La nouvelle donne créée par le changement d’administration américaine fait que les accusations portées de longue date par Israël contre l’incitation rampante à la haine propagée dans les écoles palestiniennes rencontrent davantage d’écho. Donald Trump lui-même a fait siens ces griefs lors de sa rencontre avec Benjamin Netanyahou au mois de février, et son émissaire Jason Greenblatt a demandé à Mahmoud Abbas de s’engager contre cette incitation.
Cela a rendu le sujet suffisamment incontournable pour que l’Agence France-Presse décide d’en parler. Elle l’a fait à travers un article signé de Hossam Ezzedine qui fait mine de se poser en observateur neutre, jusque dans le titre qui renvoie dos à dos les deux parties.
Haine sur les bancs de l’école, Israéliens et Palestiniens s’accusent https://t.co/TlFPcFMX2o par @hossamezzedine et @mandeljonah #AFP pic.twitter.com/qcItxLY5Jl
— Agence France-Presse (@afpfr) 28 mars 2017
Le profil Twitter du journaliste affiche pourtant clairement sa couleur : « journaliste vivant à Ramallah – PALESTINE, aime le football, indépendance » . La question de l’impartialité des journalistes employés par l’AFP se pose plus que jamais, d’autant que les informations de l’Agence influencent les esprits partout dans le monde francophone. Ainsi, en quelques heures, la dépêche a touché la France (Le Point, L’Express, le Courrier International et de nombreux autres), mais aussi la Belgique (La Libre), la Suisse (Romandie.com), le Cameroun (Journal du Cameroun) ou Madagascar.
Torts partagés
L’article se veut, en français, d’apparence équilibrée avec un titre renvoyant dos à dos les deux parties :
Haine sur les bancs de l’école, Israéliens et Palestiniens s’accusent
Le lecteur retirera donc du titre l’impression que deux camps s’opposent avec des torts partagés. La version anglaise trahit néanmoins davantage son penchant, avec des guillemets montrant une mise en doute de la réalité de l’incitation à la haine par l’agence :
‘Incitement’ or history? Israeli-Palestinian debate rages
[‘Incitation (à la haine)’ ou histoire ? Le débat israélo-palestinien fait rage]
L’article se concentre sur la visite du collège Amine al-Husseini, où les élèves « chantent l’hymne national et saluent le drapeau » d’un pays qui n’a, jusqu’à présent, pas d’existence. Le drapeau arbore les couleurs des autres pays arabes, qui rendent douteuse la spécificité d’un peuple palestinien, et l’hymne est surnommé « فدائي » (« Fidā’ī ») : celui qui se sacrifie, un mot plus connu sous son pluriel de « fedayin » (petits groupes de commandos palestiniens ne reconnaissant pas Israël et qui s’y opposent par les armes).
Chez InfoEquitable, on s’attache à présenter de manière tangible les informations que nous avançons. Voici ce que nous avons obtenu dans Google Images en recherchant quelles illustrations correspondaient aux titres hébreux et arabes des hymnes israélien (« התקווה » – « l’espoir », un programme bien différent) et palestinien (« فدائي »).
Si l’hymne israélien parle de l’espoir vieux de 2000 ans d’« être un peuple libre sur notre terre, terre de Sion et de Jérusalem », celui chanté dans les écoles palestiniennes est un hymne guerrier bien illustré par ces images, qui parle du « volcan de ma vengeance » et fait l‘éloge du « feu des armes » ainsi que de la vie en tant que « Fidā’ī ».
L’AFP, bien sûr, n’a pas l’espace nécessaire pour se pencher sur les hymnes nationaux. Elle rapporte donc juste que les enfants chantent cet hymne, dont son journaliste palestinien sait forcément qu’il leur inculque, chaque matin, l’idéal de devenir… des combattants ! Et la cible de ces futurs combattants ne pourra être qu’Israël. Dès la première ligne de l’article, l’incitation palestinienne à la haine est donc visible, tout en étant bien cachée du lecteur qui n’aura pas pris le temps comme nous d’analyser de près ce qui est écrit.
Tout l’article est rédigé de la même manière : la haine palestinienne n’est évoquée que pour être minimisée et mise en parallèle avec une supposée haine israélienne équivalente, en prenant soin de ne montrer aucune des nombreuses preuves de son existence : la poussière est cachée sous le tapis.
