Les Français arrivent en grand nombre en Erets Israël. Souvent, l’un de leurs problèmes est celui des institutions pédagogiques adéquates pour leurs enfants. S’il n’est pas possible d’indiquer des solutions toutes faites, car chaque jeune a son histoire et chaque famille son cadre, il nous a semblé toutefois important de parler d’options qui ne sont pas toujours connues de notre public, et auxquelles il y a lieu de s’intéresser. |
Pour cette fois-ci, parlons de Chouvou. Précisons toutefois que la tradition dans les écoles de ce groupe est plutôt portée sur des familles russes, donc non pratiquantes. De ce fait, le cadre qu’elles proposent correspond à celui de familles totalement éloignées de la pratique, situation peu fréquente chez les familles françaises. Il existe, comme on le sait, de nombreuses autres institutions pédagogiques très valables pour des enfants d’un certain niveau de pratique, partout dans le pays ; il faut au cas par cas se renseigner auprès des cadres adéquats. Nous comptons en parler dans les prochains numéros.
Certains enfants et adolescents juifs d’Israël peuvent avoir une scolarité toute tracée : les jeunes ‘Harédim (orthodoxes), issus de familles pratiquantes, suivront presque à l’unanimité un parcours ‘Héder-Yechiva ; les enfants des milieux plus assimilés, quant à eux, se tourneront d’office vers les établissements laïques, où l’accent n’est nullement porté sur le monde religieux. |
Pourtant, aujourd’hui, à l’heure où la violence dans les écoles publiques atteint des sommets auxquels le niveau scolaire semble de moins en moins oser prétendre, un nombre croissant de parents non religieux s’inquiètent quant à l’avenir professionnel et moral de leurs enfants. Et lorsqu’ils se mettent à chercher une alternative, Chouvou répond présent.
Cette chaîne d’écoles privées sous contrat, fondée par l’un des Grands de la Tora américain, le rav Avraham Pam, en 1989, avait comme visée initiale l’intégration des nombreux immigrants russes de l’époque en Terre sainte. Généralement tout à fait assimilés, ils pouvaient, en suivant ce cursus, redécouvrir des valeurs de base du judaïsme, tout en bénéficiant d’un enseignement profane de qualité supérieure.
Avec le temps et la demande locale, Chouvou est devenu ouvert à tout Juif qui souhaite une garantie d’évolution plus positive, autant en termes d’études que de conscience religieuse.
Des conditions idéales
Comme l’indique rav ‘Haim Gutterman, directeur de Chouvou, le système met tout en place pour donner aux jeunes l’envie d’apprendre et d’évoluer dans le bon sens. Avec des classes d’effectifs inférieurs à la moyenne, l’attention des professeurs peut être portée sur les points forts, difficultés et lacunes de chacun, guidant ainsi le groupe à un rythme scolaire de haut niveau, soutenable par tous.
Par ailleurs, la proximité avec les enseignants (dont 95% sont strictement orthodoxes) offre aux jeunes l’opportunité de les connaître, de les apprécier et de suivre leur conduite. Que de tel, en effet, que l’éducation par l’exemple ? Le climat de confiance établi confère souvent aux membres du personnel un statut bien plus conséquent que celui d’instituteur ou de professeur : nombre d’élèves n’hésitent pas à leur parler d’eux-mêmes, à leur exprimer leurs sentiments et craintes, ou à les questionner sur leur pratique religieuse. Cette relation est d’ailleurs encouragée par Chouvou : les élèves disposent du numéro de téléphone privé de chacun des enseignants, et participent souvent à leurs célébrations familiales ; parallèlement, les professeurs n’hésitent pas à rendre visite aux jeunes, et parfois aussi, à s’entretenir avec leurs parents.
Ce lien unique, auquel s’ajoutent la gratuité des transports quotidiens et la perspective d’un déjeuner chaud chaque jour (au lieu du sandwich traditionnel), contribue sans nul doute à faciliter le réveil des jeunes au petit matin… surtout quand ils savent qu’après une année d’investissement intellectuel, Chouvou leur offrira l’opportunité de centre aérés et de nombreuses activités estivales !
Vers des valeurs qui s’estompent
En se tournant vers Chouvou, les parents sont rassurés : ils savent que leurs enfants ne feront pas l’objet d’agressivité de la part de leurs camarades, et qu’ils ne choisiront pas la direction de la violence, malheureusement si commune de nos jours. De fait, comme l’indique rav ‘Haim Gutterman, « A Chouvou, on se bat contre l’animosité. Nos enfants n’ont pas besoin de garder leur cartable sur le dos durant les récréations, car personne ne le leur volera ». On y transmet les valeurs du respect d’autrui et de ce qui lui appartient, concept souvent dédaigné dans le milieu israélien populaire. Bagarres, insultes et mépris sont prohibés, et l’accent est porté sur la solidarité et la considération. On s’habitue étalement à prendre à cœur sa judéité et les principes de tseni’outh : garçons et filles (séparés dès l’âge de dix ans), portent respectivement des kippoth et des jupes, et tous prient au moins l’office du matin. S’ils ne peuvent, ce faisant, refléter l’image de leurs parents, ils s’habillent et agissent pour sûr à l’instar de leurs enseignants tant estimés.
