James Comey, ex-patron du FBI limogé par Trump, doit témoigner jeudi devant le Sénat dans l’affaire russe qui empoisonne le début de mandat du président.
Est-ce un tournant dans la présidence Trump ? Le président américain aborde la phase la plus délicate de sa jeune présidence dans des conditions acrobatiques, sur fond de tensions au sein de sa propre équipe et de tiraillements avec les élus républicains, qui auront in fine un rôle décisif sur son avenir politique. Le témoignage explosif du désormais célèbre ex-patron du FBI, James Comey, qu’il a brutalement limogé, place le 45e président de l’histoire américaine dans une posture peu enviable. Après les écrits mercredi, le témoignage jeudi devant le Sénat se présente comme une épreuve à haut risque. Scandale après scandale, au prix de coups de barre soudains et de changements d’équipes inattendus, le magnat de l’immobilier a, durant sa campagne, franchi un à un les obstacles là où nombre d’observateurs annonçaient sa chute.
Après moins de 150 jours d’une présidence empoisonnée par l’affaire russe et son lot de révélations quotidiennes, reste à voir si ce tempérament de combattant solitaire et impulsif sera bénéfique. Ou, à l’inverse, contre-productif, au moment où s’accumulent les soupçons d’entrave à la justice et où certains évoquent, du bout des lèvres, une procédure de destitution. Communication personnelle et complètement imprévisible, prises de position en décalage avec son administration, mise en concurrence de ses proches conseillers : depuis quelques semaines, Donald Trump se cabre, s’arc-boute face à une présidence qui lui résiste et une cote de popularité plombée. Les conditions de l’annonce mercredi matin de la nomination d’un nouveau patron du FBI sont venues renforcer ce sentiment de malaise, sur fond de rumeurs récurrentes de remaniement en préparation au sein de son cercle rapproché. Annoncée d’un tweet sec à 7 h 44, elle a pris beaucoup de monde – y compris au sein de la Maison-Blanche – par surprise. Il a fallu attendre plus de cinq heures pour la diffusion d’un communiqué de l’exécutif détaillant cette décision. Selon une source proche du dossier, le président républicain n’avait pas pris la peine d’informer… les ténors de son propre parti au Congrès, qui lui ont rendu visite mardi à la Maison-Blanche.
« Le président n’est pas Teflon Don »
Autre exemple : la sortie du président américain contre le Qatar, qui abrite une importante base aérienne américaine, a laissé bouché bée diplomates et élus. Dans une série de tweets matinaux, il a, mardi, à l’encontre des prises de position de la diplomatie américaine, apporté un soutien tacite à l’isolement de Doha par ses voisins, Arabie saoudite en tête, décision qui a provoqué un véritable séisme dans la région. La tension est palpable dans la « West Wing », où ses conseillers se retrouvent régulièrement contraints de commenter et défendre des annonces ou déclarations qu’ils découvrent à la dernière minute. Le président pense-t-il toujours que le changement climatique est un canular ? A-t-il confiance dans son ministre de la Justice Jeff Sessions ? Jour après jour, son porte-parole, Sean Spicer, doit se plier, de mauvaise grâce, à un exercice désagréable : avouer son ignorance. « Je n’ai pas eu l’occasion d’avoir cette discussion avec lui » est devenu la réponse-type du moment.
Illustration jusqu’à l’absurde : il s’est vu demander cette semaine, lors de son briefing quotidien, la valeur qu’il fallait accorder aux tweets présidentiels. « Le président est le président des États-Unis, ils sont considérés comme des déclarations officielles du président des États-Unis », a-t-il répondu, dans une étrange formule. « Le président n’est pas Teflon Don », soulignait mercredi Julian Zelizer, professeur à l’université de Princeton, en référence au surnom qui avait été donné au magnat de l’immobilier pour sa capacité à résister à tous les scandales et toutes les révélations. « Cote de popularité sous les 40 %, enquêtes en cours, pas la moindre loi significative, tout cela révèle sa faiblesse. » Quelques minutes avant que la bombe du témoignage écrit de James Comey ne soit rendue publique par le Sénat, le président septuagénaire tentait de galvaniser ses troupes, depuis Cincinnati, dans l’Ohio. « Nous avons déjà fait des progrès historiques », lançait-il. Quel que soit le regard porté sur les premiers pas du successeur de Barack Obama à la tête de la première puissance mondiale, une certitude s’impose : il se retrouve, de facto, plutôt seul pour défendre son bilan provisoire à un stade de la présidence où tout un camp fait en général bloc autour du locataire de la Maison-Blanche.
Source www.lepoint.fr