Mufti nazi : les Palestiniens démentent
L’école qui sert de décor est nommée en hommage à l’ancien grand mufti de Jérusalem. L’article explique : Pour les Israéliens, il était l’allié des nazis – ce que les Palestiniens démentent – et nommer ainsi un établissement scolaire est une incitation à la haine contre Israël et les juifs.
Seulement « pour les Israéliens » ?
C’est un fait établi par les historiens, et pas seulement israéliens, que le grand mufti a collaboré avec Hitler, au point de créer la 13e division de montagne de la Waffen-SS Handschar composée de plus de 20,000 volontaires essentiellement musulmans bosniaques.
Les Allemands d’aujourd’hui ne nient pas que leur pays a commis des crimes pendant la guerre. Ayant assumé leur responsabilité, ils sont parvenus à une paix durable avec les pays qu’ils ont autrefois agressés. Les Palestiniens pourraient parfaitement en faire autant en reconnaissant la responsabilité du mufti. Au lieu de cela, leurs dirigeants la nient, et font du mufti un modèle pour leur jeunesse. Et l’AFP fait passer leur démenti pour une opinion convenable, opposant leur jugement à celui des Israéliens dans une prétendue neutralité (« on vous offre les deux versions ») alors que la culpabilité du mufti est patente.
Le grand mufti al-Husseini n’est d’ailleurs pas le seul personnage violent en l’honneur duquel sont nommées des écoles palestiniennes. Voici seulement quelques exemples cités par Palestinian Media Watch :
- Plusieurs écoles sont nommées d’après le « Martyr Salah Khalaf » en l’honneur de l’homme qui a planifié le massacre des jeux olympiques de Munich, qui tua 11 athlètes israéliens, ainsi que le meurtre de deux diplomates américains au Soudan
- Une école à Jénine porte le nom du fondateur du Hamas – un mouvement reconnu comme terroriste par l’Union européenne, le « Martyr Ahmed Yassin »
- Trois écoles et un collège portent le nom de « Abu Jihad » (Khalil Al-Wazir) et trois autres portent le nom de Dalal Mughrabi, responsables et auteurs de l’attaque d’un bus israélien qui fit 37 morts, dont 12 enfants.
Il n’y a donc même pas besoin d’entrer dans une école palestinienne pour constater que l’incitation à la haine y est pratiquée. Le nom de nombres d’établissements en atteste.
Les preuves mises à l’index
L’article relate les accusations portées par les responsables israéliens et américains contre le système éducatif palestinien. Benjamin Netanyahou est ainsi cité : Ils continuent d’appeler à la destruction d’Israël, dans leurs écoles, dans leurs mosquées, dans leurs manuels scolaires. Il faut le lire pour le croire.
Mais au lieu de montrer les éléments sur lesquels se fondent ces accusations, l’article de l’AFP embraye sur leur contradiction par les Palestiniens. Pourtant, les preuves foisonnent.
Pour ne parler que des écoles, selon une étude menée en 2014 par le Near East Policy Research Center sur 150 manuels scolaires de l’Autorité palestinienne, le nom « Israël » est généralement remplacé par “Palestine”, et les régions situées dans l’Israël d’avant 1967 sont décrites exclusivement comme palestiniennes. En 2016, les manuels des écoles de l’Autorité palestiniennes et de l’ONU ont été mis en cause : “Toutes les villes israéliennes [dans les manuels] sont remplacées par des villes palestiniennes. Tout tourne autour du “Droit au Retour” [pour les Palestiniens] et de la lutte armée.”
Le résultat, ce sont des générations d’enfants endoctrinés et prêts à endosser ou perpétrer le terrorisme contre les Juifs.
Ces exemples bien documentés auraient été difficiles à réfuter. A l’inverse, en ne donnant pas les raisons des accusations lancées par les Israéliens, l’article peut jouer à mettre sur un pied d’égalité les accusations et leurs réfutations.
Le lecteur est donc prié d’accorder son crédit au chargé des programmes scolaires au ministère palestinien de l’Education qui affirme : Nos livres ne sont pas là pour inciter à la haine mais pour enseigner.