En plus de transmettre les valeurs « sur le terrain », les professeurs dispensent également plusieurs heures hebdomadaires d’éducation religieuse. Les cours de qodech portent sur l’histoire et la pensée juive, la Halakha et bien d’autres domaines.
Enfin, force est de constater que Chouvou prend le terme d’éducation au sens large. Afin d’assurer une orientation similaire des parents et des enfants, des cours sont organisés pour tous, souvent dans des Chabbatonim, ou « Chabbath pleins ».
Ainsi, évocation de notions confuses pour les uns, véritable découverte pour les autres, l’attitude du corps enseignant et les cours religieux qu’il prodigue sont l’occasion pour les élèves de Chouvou de côtoyer, et parfois d’adopter nos principes.
L‘intégration des ‘Olim français
On n’a pas besoin d’être israélien pour entrer à Chouvou : en effet, rav Gutterman assure qu’« il suffit d’être juif ». Tout est mis en place pour l’intégration des enfants et jeunes issus d’autres nationalités, à commencer par un Oulpan au CP.
Toutefois, la proportion d’enfants francophones ne peut passer inaperçue. En effet, les vagues d’immigration toujours plus grandes en provenance de l’Hexagone impliquent l’intégration d’un nombre croissant d’enfants, dont l’hébreu est rarement constitué de plus de trois mots, et dont le bagage religieux n’est pas toujours évident. « Nous avons récemment admis un jeune garçon qui n’avait jamais mis les pieds à l’école juive, en France », déclare rav Gutterman. Pourtant, même des parents plus traditionnalistes tendront à ignorer l’option du ‘Héder, où l’enseignement profane est bien plus restreint que ce à quoi l’on peut être habitué en France. N’étant pas convaincus d’envoyer plus tard leur fils en Yechiva et leur fille en séminaire, ils souhaitent leur donner les outils pour pouvoir un jour travailler. Bien sûr, Chouvou, où ni valeurs ni études ne sont négligées, constitue la solution parfaite. L’école de Netanya compte parmi ses élèves 150 français, et celles de ‘Hédéra et d’Achdod en ont également admis un grand nombre, récemment.
Chouvou s’adapte au mieux aux besoins particuliers de ces nouvelles recrues. Les professeurs entrent en contact avec les parents pour discuter de leur enfant. On organise des cours de Tora en français pour les petits et les grands, on forme des synagogues françaises et, bien sûr, on aimerait engager des tuteurs francophones, et proposer à ces jeunes ‘Olim un créneau journalier de soutien scolaire, afin de faciliter leur adaptation à ce nouveau monde. Néanmoins, les aides financières ne faisant visiblement pas leur aliya aussi rapidement que les jeunes, les moyens manquent pour une intégration optimale. Rav Gutterman insiste : « Les Français constituent une part de plus en plus importante de nos effectifs, et ajoutent beaucoup à nos écoles. Nous aimerions vraiment pouvoir les aider au maximum ».
Pour le rav Amoyelle, directeur de la chaîne Ozar haTorah, Chouvou constitue la destination parfaite pour la majorité des Juifs français d’aujourd’hui.
Un avenir certain
Chouvou a pour l’heure changé les vies de dizaines de milliers d’enfants et adolescents. Avec ses 19 écoles maternelles, 17 écoles primaires et neuf collèges et lycées, cette chaîne nationale compte aujourd’hui plus de 7000 inscrits, dans pratiquement toutes les grandes villes d’Israël. Son taux de réussite au bac s’avère bien supérieur à celui des écoles publiques (88% contre 60%), et assure à ce système une réputation de valeur auprès des universités et écoles supérieures (comme Makhon Lèv et Makhon Tal), auxquelles bon nombre d’élèves s’inscrivent ensuite.
D’autres jeunes, quant à eux, préfèrent se diriger vers l’armée ou le Chérouth Leoumi (service civil). Une proportion non négligeable, enfin, entre sereinement dans le monde des Yechivoth et des séminaires.
Mais quel que soit le parcours choisi, l’enseignement des valeurs et des préceptes religieux laisse sa trace bénéfique dans chaque esprit, et il n’est pas rare d’entendre que des familles entières se mettent à manger cachère et à faire Chabbath sur l’initiative de leur enfant, scolarisé à Chouvou.
Il y a vingt-cinq ans, le rav Pam avait-il entrevu l’impact incommensurable de son projet ? Et aujourd’hui, un parent mesure-t-il combien de bénéfice son enfant et toute sa famille peuvent tirer d’un choix judicieux ? |