Comment les Frères musulmans ont envahi l’Europe

Comment les Frères musulmans ont envahi l’Europe

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Europe: l’islam face à l’entrisme des Frères musulmans

EXCLUSIF – Dans Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, dont nous publions des extraits en avant-première, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler révèle comment les Frères musulmans, la plus secrète des organisations islamistes, ont réussi à faire de l’Union européenne la base avancée de leur projet de conquête du monde.

De la décapitation de Samuel Paty à la sortie de son collège aux manifestations proburkini dans les piscines, en passant par la marche contre l’islamophobie à Paris, leur ombre plane sans que jamais leur implication soit établie. Le déferlement de haine sur les réseaux sociaux contre le prof « coupable » d’avoir montré à ses élèves les caricatures de Charlie Hebdo a-t-il été orchestré par des Frères musulmans ? Rien ne permet de l’affirmer. Les militantes de l’Alliance citoyenne, qui veulent ­imposer la mode « pudique » dans les établissements municipaux, réfutent toute accointance avec l’internationale frériste. De même que le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), aujourd’hui dissous, à l’origine de la manifestation de 2019.

L’immense mérite de l’enquête que publie Florence Bergeaud-Blackler est de montrer que ces événements sans lien tangible les uns avec les autres servent un même objectif : soumettre l’Europe aux normes du fondamentalisme islamique, par la terreur, la pression ou la persuasion. Comme son précédent ouvrage, Le Marché halal ou l’Invention d’une tradition, le nouveau livre de cette chargée de recherche au CNRS éclaire dans sa totalité un tableau dont l’actualité quotidienne ne révèle que les détails les plus saillants.

Elle expose ce qu’elle appelle le « système-islam » en partant de ses textes fondateurs, de véritables plans d’action où les maîtres à penser des Frères musulmans ont décrit par le menu des ­méthodes aujourd’hui à l’œuvre en Europe. Décortiquant la nébuleuse frériste, elle recense les organisations et associations qui en sont des émanations directes, mais aussi celles qui en sont devenues des relais d’influence grâce à l’entrisme des membres de la confrérie. Ils ne peuvent agir à visage découvert : les Frères musulmans ont mauvaise presse en Europe et sont interdits car considérés comme terroristes dans la plupart des pays arabes, y compris en Égypte où ils sont nés.

Soumission

Florence Bergeaud-Blackler consacre également plusieurs chapitres aux complices de l’internationale islamiste, au sein des institutions européennes, en France et aussi en Belgique, où elle se rend souvent. Elle montre comment la capitale belge est devenue « le califat de Bruxelles », grâce à « une entreprise de noyautage des Frères musulmans dans les médias, les institutions et le monde associatif ». Et grâce, aussi, à la lâcheté et à la soumission de la plupart des acteurs du monde polico-médiatique belge.

Avec sa collègue anthropologue ­Fadila Maaroufi, elle a monté en 2020, à Bruxelles, l’Observatoire des fondamentalismes. « Sa création a pas mal bousculé le petit monde des associations laïques belges, qui ne parlait jamais de ces sujets », se réjouit-elle. Dans le cadre d’un master sur l’endoctrinement des femmes à Bruxelles, Fadila Maaroufi, née en Belgique de parents marocains, s’est infiltrée ­pendant trois ans dans une mosquée tenue par des fondamentalistes.

Ensemble, elles ont aussi ouvert à Bruxelles le Café Laïque, un café-restaurant où des auteurs de renom viennent donner des conférences, sur les atteintes à la laïcité et sur le wokisme dans ses multiples expressions. Le 15 décembre, elles avaient invité ­Caroline Eliacheff et Céline Masson, respectivement pédopsychiatre et ­psychanalyste, qui ont coécrit La ­Fabrique de l’enfant transgenre (2), pour alerter sur les ravages de la promotion du changement de sexe chez les enfants. Des militants encagoulés ont fait irruption dans le café en hurlant pour y déverser des excréments. Aucun des grands médias belges n’a mentionné cette agression.

