Discerner l’essen »ciel »

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Réflexion sur la paracha de la semiane par le rav Mordekhai Bismuth

« Ya’akov fit un vœu et dit : « Si l’Éternel est avec moi, s’Il me protège dans la voie où je vais, s’Il me donne du pain à manger et des vêtements pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison paternelle… » Beréchit (28,20-21).

Pourquoi Ya’akov demande-t-il du pain pour manger et des vêtements pour se vêtir ? N’aurait-il pas été suffisant de dire : « Donne-moi du pain et des vêtements » ? Pourquoi cette précision « superflue » dans la requête de Ya’akov : « du pain à manger » et « des vêtements pour me vêtir » ? En effet, à quoi sert le pain si ce n’est à être mangé, pourquoi cette précision ? Il en est de même pour les vêtements. Il paraît par ailleurs surprenant que Ya’akov ait prié D’ de pourvoir à ses besoins matériels (la nourriture et les vêtements), alors qu’il avait même renoncé au sommeil pendant les quatorze ans qu’il avait passé à étudier la Tora dans la Yechiva de Chem et Ever.

Nos Sages nous enseignent que Ya’akov demanda en fait à Hachem de lui donner du pain mais pas en plus grande quantité que ce dont son corps avait besoin, de même pour les vêtements, pas plus que le nécessaire. Comme nous l’enseigne Chelomo Hamélekh :
« Éloigne de moi la fausseté et la parole mensongère ; ne me donne ni pauvreté ni richesse ; accorde-moi la part de nourriture qui m’est indispensable » (Michlé 30,8). De même Ya’akov demanda à Hachem de ne lui procurer que ce dont il avait réellement besoin, mais rien de plus.

Ya’akov souhaite nous faire découvrir ici la notion de l’essentiel, concept que la société de consommation, qui porte ce nom pour cette raison, cherche de toutes ses forces à annihiler au profit de la course aux plaisirs.

Les publicités vantent des produits succulents mais qui n’ont plus aucune valeur nutritive, uniquement pour nous permettre d’assouvir le plaisir des papilles gustatives. Ce n’est pas grave, on prendra des compléments alimentaires pour l’essentiel !

Quant à la mode, nous assistons aujourd’hui à de remarquables créations sur quelques centimètres carrés de tissu : l’habit qui dévoile au lieu de couvrir !

Le système actuel a réussi à créer de nouveaux besoins, qui créent de nouveaux besoins qui en créent encore de nouveaux jusque… Nul ne le sait !

On se facilite la vie, croit-on, mais encore faut-il travailler pour pouvoir se les procurer, alors on travaille, encore plus et un peu plus, et encore…

Le petit plaisir qui nous facilite la vie la transforme en course infernale, nous faisant même oublier pourquoi on cherche tellement à l’atteindre.

Notre verset laisse place encore à une seconde interprétation, lorsqu’il est écrit : « du pain à manger et des vêtements pour me vêtir », cela signifie aussi que Ya’akov souhaitait du pain qu’il puisse manger et des vêtements qu’il puisse porter. C’est-à-dire que l’on peut posséder sans profiter, comme le montre l’histoire suivante: un grand patron d’une usine emploie de nombreux employés et ouvriers. Tous les jours il s’occupe de son affaire, gère le personnel, les secrétaires, les comptables, les commandes… Un jour l’un de ses amis vient lui rendre visite. Le chef d’entreprise est très concentré, la tête dans ses comptes, à tel point qu’il ne prend même pas le repas qu’on lui avait chauffé et apporté. Le plat reste sur son  bureau, froid et à présent immangeable. Son ami l’interpelle : « Jusqu’à quand resteras-tu un pauvre serviteur et ne profiteras-tu pas de ce que tu as ? »

Étonné, l’autre répondit : « Mais qu’est-ce que tu racontes ? Moi pauvre ! Mais regarde le business que j’ai, tout m’appartient ici, j’ai monté l’affaire de mes propres mains, c’est moi qui dirige tout le monde… »

« Peut-être, mais eux, quand arrive l’heure de manger, ils mangent, et une fois le travail terminé, ils rejoignent leurs familles. Par contre toi tu n’es qu’un pauvre, ne sachant même plus pourquoi et pour qui tu travailles. Tu es épuisé, affamé et assoiffé… »

Dans les Pirké Avoth (2,6), il est écrit : « Augmenter sa fortune, c’est augmenter ses soucis. » Le Rachbats explique que la richesse est génératrice de préoccupations (travail sans fin, peur des vols ou des pertes, contrôles fiscaux…).

La berakha ne consiste pas seulement à posséder, mais aussi à profiter. Ainsi lorsque l’on prie pour la parnassa, demandons surtout la santé et la disponibilité, afin de profiter de toutes les bontés que Hachem nous offre. Parfois nous possédons une belle garde-robe, mais une hospitalisation à plus ou moins long terme nous obligera à porter le « beau » pyjama de l’hôpital. N’oublions pas l’essentiel !

Finissons avec une histoire qui ne manquera pas de nous faire réfléchir : un homme se rendit un jour chez le ‘Hafets ‘Haïm ; au cours de la conversation, il se vante de tous ses placements financiers et immobiliers. Il explique au rav que selon ses plans, il ne pourra jamais se trouver ruiné et que son argent ne le quittera donc jamais. Avec même un peu d’arrogance, il ose dire que même si Hachem voulait lui faire tout perdre, ce serait difficile !
Alors le ‘Hafets ‘Haïm lui rétorque : « Certes, peut-être que tes plans sont formidables et que même le Tout Puissant « ne pourrait » te les enlever, mais Il peut très bien t’enlever toi et t’arracher à tous tes bons placements… »

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