Le Premier ministre britannique Theresa May a condamné mercredi à la Chambre des communes l’interdiction pour les voyageurs israéliens d’entrer dans les pays arabes.
Elle a affirmé à ses collègues parlementaires et aux téléspectateurs qui assistaient à la séance hebdomadaire de questions-réponses que « cette Chambre devrait être consciente de la discrimination et de l’interdiction qui existent partout dans le monde, en particulier pour les citoyens israéliens. »
Une telle déclaration concernant la discrimination subie pendant des décennies par les Israéliens voyageant à l’étranger est certainement inhabituelle et attire l’attention sur un changement potentiel de la position du Royaume-Uni sur Israël.
Après son voyage à Washington où elle a rencontré le président Trump, Theresa May accueillera lundi le Premier ministre israélien Netanyahou à Londres.
Cet entretien donnera suite à la participation du Royaume-Uni au vote de l’ONU sur les implantations.
En colère, M. Netanyahou avait annulé sa rencontre prévue à Davos en réponse au soutien de la Grande-Bretagne concernant la résolution anti-implantations du Conseil de sécurité.
Depuis que Donald Trump a gagné l’élection présidentielle américaine, un changement intéressant s’est produit sur l’attitude du Royaume-Uni vers l’Amérique et Israël.
Dès le début de la campagne électorale, M. Trump avait précisé qu’en tant que président, il serait beaucoup plus favorable à Israël que Barack Obama.
Avec son imprévisibilité qui le caractérise, il a rendu le monde nerveux car non seulement il est capable de prendre une position radicalement différente sur des questions telles que le conflit israélo-arabe, mais il peut également changer les règles sur la façon dont de tels conflits sont discutés et négociés.
Cela pourrait soit inciter à un rajustement international sur la question, soit voir les Etats-Unis seuls dans son amitié toujours plus étroite avec Israël.
Certains craignent qu’un changement radical des États-Unis dans la politique à l’égard d’Israël entraîne une rupture entre l’Amérique et le reste du monde occidental.
Mais les premiers signes suggèrent que le Royaume-Uni est désireux de ne pas permettre un tel fossé de se développer.
Même avant qu’il prenne ses fonctions, le président Trump a commencé à modifier les attitudes et les actions britanniques afin qu’elles soient conformes à son approche moins sévère envers Israël.
Juste trois semaines après que la Grande-Bretagne a voté la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les implantations israéliennes, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, bloqua le Conseil de l’UE pour adopter le sommet de Paix de Paris.
Israël craignait de le mettre dans une position inconfortable face à son conflit avec les Palestiniens .
Ce fut un écart notable par rapport à l’approche habituelle du Bureau étranger britannique envers Israël – un changement attribué directement à l’intervention du président américain.
Après que M. Trump a exprimé son souhait que la Grande-Bretagne agisse beaucoup plus favorablement envers Israël, M. Johnson n’a envoyé qu’une délégation subalterne en France pour la conférence.
En effet, la GB n’a envoyé ni son ministre des Affaires étrangères, ni l’ambassadeur du Royaume-Uni en France.
Alors qu’Israël avait refusé de participer au sommet, la plupart des grands pays de l’UE ont envoyé leurs ministres des Affaires étrangères.
Cela a totalement bloqué l’adoption par l’UE de la déclaration finale du sommet ce qui montre une audace très irrégulière du ministère des Affaires étrangères britannique traditionnellement pro-arabe.
A la suite d’un discours prononcé par le secrétaire d’Etat américain sortant, John Kerry, très critique des implantations israéliennes, Theresa May a réagi en soulignant que les implantations n’étaient pas la seule raison du manque de progrès dans le processus de paix israélo-palestinien.
Le changement, bien sûr, n’est pas purement idéologique.
Cela est aussi un geste pragmatique du gouvernement de May.
Alors que le Royaume-Uni entretient des liens très étroits avec Israël, bénéficie de relations militaires et de renseignement ainsi que d’échanges commerciaux, scientifiques et médicaux, il a traditionnellement gardé son calme à propos de ces coopérations et a préféré prendre le rôle d’un « ami critique » concernant les questions des villes juives construites dans les territoires en litige, les activités militaires d’Israël ou encore les mesures de sécurité concernant les Palestiniens.
La prétendue « relation spéciale » entre le Royaume-Uni et les États-Unis est essentielle à la stratégie de Mme May de négocier avec d’autres États de l’UE afin d’obtenir une sortie britannique réussie de l’Union européenne.
En effet, ce n’est pas seulement Mme May et M. Johnson dont les déclarations concernant Israël sont influencées par l’effet Trump.
La sagesse conventionnelle met en garde contre le désir du président Trump de transférer l’ambassade américaine vers la capitale israélienne, Jérusalem (ce qui semble peu probable, mais qui n’a toujours pas été écarté par les États-Unis).
Beaucoup craignent de créer une instabilité et de provoquer une réaction violente de la part des Palestiniens envers Israël et l’Occident.
Mais cette semaine, même l’ancien ambassadeur du président Obama en Israël, Dan Shapiro (qui a terminé son mandat le mois dernier), a publiquement évoqué l’idée de déménager l’ambassade, ce qu’il n’a jamais fait pendant son mandat.
Dans un article pour Foreign Policy Magazine, il a exprimé son approbation en écrivant que si cela se « fait soigneusement, il pourrait faire progresser les objectifs et les intérêts américains. »
En temps voulu, d’autres pays pourront suivre l’exemple du Royaume-Uni. L’influence d’un président américain, franc dans son soutien à Israël après huit ans de déclarations beaucoup plus rudes de son prédécesseur, pourrait être immense.
Malgré son style controversé et sa présentation audacieuse, le président Trump peut encore entraîner d’autres pays et organismes internationaux à être en accord avec ses perspectives et ses politiques, même si leur motivation pour se conformer à ses désirs dépend moins du rééquilibrage de leur politique envers l’État juif mais beaucoup plus de leur propre intérêt en termes de diplomatie avec les Etats-Unis.
Depuis le changement de vitesse entrepris par Donald Trump dans la discussion sur le conflit israélo-palestinien, tous les acteurs-clés ne pensent pas seulement à ce qui était autrefois impensable, mais discutent ouvertement et publiquement d’autres approches.
En ce sens, le président Trump a incité plus de mouvement intellectuel sur ces questions auparavant impassibles en seulement 14 jours que son prédécesseur Obama a fait en huit ans.
Il reste à voir si toute ces nouvelles réflexions et ces débats se traduisent par des actions positives, surtout lorsque la politique de M. Trump continue de provoquer des réactions aussi extrêmes de la part de la gauche.
Source Jonathan Sacerdoti correspondant d’i24NEWS au Royaume-Uni.
crédits/photos : MANDEL NGAN (AFP)