Ces nominations interviennent dans la foulée de l’accord de coalition conclu vendredi entre le chancelier Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache, patron de l’extrême droite.
L’extrême droite entre en force au gouvernement. Avec trois ministères régaliens et l’arrivée au pouvoir de ses principaux dirigeants, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) s’octroie des places de choix dans le gouvernement du conservateur Sebastian Kurz, décrochant notamment pour la première fois l’Intérieur et les Affaires étrangères. En 2000, face à la pression internationale, cette formation d’extrême droite avait été privée de ces deux ministères-clés. Elle avait aussi dû renoncer à voir figurer au gouvernement ses principaux ténors, à commencer par son leader de l’époque, le sulfureux Jörg Haider.
Le patron du FPÖ, Heinz-Christian Strache, obtient le poste de vice-chancelier. Arrivé troisième des législatives du 15 octobre, celui qui se targue d’avoir négocié d’« égal à égal » avec Sebastian Kurz sera aussi en charge de la Fonction publique et des Sports. À 48 ans, ce prothésiste dentaire de formation qui a fréquenté des cercles néonazis dans sa jeunesse et avait débordé Haider sur sa droite en 2005 a adouci son discours et a tout fait pour cultiver une image d’homme d’État. Membre d’une corporation pangermaniste, il n’en reste pas moins partisan d’une ligne très dure sur l’immigration et estime que « l’islam n’a pas sa place en Autriche ». Artisan d’une alliance du FPÖ avec le parti Russie unie de Vladimir Poutine, il est par ailleurs favorable à un rapprochement de l’Autriche avec le groupe de Visegrad, qui comprend des pays ouvertement eurosceptiques comme la Pologne et la Hongrie.
L’éminence grise du FPÖ à l’Intérieur
Considéré comme l’éminence grise du FPÖ, Herbert Kickl hérite,quant à lui, du ministère de l’Intérieur. L’homme de 49 ans sort donc de l’ombre pour prendre les rênes de l’un des ministères les plus puissants de la République autrichienne. Auteur des discours de Haider puis de Strache, ce Carinthien à fines lunettes est à l’origine de l’expression « Napoléon de poche » employée par Haider pour tenter de ridiculiser Jacques Chirac en 2000, mais aussi, par le passé, des sorties les plus ouvertement antisémites et xénophobes du parti. Issu d’un milieu modeste, ce pragmatique crédité d’une très fine capacité d’analyse a su prendre acte de l’échec électoral de la ligne dure du FPÖ et lancer le recentrage de l’image du parti sans céder sur le fond.
Avec les Infrastructures et les Transports, il n’obtient certes pas de ministère régalien, mais il est le troisième poids lourd du FPÖ présent au gouvernement : vice-président sortant du Parlement, Norbert Hofer, 46 ans, incarne la face la plus souriante du parti. Ce technicien aéronautique de formation au ton mesuré avait créé la sensation en 2016 en se hissant au deuxième tour de la présidentielle, décrochant le score historique de 46,2 % au second tour face à l’écologiste libéral Alexander Van der Bellen. Lisse dans la forme, ce membre d’une corporation pangermaniste, comme M. Strache, ne se définit pas moins comme un défenseur inflexible des « valeurs » du FPÖ.
Karin Kneissl, la « perle rare » aux Affaires étrangères
Super diplômée et euro-compatible, la diplomate de formation Karin Kneissl, 52 ans, nommée aux Affaires étrangères, fait figure de « perle rare » dans le casting du FPÖ, a relevé la presse. Diplômée notamment de l’université américaine de Georgetown et de l’École nationale française d’administration (ENA), cette spécialiste du Proche-Orient parlant l’arabe et l’hébreu n’est pas formellement membre du parti qui l’a proposée au gouvernement.
Auteure régulière de tribunes dans la presse autrichienne, elle y a toutefois vilipendé ces dernières années le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le traitant de « cynique », et a prôné une ligne dure sur l’immigration. Son expertise lui vaut d’être jugée fréquentable par les partenaires européens de l’Autriche. M. Strache a vanté une « personnalité formidable » pour « faire connaître et accepter [les intérêts de] l’Autriche à l’étranger ». Titulaire sortant du poste, Sebastian Kurz gardera cependant la main sur les dossiers européens, via son bras droit Gernot Blümel.
Le FPÖ hérite,par ailleurs, du ministère de la Défense, comme en 2000. Celui-ci échoit à un jeune dirigeant régional du parti, Mario Kunasek, 41 ans.
Source www.lepoint.fr