Derrière l’indulgence à l’égard du Hezbollah, la détestation d’Israël

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Gilles-William Goldnadel: « Derrière l’indulgence à l’égard du Hezbollah, la détestation d’Israël… et de soi-même »

 

FIGAROVOX/CHRONIQUE – Les explosions de bipeurs, puis de talkies-walkies visant des membres du Hezbollah, ont de nouveau mis en lumière le silence coupable de la classe politique et d’une partie des médias sur les agissements de l’organisation terroriste.

La semaine qui vient de s’écouler a consacré une très lourde défaite morale et militaire pour le Hezbollah. Mercredi, les bipeurs de ses miliciens explosent. Jeudi ce sont les talkies-walkies de leurs supérieurs. Vendredi, les responsables principaux de son unité d’élite sont éliminés.

Il ne s’agit pas ici d’une chronique militaire, mais de celle sur l’indulgence qu’inspire une organisation classée terroriste à une partie du monde médiatique et politique. À plusieurs reprises déjà, et avant même cette dernière séquence, j’avais cru devoir faire remarquer que jamais le très sentencieux Le Monde n’avait cru devoir consacrer un seul de ses éditoriaux critiques au Parti de D’ depuis le 7 octobre. En revanche, je ne saurais comptabiliser ceux consacrés au seul état démocratique, fût-il critiquable, du Moyen-Orient.

Mais les derniers événements permettent de mieux mesurer encore l’injustice aberrante du phénomène qui transcende largement la question de l’Orient. Il devrait être inutile d’avoir à rappeler la nocivité d’une organisation terroriste créée par la République Islamique des mollahs d’Iran. Celle-ci a juré la destruction de «l’entité sioniste cancéreuse». Elle est responsable, en liaison avec des Iraniens recherchés par la justice, de plusieurs attentats antisémites en Argentine, notamment contre l’AMIA le 18 juillet 1994, organisation caritative juive de ce pays, ayant causé la mort de 85 civils.

L’un de ses plus hauts responsables éliminés vendredi, Ibrahim Aqil, ancien membre du Jihad Islamique, était recherché par la justice américaine pour sa participation à l’attentat contre l’ambassade des États-Unis causant la mort de 241 soldats américains. Il était également l’organisateur de l’attentat contre le camp du Drakkar à Beyrouth le 23 octobre 1983 qui avait entraîné la mort de 58 parachutistes français.

Tristes temps en effet où l’Occident est non seulement haï de l’extérieur mais également de l’intérieur. Et s’il s’agissait en notre époque de grande confusion morale et mentale de la détestation de soi ?

À la suite du conflit armé avec Israël de 2006, le Hezbollah, en vertu de la résolution contraignante 1701 des Nations unies, avait l’obligation de retirer ses troupes du Sud Liban. Cet accord a été foulé aux pieds, sans que cette violation n’émeuve grandement l’organisation et l’opinion internationales, ordinairement plus vétilleuses. Le 8 octobre, le Hezbollah a décidé d’attaquer Israël en bombardant son territoire, obligeant près de cent mille civils habitant sa région septentrionale à se réfugier plus au Sud. C’est donc dans ce cadre moral et militaire assez unilatéral que nous devons à présent apprécier certaines réactions hexagonales.

Nous devrions en effet faire l’économie de la réaction onusienne, condamnant Israël de manière pavlovienne et automatique. Son secrétaire général, Antonio Guterres considérant le fait de s’en prendre à des objets civils (les bipeurs) constitutif d’un crime de guerre. Celui-ci s’étant pourtant abstenu de condamner comme criminel le fait par le Hezbollah de s’en prendre auparavant à des civils de chair et d’os.

