La stratégie de la Russie conduite par Vladimir Poutine consiste à s’imposer dans toutes les zones de vide stratégique et politique.
L’essentiel, c’est de tirer partie des occasions diplomatiques qui se présentent dans le tumulte de la scène internationale. La Russie a déja placé ses pions en Syrie.
l’Europe et les Etats-Unis exigeaient le départ de Bachar El Assad, le dictateur syrien responsable de la mort de centaines de milliers de Syriens pour régler politiquement la crise qui a conduit à la guerre civile en Syrie. Poutine lui, choisissait de prendre le contre-pied de cette exigence et il parvenait à faire admettre, même aux Américains, qu’éliminer Bachar el Assad et son armée serait une erreur. Il présentait Bachard comme le rempart contre l’extension djihadiste, accusée d’être associée aux forces rebelles syriennes.
Poutine a su imposer Bachar El Assad, mieux, il est venu à son secours avec son aviation et il a entrepris d’aider le président syrien à reconquérir la Syrie, ce que personne ne croyait vraiment possible.
Les Russes se sont imposés dans des bases militaires marines et ont déployé leur aviation, laquelle a généreusement bombardé sans état d’âme, les forces hostiles à Bachard.
L’aviation russe aidée du Hezbollah et de l’Iran a fait payer un prix très élevé en victimes aux populations qui se trouvaient sur sa trajectoire. Des civils parfois massacrés par des gaz chimiques sans adresse, jamais revendiqués par Bachard. Les Russes sont enfin parvenus à atteindre leurs objectifs en Syrie, d’abord celui de s’imposer légitimement suite à la demande du régime de Bachar, lequel a pu ainsi retrouver environ 40 % de son territoire initial. Un résultat qui a bénéficié à la diplomatie et à la stratégie du Kremlin.
Le départ des Américains de Syrie et l’offensive turque contre les Kurdes jouent maintenant en faveur de Poutine qui vise déjà à se présenter comme un médiateur.
En attendant, les Kurdes ont finalement souhaité la protection des forces syriennes de Bachar et des Russes pour échapper à un massacre perpétré par les Turcs. Un accord a été évoqué dans ce sens.
Autre zone de confrontation, le Yémen qui place l’Iran et l’Arabie Saoudite en position d’ennemis.
L’Iran allié de Poutine et de la Russie souhaite une éventuelle médiation russe qui lui serait favorable.
Les Américains ont accusé un recul diplomatique car ils n’ont pas été capables de défendre les intérêts saoudiens du pétrole, contre les attaques de drones qui ont détruit une partie des installations pétrolières saoudiennes.
Washington s’est abstenu d’intervenir et les systèmes de défense Patriot dont est équipée l’Arabie Saoudite ont été insuffisant pour neutraliser l’attaque de missiles et de drones iraniens dissimulés sous la fausse étiquette des rebelles Houthis du Yémen.
Vladimir Poutine a proposé, le 16 septembre, à l’Arabie Saoudite d’acheter un système de missiles antiaérien russe pour défendre son territoire après les attaques qui ont visé ses infrastructures pétrolières .
Nous sommes prêts à aider l’Arabie Saoudite pour qu’elle puisse protéger son territoire a lancé Poutine. ”On pourrait le faire de la même manière que l’Iran l’a déjà fait en achetant les systèmes de missiles russes S-300 et de la même façon que la Turquie a acheté les systèmes russes S-400 ” a déclaré le président Poutine à Ankara.
Cette fois Poutine va plus loin encore, il a été accueilli lundi en grande pompe en Arabie Saoudite où il avait prévu de sceller l’entente avec les Saoudiens sur le pétrole et de tenter d’user de son influence pour réduire les tensions dans le Golfe entre Ryad et Téhéran.
Salué par des coups de canon à son arrivée à l’aéroport de Ryad, Poutine s’est vu accompagné par des cavaliers saoudiens portant des drapeaux russes, jusqu’au palais royal où il a été reçu par le roi Salmane et le prince héritier Mohammed Ben Salmane.
