En 2018, la Pologne a criminalisé le fait d’affirmer que l’État polonais était responsable ou partiellement responsable des crimes nazis.
Il s’agissait une fois pour toutes de se débarrasser du stigma qu’avait laissé la présence des camps de la mort nazis sur le sol polonais. Toutefois, Yad Vashem – Institut international pour la mémoire de la Shoah – a jugé bon de mettre les choses au point : « Il n’y a aucun doute sur le fait que ‘camps de la mort polonais’ est une déformation de l’histoire : les camps d’extermination ont été établis dans la Pologne occupée par les nazis dans le but d’assassiner le peuple juif dans le cadre de ‘la solution finale’. Toutefois, [restreindre] la complicité directe ou indirecte du peuple polonais avec les crimes commis sur leurs terres durant l’Holocauste est une distorsion sérieuse. »
Selon l’historien spécialiste de la Shoah Jan Grabowski, sur les trois millions de Juifs polonais tués pendant la Shoah, environ 200 000 l’ont été directement ou indirectement par des Polonais. Il faut dire que l’antisémitisme et les pogroms en Pologne sont bien antérieurs à la Seconde Guerre mondiale. Albert Londres évoque longuement le ghetto de Lwow dans son « Le Juif errant est arrivé* » publié en 1929. Lisons :
« Les maisons du ghetto ont été jetées par terre en 1918, au dernier pogrome sérieux [sic]. »
Que dire de ce qui s’est passé à Jedwabne ? Situé dans le nord-est de la Pologne, ce village est le site le plus connu de l’un de ces pogroms, au cours duquel près de 1 600 Juifs ont été brûlés vifs ou assassinés par leurs voisins polonais en juillet 1941. Le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale n’a sans doute pas ému leurs voisins à juger par le pogrom de Kielce du 4 juillet 1946, un massacre présenté comme résultat d’une suite de rumeurs sur des enlèvements d’enfants accompagnés de crimes rituels. Le nombre de victimes décédées s’élève à 42 personnes, avec 40 autres blessées.
Tout cela est de la vieille histoire, direz-vous. Pourtant, le 27 janvier 2025, le monde se recueillera pour marquer le 80ème anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz. En 2005, les Nations Unies ont déclaré le 27 janvier Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. De nombreuses personnalités ont annoncé leur intention de participer à cette commémoration solennelle, placée cette année sous le patronage du président de la République de Pologne, Andrzej Duda.
Et Israël, direz-vous, la patrie des Juifs, là où vivent encore les derniers survivants de la Shoah ? Avant même d’avoir la réponse à cette question, le gouvernement polonais s’est empressé de déclarer que si Binyamin Netanyahou souhaitait prendre part à la cérémonie, il serait arrêté dès qu’il mettrait le pied sur le sol polonais en vertu du mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale.
La France avait trouvé moyen de se dérober, l’Allemagne avait dit qu’elle aurait du mal à effectuer une telle arrestation. La Pologne n’a pas les mêmes scrupules.
Interdire au Premier ministre israélien de se recueillir sur le lieu de leur crime ? Les bourreaux d’hier ne pouvaient rêver d’une meilleure revanche.