Le combat culturel des Frères musulmans

Le travail de subversion du droit ­international peut être illustré par la très explicite stratégie de l’Isesco (Islamic Educational, Scientific and Cultural Organization), qui doit beaucoup aux directives de ­Qaradâwî. La technique d’usure des démocraties séculières par les Frères s’élabore autour du « droit à la différence », un droit qui n’existe nulle part en tant que tel mais qu’ils font dériver du principe de non-discrimination présent dans la charte des Nations unies. Pour les Frères, nous l’avons vu, la puissance technologique et économique rend improbable la réussite d’une conquête militaire sur l’Occident : c’est par l’éducation et la culture (le domaine de l’Isesco) que les démocraties ­occidentales ­céderont comme le monde musulman a cédé au XVIIIe.

Vers la fin des années 1980, les ­Frères européens ont rédigé une stratégie pour renforcer le sentiment d’appartenance à l’umma des ­communautés musulmanes installées en Occident. Elle a été publiée au Qatar, l’un des principaux bailleurs de fonds de la mouvance frériste dans le monde, par l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (Isesco), créée sur le modèle de l’Unesco pour l’Organisation de la coopération ­islamique (elle-même créée comme une copie de l’ONU), sous le titre L’Action islamique culturelle à ­l’extérieur du monde islamique. Il s’agit de donner corps à l’ambition suprémaciste des Frères en élaborant un programme destiné à empêcher les minorités musulmanes d’adopter les lois locales et les principes issus de la déclaration universelle des droits de l’homme. Dans le document, publié en anglais et en français, les Frères proposent d’« édifier la ­personnalité de l’être musulman », afin qu’il s’engage dans la vie quotidienne « à respecter les commandements d’Allah, ses prohibitions, se parer de l’éthique islamique généreuse et tolérante, fondée sur le bien, le droit, l’équité, le devoir, à agir dans le cadre de la charia qui ­repose sur deux principes : ordonner le bien, prohiber le ­blâmable ». La stratégie doit assurer une protection contre « l’invasion et l’aliénation culturelles »,« garantir la sécurité culturelle et l’immunité nécessaire au développement de la personnalité du musulman ».

Le document de l’Isesco est un texte d’une ­centaine de pages, confus, désordonné et ­répétitif. Il n’est pas signé, mais certains passages assez précis relatifs à la France suggèrent une proximité avec les­ ­textes des Frères musulmans de l’IESH (Institut européen des ­sciences ­humaines) de Château-Chinon. Le document se concentre sur l’éducation des jeunes générations nées en Occident que l’islam ne doit pas ­perdre, car ils ­seront ces messagers qui répandront la ­religion des élus partout dans le monde. Les Frères y expliquent que les ­musulmans ne sont pas « assimilables », qu’ils n’apporteront aux Occidentaux que des problèmes si ces derniers persistent à ne pas ­prendre en compte leur ­besoin ­spécifique d’être guidés par l’islam (un argument que développait ­également le roi du Maroc souhaitant garder sous son contrôle la diaspora marocaine en Europe). Du fait de leur spécificité de musulmans, ils « continuent de souffrir des humeurs racistes, notamment à ­l’occasion de l’exercice de certaines pratiques religieuses et de l’observance des préceptes religieux ». Ils sont alors victimes de « préjugés » lorsqu’ils sont tenus pour responsables des attaques terroristes, ces « pratiques déshonorantes et isolées auxquelles (l’islam) est tout à fait étranger ».

L’enseignement de la laïcité a l’école est une entrave au développement équilibré de l’enfant musulman auquel ont été inculquées les valeurs occidentales et les coutumes ­locales : « Certains problèmes dont souffrent les enfants d’immigrés […] dans les pays occidentaux sont en partie dus aux programmes scolaires qui sont destinés aux musulmans et aux Occidentaux de manière égale, et qui ont essentiellement un caractère laïque. En effet, il est difficile pour un enfant qui a reçu une éducation occidentale laïque de s’en départir, tant il en a été imprégné. De fait, ces enfants et jeunes musulmans se voient inculquer les valeurs occidentales et ­ancrer le modèle de pensée et les ­coutumes locales. » Il faut donc ­mettre en œuvre en Occident – et voilà la stratégie – « une éducation ­islamique appropriée et saine, des programmes judicieusement élaborés ayant pour objet la conscientisation, l’acculturation, l’orientation, la ­protection ­sociale (des musulmans), suivant la lettre et l’esprit de ­l’Islam ». La finalité est de « parvenir à un développement culturel durable des sociétés ­islamiques au sein des pays non­-musulmans ». Il s’agit, en résumé, de protéger la personnalité musulmane des valeurs locales afin de développer un écosystème ­islamique ­durable dans les pays non-musulmans. Il faut même l’immuniser contre son environnement ­immédiat : « Le protéger de l’invasion et de l’aliénation culturelles, garantir la ­sécurité culturelle et l’immunité ­nécessaire au développement de la personnalité du musulman en le ­formant aux principes de l’islam et de la culture islamique ».

