Lettre de Jean-Dominique Durand
Président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France
Antisionisme et antisémitisme
L’antisionisme est bien la nouvelle forme de l’antisémitisme dès lors que l’on refuse aux juifs le droit d’avoir un État, ou que l’on prône sa disparition. Le lien est clairement établi dans l’enseignement dispensé dans plusieurs pays arabes. Celui-ci cultive et colporte la haine des Juifs en reprenant tous les préjugés bien connus en Europe, les caricatures les plus ignobles. L’on sait que les Protocoles des Sages de Sion circulent librement. La haine des Juifs recoupe la haine d’Israël, le désir de faire disparaître Israël recoupe celui de tuer les Juifs. Le Hamas a dans sa Charte, le projet de détruire Israël. C’est sa raison d’être. Les écoles, avec le concours incompréhensible de l’UNRWA et ses fonctionnaires, dont certains sont enseignants, financées par l’aide internationale censée porter une aide au peuple palestinien, forment ses enfants à cette haine et au combat exterminateur. Comment dans ces conditions, préparer les esprits à la paix ? Le peuple juif serait-il le seul peuple au monde à ne pas pouvoir vivre dans un État qui lui assure sa sécurité ?
Le sort du peuple palestinien est dramatique depuis 1948, en tous cas ceux qui ont voulu ou dû quitter le territoire palestinien, pour être concentrés dans des camps de réfugiés. Le drame actuel des Palestiniens est aussi le fruit de la politique des pays arabes qui ont toujours refusé de les accueillir et de les intégrer sur leur propre territoire. Ils ont été parqués dans des camps, sans avenir (au Liban ils n’ont pas le droit d’avoir un permis de travail), vivant des aides internationales, en grande partie détournées par le Hamas et le Hezbollah, au profit d’armements sophistiqués. Ils sont maintenus depuis plusieurs générations dans la haine d’Israël…
Où en serait l’Europe si, après 1945, l’Allemagne avait refusé d’intégrer les millions de réfugiés chassés de leurs terres par l’avancée de l’Armée Rouge, et si elle les avait transformés en réfugiés éternels ? Où en serait l’Europe si l’Allemagne avait refusé de reconnaître les nouvelles frontières issues de la guerre ?
La recherche de la paix
Pour faire la paix, pour construire des relations pacifiques, il faut être deux. Israël a, à plusieurs reprises, fait des avancées pour la paix. Toutes ont été réduites à néant par des actes terroristes. La paix ne peut passer que par une double volonté politique. Nous avons sous les yeux l’exemple de la réconciliation franco-allemande, fruit d’une volonté commune portée par deux hommes d’État, Robert Schuman et Konrad Adenauer, qui ont voulu tourner le dos à la haine et au conflit pour construire avec d’autres pays, un destin commun. Ils furent des prophètes au sens biblique du terme. A quand l’émergence de telles personnalités, en Israël comme en Palestine ? … L’on ne peut contester à Israël le constat qu’à chaque fois qu’il a accepté de se retirer d’un territoire occupé (à Gaza comme au Liban), c’est une organisation terroriste qui s’est installée à sa frontière.
Un dialogue possible ?
Depuis les attaques terroristes du 7 octobre, les appels au dialogue ne manquent pas, ni les appels à des trêves. Mais peut-on dialoguer avec des individus ou des groupes qui ont perdu tout sentiment humain ? Qui ont emmené avec eux des centaines d’otages à Gaza, parmi lesquels des bébés et de très jeunes enfants. On n’a pas dialogué avec les nazis, on leur a fait la guerre jusqu’à leur capitulation sans condition. Après, on a fait la paix et il a été possible de penser et de construire l’avenir…
Israël conduit aujourd’hui à Gaza une guerre vitale sur un territoire urbain très difficile. Nous ne pouvons qu’éprouver la plus grande compassion pour les victimes civiles de la guerre, elles-mêmes prises en otage, comme boucliers humains, par le Hamas qui terrorise sa propre population. La propagande habile de celui-ci a pour but de susciter de l’émotion, et pour conséquence d’importer le conflit dans notre pays et d’exacerber l’expression d’un antisémitisme insupportable, odieux, dangereux pour les personnes comme pour la Nation.
L’amitié avant tout
L’Amitié Judéo-Chrétienne de France apporte son amitié et son soutien aux Juifs qui vivent dans la souffrance, dans l’angoisse, dans la peur. Pour l’AJCF, la vie de l’État d’Israël, fondé en 1948 à la suite d’un vote de l’ONU, est fondamentale. Il s’agit d’une position de principe, non d’un choix politique en faveur de tel ou tel parti ou gouvernement israélien.
