Arié Bensemhoun (Radio J).
Face à la menace d’une invasion de l’Ukraine par la Russie, les Occidentaux redoutent l’éventualité d’un conflit de grande ampleur sur le territoire européen dont seule dépend la volonté de Vladimir Poutine, et tentent de jongler entre la dissuasion, par le biais de lourdes sanctions en cas d’attaque, et le dialogue, qui ne garantit pas une issue favorable. Les efforts de concertation entre les capitales occidentales ont redoublé ce week-end.
Après avoir parlé avec Emmanuel Macron dimanche 13 février, Joe Biden s’est également entretenu dans la journée avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a appelé à ne pas céder à la « panique ». Olaf Scholz, s’apprête à son tour à rencontrer Vladimir Poutine au Kremlin mardi, au lendemain d’une visite en Ukraine. Il s’agit pour le successeur d’Angela Merkel de répondre aux critiques sur l’attitude de son gouvernement, accusé par ses détracteurs de « complaisance » avec Moscou.
Mais au-delà du bouclier diplomatique mis en place par les puissances alliées, la crise ukrainienne doit nous interpeler sur les conséquences qu’elle pourrait avoir au Moyen-Orient en signalant notamment à l’Iran qu’il peut encourager davantage d’attaques par procuration dans la région. Ce sentiment actuel d’impunité face aux intimidations russes, et la perception que l’ordre mondial dirigé par les Etats-Unis s’est fracturé, pourraient bien encourager les ennemis d’Israël. L’alliance des pays autoritaires que forment la Chine, la Russie, l’Iran et la Turquie constitue un défi majeur pour les intérêts américains et occidentaux.
En Israël, la ministre de l’Alyah et de l’Intégration, Pnina Tamano-Shata, a déclaré avoir chargé son ministère de se préparer à un scénario de milliers d’immigrés en cas d’attaque russe. L’opération prévue comprend leur sauvetage, leur arrivée en Israël et un logement temporaire. Les détails de l’opération restent flous, mais tous les ministères et organismes officiels concernés se réunissent régulièrement depuis plusieurs semaines pour créer le plan d’évacuation potentiel.
Selon de hauts responsables du gouvernement israélien, environ 200 000 résidents ukrainiens sont éligibles pour s’installer en Israël en vertu de la loi du retour. Le ministère des Affaires étrangères a également appelé samedi soir les Israéliens vivant en Ukraine (10 000 à 15 000 environ) à rentrer immédiatement.
La vice-ministre ukrainienne des Affaires étrangères, Emine Dzheppar, était dimanche à Jérusalem pour rencontrer le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, et demander à l’Etat hébreu de « s’impliquer davantage » aux côtés de Kiev. « Nous avons eu une réunion très fructueuse avec M. Lapid« , a-t-elle déclaré, indiquant avoir transmis « les messages de du président Zelensky. Notre estimation est qu’Israël soutient l’intégrité nationale territoriale de l’Ukraine, et il y a un potentiel énorme pour renforcer ce soutien en termes de coopération militaire et technologique« , a-t-elle assuré, ajoutant: « C’est dans le besoin que l’on reconnaît ses vrais amis« .
Naftali Bennett aurait donné des instructions aux ministres du gouvernement de ne pas s’exprimer publiquement sur les actions de la Russie et limiter tout commentaire public concernant l’évacuation des Israéliens d’Ukraine. Israël entretient une relation sensible avec la Russie en raison de l’alliance de Moscou avec la Syrie, où Israël effectue depuis des années des frappes sur des cibles liées à l’Iran. Benyamin Netanyahou était parvenu à nouer des relations de proximité avec Poutine tandis que ce dernier semblait apprécier Netanyahou au point d’en avoir fait son invité d’honneur lors des cérémonies de l’armistice du 9 mai en 2018. Parallèlement, les relations diplomatiques entre Israël et l’Ukraine qui ont marqué, en décembre dernier, leur 30e anniversaire se sont consolidées au fil des ans, et en particulier depuis février 2011, après la signature d’un accord de libre-échange entre les deux pays.
Israël joue aussi la carte de la prudence avec l’Ukraine. Pour ménager l’ours russe, l’Etat hébreu s’est toujours abstenu de fournir des armements et équipements électroniques à usage militaire à des pays de l’ex-URSS en conflit avec Moscou, tels que la Géorgie ou l’Ukraine. Mais jusqu’à quand pourra durer ce jeu d’équilibriste ?