Les Frères exigent le respect de la sacralité de l’islam aussi bien par les musulmans que par les non-musulmans. C’est pourquoi, nous l’avons vu avec la promotion du concept flou d’islamophobie, l’interdit du blasphème reste une pierre angulaire de leur plan

L’Isesco appelle les pays islamiques à maintenir des liens avec les minorités musulmanes notamment par les technologies de communication en faisant « usage de toute la gamme des moyens médiatiques afin d’assurer […] des relations et une communication, permanentes, durables et fructueuses ». […] Le secteur des médias halal éducatifs développé depuis les années 2010 est l’un des résultats de cette stratégie. Sous prétexte d’assurer aux musulmans « une image positive de soi, inspirée de la spiritualité de l’Islam », les ­Frères exigent le respect de la sacralité de l’islam aussi bien par les musulmans que par les non-musulmans. C’est pourquoi, nous l’avons vu avec la promotion du concept flou d’islamophobie, l’interdit du blasphème reste une pierre angulaire de leur plan. Ainsi la stratégie subvertit-elle les principes des droits universels pour revendiquer la ­nécessité de s’en séparer (notamment pour la jeunesse, NDLR)« pour la prémunir contre toute ­fusion dans le milieu ambiant et ­permettre de la sorte, à cette jeunesse, de conserver sa spécificité culturelle dans le cadre du droit à la différence, lequel droit est devenu un élément fondamental des droits de l’homme et un pilier de la diversité culturelle qui compte aujourd’hui parmi les bases du droit international, par référence à la Charte des ­Nations unies » (sic).

La stratégie préconise enfin le ­développement de l’enseignement islamique pour favoriser « l’enseignement des valeurs et de l’éthique ­islamique aux côtés d’une formation scientifique et cognitive ». Car seul l’enseignement islamique peut « concevoir et […] élaborer des ­visions et des méthodes éducatives à même d’épargner aux enfants de se heurter à des problèmes caractéristiques de la vie en milieu occidental et de les libérer de cette scission culturelle dont ils souffrent ». […]

L’Open society de Soros et la lutte contre l’islamophobie

Dès le début des années 2000, l’ONG du milliardaire américain George ­Soros a joué un rôle déterminant dans la dissémination du terme ­islamophobie dans les ­milieux académiques et éducatifs. L’Open Society European Policy Institute, la branche du réseau Open Society Foundations basée a Bruxelles, a financé de larges études sur le « problème musulman » ­destinées à conseiller les politiques européennes pour une société plus « inclusive ». […]

Le rapport signé Tufyal Choudhury, conseiller de l’Open Society UK de 2006 à 2015, s’apparente à un véritable manuel frériste. Ce chercheur sur les questions de sécurité nationale s’est spécialisé dans la lutte contre la radicalisation djihadiste en proposant des programmes de réinsertion des djihadistes et de défense des droits humains. Il fait partie de ces activistes qui ont pu disséminer via l’Open ­Society la théorie selon laquelle si les musulmans ne coopèrent pas ­davantage contre l’islamisme, c’est que les­ ­forces de police antiterroristes ne sont pas dignes de confiance. Il a ainsi pu proposer « ses solutions » donnant plus d’autonomie politique aux musulmans, soit précisément ce que veulent les Frères. On y trouve une série de recommandations comme accroître la participation des musulmans, tant au ­niveau national que local, sur les questions de politique et de pratique éducatives. Les autorités éducatives locales sont invitées à explorer la possibilité de fournir une éducation non mixte comme option offerte aux parents dans les territoires a forte ­population musulmane. Il est suggéré d’établir « des procédures de ­diffusion des bonnes pratiques pour répondre aux besoins des élèves ­musulmans », et également de ­remplacer les écoles anglicanes par des écoles musulmanes la ou les ­musulmans sont nombreux.