Une opinion présentée comme une information dans un article destiné aux grands médias alors que, nous l’avons vu, les preuves du contraire existent. Et tant qu’à faire, le chargé de programmes palestiniens accuse « les programmes israéliens d’enseigner la haine. M. Zeid évoque « des exercices de mathématiques mettant en scène des soldats ». » On pourrait objecter que les soldats ne sont pas en soi un problème : il est légitime pour un pays d’avoir une armée et son action peut très bien être tout à fait morale. Mais surtout, d’où sort cette accusation ? Pas la moindre preuve à l’appui : cette fois, c’est très certainement parce qu’il n’en existe pas. La trame du texte devient la parole des Palestiniens contre la Parole des Israéliens et aucun élément tangible n’est fourni au lecteur y voir clair.
Et puis, « rétorque M. Zeid, ce n’est pas l’école qui pourrait inciter à la haine mais les conditions de vie des Palestiniens. » Ou comment couper court à tout débat sur le sujet initial, en invoquant également un jugement similaire de l’UNESCO supposée faire autorité : cette même organisation qui a l’année dernière passé une résolution niant l’histoire juive (et l’histoire chrétienne qui en découle) à Jérusalem. On fait mieux, comme autorité impartiale.
Saupoudrage de contre-vérités
L’article n’est pas plus à cheval sur la vérité historique lorsqu’il affirme que « la « Palestine historique » comprenait les Territoires palestiniens et Israël. » C’est oublier que la Palestine mandataire britannique englobait également la Transjordanie, devenue aujourd’hui la Jordanie. Ce genre d’oubli permet de présenter les Arabes comme les perdants du partage alors que, du point de vue de la superficie, la majorité de ce territoire historique (environ 80%) leur appartient aujourd’hui.
L’antienne de « l’occupation » israélienne (oubliant que les accords d’Oslo toujours en vigueur déterminent les relations entre Israéliens et Palestiniens depuis 20 ans en attendant une autre issue négociée) est aussi présente pour déplacer le débat, de même que la description des check-points israéliens et de la barrière de sécurité sans évoquer leur raison d’être qui n’est pas d’embêter les écoliers palestiniens mais d’empêcher leurs grands frères ou leurs parents de commettre des attentats en Israël.
On nous dit également que « chaque élève [de l’école palestinienne] a un proche blessé ou détenu par Israël » sans dire mot sur les élèves israéliens qui perdent des proches à cause du terrorisme palestinien – terrorisme sans lequel les écoliers palestiniens n’auraient pas de parents emprisonnés. Dans le même ordre d’idées, il est écrit que « Des centaines de milliers [d’enfants de Gaza] ont besoin d’un soutien psychologique, selon l’ONU » : mais l’article ne fait aucun cas des enfants israéliens exposés au harcèlement des roquettes lancées depuis Gaza qui, eux aussi, peuvent être traumatisés.
Le mot de la fin est donné à Sami Adouan, « chercheur en sciences de l’Education ». L’AFP ne précise pas qu’il a dirigé un rapport à la méthodologie biaisée qui voulait justement « rendre les Israéliens et les Palestiniens coupables à parts égales d’éduquer leurs enfants avec des histoires, des faits et des idées qui perpétuent le conflit », comme l’a démontré The Tower. Le journaliste Adi Schwartz précisait que les auteurs de ce rapport « non seulement ignorent des passages de manuels palestiniens hostiles envers « l’autre », mais ils ignorent aussi des cas de pur antisémitisme, haine et incitation à la violence. »
Tout le monde est bon. Ou tout le monde est mauvais. C’est au choix, mais tout le monde se vaut, conclut l’article : « Les cas de déshumanisation et de diabolisation de l’autre sont rares dans les deux programmes » (…) mais « les livres israéliens et palestiniens renferment des récits nationaux unilatéraux qui présentent l’autre comme l’ennemi ».
Du début à la fin, tout est ainsi fait pour créer une équivalence fictive qui éloigne l’attention d’un problème largement documenté : l’incitation à la haine des Juifs qui gangrène l’éducation des enfants palestiniens, dont l’arrêt constituerait certainement l’un des préalables à la paix.