…
Nombreux sont les citoyens israéliens – juifs et non juifs – qui s’interrogent sur des choix qui ont affaibli le pays, l’ont conduit au bord de l’abîme et placé dans un profond désarroi et dans une immense souffrance physique et morale. Ils continueront demain à faire vivre la démocratie, parce que l’État d’Israël est une démocratie qui ne cache pas ses propres faiblesses au monde. Israël ne commet pas de génocide, mais se défend contre un ennemi d’une cruauté inouïe qui, lui, n’a que faire de la vie humaine. Le slogan « Du fleuve à la mer », c’est-à-dire du Jourdain à la Méditerranée, proclamé par le Hamas, est de facture génocidaire : les Juifs doivent disparaître.
Or le peuple juif a droit à sa terre et à un État, c’est une exigence morale et religieuse. Le soutien de l’AJCF à l’existence de l’État d’Israël est sans ambiguïté. Il s’appuie notamment sur les Orientations pastorales du Comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme publiées en 1973 et premier texte d’Église mentionnant la question de l’État d’Israël :
« Nous ne pouvons tout d’abord oublier … le don fait jadis par D’ au peuple d’Israël d’une terre … (Gn. 12.7 ; 26,3-4 ; 28,13 ; Is 43,5-7 ; Jr 16,15 ; So 3,20) » et
« Au-delà de la diversité des options politiques, la conscience universelle ne peut refuser au peuple juif, qui a tant subi de vicissitudes au cours de l’histoire, le droit et les moyens d’une existence politique propre parmi les nations… Aussi, tournons-nous les yeux avec attention vers cette terre visitée par D’ et portons-nous la vive espérance qu’elle soit un lieu où pourront vivre dans la paix tous ses habitants, juifs et non juifs » (Compendium, Les relations entre Juifs et chrétiens, Conférence des Évêques de France, Éditions Bayard, 2019, p. 41-47).
En signant l’Accord fondamental du 30 décembre 1993, le St-Siège et l’État d’Israël se déclaraient « conscients du caractère singulier et de la signification universelle de la Terre sainte », et également « de la nature unique des relations entre l’Église catholique et le peuple juif, du processus historique de réconciliation et de la compréhension et de l’amitié mutuelle grandissante entre les catholiques et les Juifs. »
L’Amitié Judéo-Chrétienne de France, forte de la mémoire qu’elle porte de l’enseignement de l’estime voulue par son fondateur Jules Isaac, appelle les chrétiens pour que, tout en accomplissant leur devoir de charité envers toutes les victimes de la haine et des guerres, et en appelant à la vérité et la justice pour tous, ils n’omettent jamais de soutenir le peuple que Dieu a aimé en premier et de façon irrévocable et qui lutte aujourd’hui pour sa survie et probablement la leur aussi.
Conclusion
Le rabbin André Neher, qui fut le professeur et l’ami du Grand Rabbin René-Samuel Sirat, nous éclaire. Il publia en 1972 un livre merveilleux, Dans tes portes, Jérusalem. Cet ouvrage fortement marqué par l’expérience de la guerre des Six Jours, reste d’actualité. Il mériterait d’être réédité. Neher, évoquant les sacrifices des jeunes Israéliens au combat sur les frontières, exprimait le désir de connaître « le sens de la souffrance juive, son pourquoi et sa finalité, le secret de sa permanence, qui ne lâche même pas ceux qui croyaient, en construisant l’État, l’avoir vaincue à jamais ; le mystère aussi de la souffrance personnelle, de sa signification et de son dépassement. »
Mais Israël, dit Neher, porté par une formidable volonté de vivre, ne se laisse pas écraser par cette souffrance, et poursuit son combat pour la paix :
« La vérité c’est qu’Israël n’a pas souhaité la guerre ; ce petit pays a héroïquement accepté pendant des années l’insécurité à ses frontières plutôt que de faire encourir à ses habitants et à ses voisins les risques d’une conflagration armée ; la vérité, c’est qu’Israël n’a eu recours aux armes que lorsque le couteau de l’ennemi était déjà sur sa gorge, prêt à l’assassiner ; la vérité, c’est que, depuis, Israël n’a qu’un seul objectif : la paix, et que c’est à la recherche de cet objectif que tend la consolidation de sa sécurité matérielle, conquise en respectant les exigences les plus sévères de l’éthique et de la justice, et cela sur tous les plans : militaire, politique, social, humain. »