Le président russe et le roi saoudien se sont brièvement entretenus avant une réception solennelle en l’honneur de Vladimir Poutine, retransmise par la télévision saoudienne.
Des pourparlers entre les délégations respectives, ainsi que ceux entre Poutine et le prince héritier ont eu lieu plus tard dans la journée et ils ont été marqués et dominés par le sujet du pétrole.
L’Arabie saoudite, chef de file de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et la Russie, bien que non membre du groupe, coopèrent étroitement ces dernières années pour limiter l’offre de l’or noir et tenter d’en faire remonter le prix.
La dernière prolongation des réductions de la production, décidée par 24 états producteurs de pétrole, rassemblés sous l’appellation “OPEP+”, expire fin mars 2020.
Selon le ministre russe de l’Énergie, Alexandre Novak, Moscou et Ryad ont prévu de signer une charte de coopération à long terme de l’OPEP+,en officialisant ainsi un accord approuvé en été à Vienne.”Nous allons absolument travailler avec l’Arabie Saoudite et avec nos autres partenaires et amis dans le monde arabe pour réduire à zéro toute tentative de déstabiliser le marché pétrolier, a assuré le président russe dans un entretien à des chaînes de télévision arabophones.
Poutine a fait à cette occasion l’éloge de “ses très bonnes relations avec le roi, comme avec le prince héritier”. Moscou et l’allié traditionnel des États-Unis, Ryad, ont affiché ces dernières années un rapprochement spectaculaire, marqué notamment par une visite en Russie du roi Salmane en octobre 2017, une première historique.
Un an plus tard, alors que Mohammed Ben Salmane était sous le feu des critiques après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en Turquie, Vladimir Poutine a salué le prince héritier saoudien d’une poignée de main enthousiaste et très remarquée devant les dirigeants du G20.
Fort de ces relations avec Ryad et en même temps allié à l’Iran, ennemi juré du royaume, Moscou pourrait chercher à “jouer le rôle de pacificateur” dans les tensions irano-saoudiennes, estiment des analystes politiques russes .Faisant mine de ne pas prendre parti, la Russie a réagi en balayant les “conclusions hâtives” visant l’Iran comme responsable de l’attaque contre l’Arabie Saoudite.
”Nous allons tout faire pour créer les conditions nécessaires pour une dynamique positive visant à calmer les tensions” a souligné Poutine, dans son entretien aux chaînes de télévision arabophones.
En Syrie, les Russes, alliés au régime de Bachar al-Assad et à l’Iran, et les Saoudiens qui soutiennent l’opposition, sont dans des camps opposés.
Un autre objectif russe: le conflit syrien était à l’agenda des discussions de Vladimir Poutine à Ryad, selon le conseiller du Kremlin, Iouri Ouchakov, c’est une autre preuve du dynamisme du Kremlin si c’était nécessaire, face à la passivité américaine.
On peut penser désormais que Moscou s’est totalement emparé du dossier syrien comme moteur de son influence dans la région et s’emploie à modeler les prochains développements diplomatiques et stratégiques pour leur donner la tournure qui servira ses intérêts.
“Il est important pour la Russie qu’un pays arabe participe au règlement politique en Syrie”, a expliqué le politologue Fedor Loukianov, car jusqu’ici “seuls trois pays non arabes” sont impliqués, la Turquie, la Russie et l’Iran.
Enfin, la visite de Poutine et sa délégation auraient donné lieu à la signature d’une trentaine d’accords et de contrats, dont une dizaine dans les secteurs des hautes technologies, notamment de l’intelligence artificielle, de l’énergie et de l’infrastructure pour un montant de plus de deux milliards de dollars.
Poutine poursuit ses investigations et son offensive diplomatique de séduction, après l’Arabie Saoudite, l’envoyé du Kremlin pousse ses pions aux Émirats arabes unis pour s’y entretenir avec le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed Al-Nahyane.