Les États-Unis suggèrent à la Turquie de céder ses systèmes russes de défense aérienne S-400 à l’Ukraine
Le 16 mars, le président américain, Joe Biden, a annoncé que les États-Unis débloqueraient une aide supplémentaire de 800 millions de dollars au bénéfice des forces ukrainiennes, afin notamment de renforcer leurs capacités de défense aérienne, avec au moins 800 systèmes anti-aériens portables [MANPADS] Stinger.
Dans le même temps, Washington a suggéré aux pays de l’Otan dotés de systèmes de défense aérienne de facture russe de les céder à Kiev. Quatre alliés sont ainsi concernés : la Grèce, la Slovaquie, la Bulgarie, avec le S-300 et la Turquie, qui a récemment acquis des S-400 « Triumph ».
Pour le moment, le ministre slovaque de la Défense, Jaroslav Nad, a fait savoir, le 16 mars, que Bratislava pourrait donner une suite favorable à la demande américaine mais à condition d’obtenir des systèmes de remplacement. La Bulgarie a exclu de céder ses S-300 à l’Ukraine, son président Rumen Radev, ayant estimé qu’une telle livraison équivaudrait à entraîner son pays dans la guerre.
Quant à la Grèce, il n’est pas non plus question pour elle de se séparer des deux systèmes S-300 récupérés auprès de Chypre dans les années 2000, afin de mettre un terme à une crise diplomatique avec la Turquie.
Le don de S-300 à l’Ukraine a du sens dans la mesure où les forces ukrainiennes connaissent bien ce système pour l’utiliser… Ce qui n’est pas le cas des batteries S-400 « Triumph » acquises par Ankara auprès de Moscou.
Pourtant, des responsables américains ont suggéré aux autorités turques de céder les S-400 en question à Kiev, selon plusieurs sources sollicités par l’agence Reuters. Le sujet aurait récemment été abordé par Wendy Sherman, la numéro deux de la diplomatie américaine, lors d’un récent déplacement à Ankara.
Pour rappel, l’acquisition de systèmes S-400 a valu à la Turquie d’être exclue du programme d’avions de combat F-35A, dans le cadre duquel elle avait commandé 100 exemplaires. En outre, son industrie de l’armement a été sanctionnée par l’administration Trump, au titre de la loi américaine dite CAATSA. Depuis, Ankara cherche à se procurer des F-16 « Viper », ce qui s’avère également compliqué, étant donné sa mauvaise presse au Congrès des États-Unis.
Seulement, la suggestion de Washington est visiblement restée lettre morte pour le moment. Et il y a de fortes chances qu’elle le demeure par la suite. En effet, si elle est proche de l’Ukraine [au point d’avoir une établi un coopération importante dans le domaine de l’armement], la Turquie a aussi besoin de la Russie, ne serait-ce pour ses approvisionnements en céréales et en énergie. Aussi, en se séparant de ses S-400, Ankara risquerait de se mettre à dos Moscou.
Jusqu’à présent, la Turquie a exprimé son soutien à l’Ukraine, qualifiant l’offensive russe « d’inacceptable », tout en se disant opposée aux sanctions visant la Russie. En outre, elle a proposé sa médiation aux deux belligérants.
Depuis le premier jour de l’invasion de l’Ukraine [le 24 février, ndlr], les États-Unis ont accordé à Kiev une aide d’un montant total de 1 milliard [dont les 800 millions de dollars annoncés par M. Biden la semaine derniere]. Or, les sytèmes S-400 acquis auprès de la Russie ont coûté 2,5 milliards de dollars à la Turquie… Soit 2,5 fois plus que l’aide américaine. Ce qui fait un argument de plus pour ne pas les donner sans contrepartie…
Qui plus est, il faudrait former les militaires ukrainiens à utiliser ces S-400, dont on peut douter qu’ils seront efficaces contre les missiles et les avions russes dans la mesure où ils n’ont aucun secret pour la Russie.