Un des colliers de Mireille Pinto ainsi qu’un pendentif et son alliance ont pu y être retrouvés. Une bien maigre consolation.

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