Téhéran va-t-il lâcher le Hezbollah et le Hamas ?

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Un projet de loi contre le financement du terrorisme a été voté par le parlement iranien. Certains experts craignent que cela ne remette en cause les liens entre l’Iran et Hezbollah et le Hamas. Pour d’autres, cette prévision est hors de propos.

Tenaillé par les sanctions économiques et le mécontentement interne conséquent, l’Iran va-t-il devoir faire des compromis qui remettraient en cause ses alliances régionales ? C’est ce que craignent certains opposants au projet de loi contre le financement du terrorisme adopté par le parlement iranien le 7 octobre, par 143 voix pour et 120 contre. Un texte critiqué par une frange des conservateurs mais considéré comme indispensable pour sauver l’accord sur le nucléaire avec les partenaires de Téhéran, après le retrait américain.

Le projet de loi doit cependant encore être approuvé par le Conseil des Gardiens de la Constitution. Il a pour objectif de permettre à l’Iran de se conformer aux normes internationales et d’adhérer à la Convention de l’ONU pour la répression du financement du terrorisme. Il fait partie de l’un des quatre textes mis en avant par le gouvernement iranien au cours des derniers mois pour répondre aux demandes du Groupe d’action financière (Gafi), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces qui lui sont liées, pour l’intégrité du système financier international. Celui-ci a donné à Téhéran jusqu’à la fin du mois pour renforcer sa législation en la matière, d’où le vote de ce projet de loi.

«Ni le président ni moi ne pouvons garantir que tous les problèmes seront résolus si nous adhérons [à la Convention onusienne]», a affirmé le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, au cours d’un débat précédant le vote. «Mais je peux assurer que ne pas y adhérer donnera aux Etats-Unis plus d’excuses pour accroître nos problèmes», a-t-il ajouté. Le rétablissement des sanctions américaines à la suite du retrait en mai 2018 des Etats-Unis de l’accord nucléaire conclu à Vienne trois ans plus tôt a plongé l’Iran dans une situation économique très délicate. Les autres signataires de l’accord de Vienne, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Chine et la Russie, disent vouloir continuer à appliquer l’accord et à maintenir des liens commerciaux avec l’Iran, mais demandent à ce qu’il adhère à la Convention onusienne.

L’Iran va-t-il abandonner le Hezbollah et le Hamas?

Le 7 octobre, les conservateurs ont exprimé leur colère après l’adoption du projet de loi, et des manifestants entonnaient «Mort aux traîtres» à l’extérieur du Parlement. Même si un précédent projet de loi sur les mécanismes de contrôle et de prévention du financement du terrorisme avait déjà été approuvé en août par le Conseil des Gardiens de la Constitution, ce nouveau texte divise profondément les députés iraniens.

Pour certains de ses opposants, cette loi aura pour effet de stopper le soutien iranien au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien, deux mouvements classés «terroristes» par les Etats-Unis. L’Union européenne considère pour sa part le Hamas et la branche armée du Hezbollah comme des organisations terroristes.

Toutefois, la crainte d’un arrêt du soutien au Hezbollah et au Hamas n’est pas partagée par Walid Charara, chercheur en relations internationales au centre consultatif pour les études et la recherche du Hezbollah. Contacté par RT France à ce sujet, celui-ci considère que lorsqu’on parle de terrorisme, il faut revenir aux définitions. «L’Iran n’a jamais considéré les mouvements du Hezbollah ou du Hamas comme des terroristes», rappelle-t-il. «Bien au contraire, ces organisations sont considérées par Téhéran comme des organisations de résistance. L’Iran a même des structures qui sont chargées de soutenir ces organisations. Il n’y a rien de secret là-dedans. Ce sont des liens, profonds, importants, et ça ne va pas changer», ajoute Walid Charara.

Cependant d’autres voix semblent moins tranquilles. Dans un débat houleux avant le vote, le député Mohammad Dehghan a estimé que ce projet de loi équivalait à «fournir à l’ennemi des renseignements secrets en temps de guerre», et que son adoption relevait de la «trahison». Cette loi contraindrait vraisemblablement l’Iran à plus de transparence internationale et pourrait, selon certains observateurs, nuire aux réseaux stratégiques opérant en coulisse.

«Pas le luxe de choisir»

L’adhésion aux recommandations du Gafi est l’une des conditions posées par cet organisme pour retirer Téhéran de sa liste noire des pays ou territoires non coopératifs. L’Iran et la Corée du Nord sont les deux seuls Etats à y figurer encore. Pour le député réformateur, Mohammad Feyzi, l’Iran n’a pas «le luxe de choisir» et des actions seront menées contre lui s’il refuse d’adhérer au Gafi. Le porte-parole de la commission parlementaire à l’origine du projet de loi, Ali Najafi, a assuré que l’Iran conserverait la capacité à se retirer à tout moment de la Convention onusienne si elle contrevient à ses intérêts.

Une guerre de basse intensité

Pour Walid Charara, les sanctions et la pression internationale actuelles qui visent l’Iran se déroulent dans le contexte de ce qu’il qualifie de «guerre de basse intensité entre l’Iran et les Etats-Unis et entre l’Iran et Israël». Une guerre où l’utilisation des moyens militaires est limitée mais où la guerre de l’information et les stratégies de déstabilisation feraient rage. «C’est ce qu’on appelle une guerre hybride avec une multitude de moyens militaires et non militaires qui sont mis en place, sans confrontation militaire ouverte», explique le chercheur, qui estime toutefois que «le risque de guerre réelle est cependant très grand».

Meriem Laribi

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