Il est conseillé de faciliter les pratiques ­islamiques dans l’espace public et en particulier dans les lieux d’éducation : « Le gouvernement devrait ­mettre en place un système de prêts étudiants qui n’implique pas que les étudiants musulmans de l’enseignement supérieur soient tenus d’agir contre les règles islamiques sur le ­paiement et la perception des ­intérêts. »[…]« Les universités et autres établissements d’enseignement inférieur et supérieur devraient veiller à ce que des installations de prière (y compris les installations sanitaires ­nécessaires) soient mises à la disposition des musulmans sur tous les campus ; que des aliments conformes aux exigences diététiques islamiques soient disponibles dans les réfectoires des étudiants ; et qu’aucun étudiant ­musulman ne soit obligé de porter des vêtements qui contreviennent aux ­règles musulmanes en matière de ­modestie et de décence. […] Les universités et autres établissements ­d’enseignement inférieur et supérieur devraient élaborer des politiques ­officielles sur l’islamophobie dans le cadre de leurs politiques d’égalité des chances et de relations raciales, et ­devraient élaborer des procédures ­sensibles pour signaler les incidents de harcèlement religieux et de discrimination à la fois sur le campus et hors du campus. […]

Les écoles devraient prendre toutes les mesures possibles pour vérifier l’exactitude factuelle des représentations de l’islam dans les manuels et les livres de bibliothèque qu’elles utilisent, et pour vérifier qu’elles incluent des photos d’élèves musulmans de manière dépourvue de portée symbolique (non tokenistic way) dans les manuels pour toutes les matières. […] Les autorités éducatives locales et les écoles devraient veiller à ce que là où la citoyenneté est enseignée en tant que matière scolaire, elle soit ­enseignée d’une manière qui soit sensible aux problèmes particuliers auxquels sont confrontés les musulmans en tant que citoyens britanniques. Cela peut nécessiter l’élaboration de matériels spécifiques relatifs aux ­musulmans et à la citoyenneté que les écoles peuvent utiliser à la fois avec les élèves musulmans et dans le contexte du développement de la compréhension et du respect interculturels. […] . »

Dans un autre rapport, Choudhury (2017) explique que les musulmans ont été dénigrés et dominés, et qu’en conséquence un activisme islamique est une étape vers l’intégration ­civique. Il explique que les musulmans s’identifient en partie à l’islam en réaction au milieu qui les rejette, que les hommes musulmans ont été dominés, qu’ils réagissent donc en mobilisant une identité forte, voire radicale. Pour lui, l’identité musulmane peut jouer un rôle dans la ­définition du sens de la masculinité chez les jeunes hommes musulmans, qui peuvent ainsi construire une identité musulmane « forte » pour résister aux stéréotypes de faiblesse ou de passivité. Autrement dit, il faudrait accepter la violence des hommes, s’ils sont musulmans, si l’on ne veut pas qu’ils se sentent ­humiliés et deviennent violents : « L’activisme pour des causes ­ethniques et islamiques, même ­lorsqu’il a été conflictuel, a accéléré l’intégration musulmane.

Une telle participation permet de s’engager dans d’autres formes de participation civique et politique. Alors que la ­politique identitaire ­musulmane peut être un déclencheur important pour la mobilisation et la participation, le processus de participation est en soi transformateur et les individus sont alors plus susceptibles de s’engager dans des processus plus larges ­d’engagement civique. » Il en conclut ainsi que le salut du Royaume-Uni ­réside dans la religion, que les autorités religieuses peuvent résoudre le problème de la radicalisation : « La qualité et la confiance du ­leadership religieux sont essentielles parce que le succès de la lutte contre la radicalisation consiste à fournir aux musulmans les connaissances et les idées nécessaires pour affronter les ­groupes extrémistes. »

Il peut ainsi sans fin allumer l’incendie en ­prétendant l’éteindre.

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