De nombreuses familles juives quittent la Seine-Saint-Denis

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Trois ans après l’attentat commis dans l’Hyper cacher, des familles fuient les menaces et s’installent dans des quartiers réputés plus « tranquilles ».

L’ENQUÊTE DU 8H

Le Premier ministre Édouard Philippe rendait mardi soir hommage aux victimes de l’Hyper cacher. Après l’attentat de janvier 2015, qui avait fait quatre morts et neuf blessés, 7.000 juifs avaient quitté la France pour faire leur « alya » vers Israël, c’est-à-dire partir vivre là-bas. Trois ans plus tard, le sentiment d’insécurité persiste et progresse même au sein de la communauté juive de France, traumatisée par une série d’agressions médiatisées. Un phénomène de mobilité, à l’intérieur même de l’Île-de-France, a été observé. Des familles juives déménagent ainsi pour trouver un quartier « plus tranquille ». Une sorte d' »alya intérieure » à laquelle s’est intéressé notre reporter.

Une lettre avec une balle. À la suite de chaque acte antisémite, des familles comme celle de Daniel et ses enfants déménagent. Eux ont passé 17 ans dans un pavillon de Seine-Saint-Denis, à Noisy-le-Grand, jusqu’à l’été dernier. À son retour de vacances, la famille trouve une lettre contenant une balle de kalachnikov. S’ensuivent d’autres courriers de menaces et des tags antisémites sur les murs de la maison : « La prochaine balle sera pour vous ! À mort les Juifs ! » Trois mois plus tard, Daniel était parti : « Comme on ne sait pas d’où ça peut venir, on est tout le temps aux aguets, en train de surveiller la maison, à se lever en pleine nuit dès qu’il y a du bruit dehors pour voir ce qui se passe. On est sur le qui-vive constamment. On sort de la maison pour voir s’il n’y a pas quelqu’un qui vous guette dehors et c’est stressant. Nous, on ne se sentait pas protégés. On a préféré déménager. »

« Mouvement de fond ». Cette famille n’est pas un cas isolé : en l’absence de statistiques officielles, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNCVA), une association communautaire, estime qu’en dix ans, 60.000 Juifs d’Île-de-France ont déménagé. Jérôme Fourquet, de l’Ifop, auteur d’un livre-enquête sur l’antisémitisme en France, y voit un « mouvement de fond ». « On constate des mouvements qui sont anormalement élevés et qui sont provoqués par cette montée de l’insécurité », précise-t-il. « Cette population qui représente moins d’1% de la population totale focalise à elle seule la moitié des actes racistes en France. Un certain nombre de ses familles en a tiré la conséquence que pour elles et leurs enfants, il était urgent de déménager et d’aller dans des endroits plus cléments, sans craindre d’être importunés ou menacés. »

Vers l’ouest parisien. Concrètement, les familles quittent principalement la Seine-Saint-Denis. À la Courneuve par exemple, on est passé de 300 familles juives en 2000 à 80. À Tremblay ou à Aulnay, les communautés sont en train de s’éteindre, les synagogues sont désertées. Parfois, il n’y a même plus assez d’hommes pour conduire les offices religieux. Ces familles se rendent principalement vers l’ouest parisien, comme le 17ème arrondissement, quartier chic, qui accueillerait l’une des plus grandes communautés juives de France. Il y a dix ans, le quartier ne comptait que deux restaurants cachers. Aujourd’hui, ils sont plus d’une trentaine, assure Murielle Gordon-Schor. Elle est adjointe au maire du 17ème arrondissement et vice-présidente du Consistoire israélite de France et l’explique : « Très souvent, dès qu’il y a un local de libre, il est pris par des restaurants cacher. Les soirs de Chabbath, les gens se promène en kippa, ils ne se cachent pas, ils n’ont pas peur. La peur n’existe pas ici. »

Des dizaines de demandes de relogement. À la recherche de tranquillité, certaines familles préfèrent rejoindre une communauté religieuse existante, déjà bien installée, comme à Sarcelles, surnommée « la petite Jérusalem ». À tel point que Sarcelles reçoit « chaque mois, plusieurs dizaines de demandes de relogements » de familles juives selon François Pupponi, député du Val-d’Oise. Ces familles préfèrent donc effectuer ce qu’elles appellent une « alya intérieure », plus facile à réaliser qu’une alya vers Israël, qui, pour beaucoup, reste « un rêve ».

*Source : JPPI, Jewish People Policy Institute.

Source www.europe1.fr

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