Un esprit simple pourrait au contraire considérer que l’État agressé, sauf à abdiquer son obligation première et sacrée de défendre la vie de ses citoyens, pouvait difficilement utiliser des moyens sophistiqués plus ciblés pour mettre hors d’état de nuire les terroristes en tentant, autant que faire se peut, d’épargner les civils avoisinants. Ici habite en effet la différence essentielle entre les adversaires : le terroriste islamiste cible uniquement le civil juif et se protège derrière les siens tandis que l’État Juif agressé cible uniquement le terroriste en tentant d’épargner les civils trop souvent touchés. Mais il se trouve que le raisonnement onusien précité qu’un esprit chagrin pourrait taxer de pervers a été repris sans ambages en France.

C’est le journal Le Monde, le 19 septembre, qui écrit dans son éditorial: « Les responsables de l’opération n’avaient aucune garantie que les explosions qu’ils allaient déclencher atteindraient bien les possesseurs visés du dispositif piégé, ni qu’elles ne toucheraient pas également des personnes à proximité sans lien aucun avec ces derniers. Procéder ainsi n’emprunte-t-il pas au terrorisme que l’on prétend combattre ? » Il se trouve précisément que le lecteur ne trouvera dans cet éditorial la moindre critique de ce Hezbollah terroriste…

Jean-Michel Apathie a repris sur RTL le même raisonnement controuvé. La station BFM, ordinairement objective, a cru devoir diffuser le 20 septembre, de manière anodine, l’interview d’un « formateur du département sportif du Hezbollah ». Je n’ai pas souvenance que l’on ait souvent interrogé au lendemain du 11 septembre des membres d’Al Qaida, fussent-ils par ailleurs d’excellents éducateurs.

Sur le plan politique la même confusion politique règne chez certains esprits. Je ferai grâce à mon lecteur des prises de position sans surprises de députés de La France insoumise, acquis désormais à la cause des ennemis les plus fanatiques et antisémites de l’État Juif. Mais c’est la position du président de la République qui est tristement la plus symbolique de la confusion des esprits. Voilà que celui-ci, au lendemain de l’affaire des bipeurs mais aussi au surlendemain d’un déluge de roquettes sur le territoire israélien, a cru devoir s’adresser ainsi : « Libanaises, libanais, dans le chagrin, l’espoir est une denrée rare. Dans cette confusion, dans ce chagrin, la France se tient à vos côtés ».

Confusion est effectivement le mot qui vient à l’esprit. À aucun moment, le président n’a eu un mot pour les civils israéliens. Surtout, en tant que protecteur traditionnel du Liban, il n’a pas eu un mot critique sur le Hezbollah, responsable du calvaire de ce pays en lambeaux et à la souveraineté perdue. J’en viens ainsi à ma conclusion. Dans une France encore éprise du bonheur et de la sécurité de ses enfants, ayant conservé la mémoire reconnaissante de ses soldats suppliciés, le jour du châtiment du responsable principal de la mort de cinquante-huit de ceux-ci aurait dû être un jour de sentiment de justice enfin rendue.

Pour ne pas écrire de gratitude. Il n’en a rien été. Notable exception qui confirme la triste règle, seul le maire de Béziers Robert Ménard a osé le formuler sans ambages au micro d’Europe 1 dimanche matin. J’y vois la sombre preuve que l’indulgence pour le Hezbollah terroriste n’a pas pour cause unique un anti-israélisme devenu pathologique. Elle a aussi pour cause associée la haine de l’Occident. Tristes temps en effet où l’Occident est non seulement haï de l’extérieur mais également de l’intérieur. Et s’il s’agissait en notre époque de grande confusion morale et mentale de la détestation de soi?

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il a publié Journal de guerre. C’est l’Occident qu’on assassine (Fayard, 2024). Il est également président d’Avocats sans frontières.

JForum.fr avec www.lefigaro.fr
«À aucun moment, le président n’a eu un mot pour les civils israéliens. Surtout, en tant que protecteur traditionnel du Liban, il n’a pas eu un mot critique sur le Hezbollah, responsable du calvaire de ce pays en lambeaux et à la souveraineté perdue.» JOEL SAGET / AFP

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