A propos de la défection de l’un des humoristes juifs francophones connus

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Un humoriste juif francophone connu a fait paraitre récemment un film dans lequel il parle de sa conversion au christianisme…

Il nous est difficile de rester silencieux, car nul doute que le public en a été troublé, en tout cas les jeunes peu au courant de l’antique histoire qui a séparé les deux ensembles, le juif et le chrétien. Séparé ? Il faudrait peut-être rappeler les massacres et les pogromes, les poursuites et les crucifixions dont le peuple juif a souffert tout au long de l’histoire…

Certains n’ont pas hésité à aller voir ce film et à faire part de leur opposition et de leurs critiques de la nouvelle position de cette personne. Cela nous a semblé difficile à envisager, voire exclu.

Contentons-nous dès lors de quelques éléments apportés de manière générale dans ce domaine par le rav Chimchon Refaël Hirsch, dans son ouvrage majeur sur le ‘Houmach, afin d’illustrer au moins la base de notre retrait total face au christianisme.

Rav Hirsch explique un mot quelque peu surprenant employé à l’égard de Yossef, lors de l’une de ses rencontres avec ses frères, alors que lui était l’adjoint de Pharaon en Egypte (Beréchith/Genèse 43,30). Il se retira rapidement de la salle, car quelque chose s’était passé en son for intérieur face à son jeune frère Binyamin, qui était enfin venu lui aussi en Egypte. Le verset emploie le terme de « Nikhmerou ra’hamav« , ses sentiments ont été bouleversés.

« Komer [qui est la racine du mot hébraïque « Nikhmerou« ] – « être animé de sentiments bouillonnants », est également la racine de Mikhméreth, un filet. Komer : c’est en hébreu la désignation de prêtres païens. Dans l’hébreu rabbinique, l’expression de Komer chel zéthim signifie : empiler les fruits les uns sur les autres afin qu’ils se chauffent et ramollissent ; ou encore, les enterrer à cette même fin, les rendre mous et tendres par obturation. Mikhmar bissra (Pessa’him 58b) : le début de la décomposition en ce qui concerne la viande. Kamar ta’hath habayith, ou Bayith chéhou kamour (Ohaloth 3,7) : un canal dissimulé. Signification fondamentale : retenir par obstruction quelque chose qui aurait en fait besoin d’aération, afin d’en provoquer ainsi la fermentation. D’où le sens de filet d’une part, et de procédé de fermentation d’autre part. Rapporté aux sentiments, il s’agit de sentiments qui sont étouffés, réprimés, et qui « fermentent » ainsi d’autant plus fortement. Comparez avec Ki yit’hamets levavi (Tehilim/Psaumes 73,21), ils fermentent et ne supportent plus la barrière que constitue la poitrine qui les contient. Il s’agit donc bien d’une effervescence des sentiments.

Le fait que les prêtres païens soient appelés Komerim, par opposition aux Kohanim, vient sans doute de cette signification. Le Kohen juif ne spécule pas sur la dévotion ou sur les sentiments. Le culte divin juif n’est pas conçu de façon à aviver d’obscurs sentiments. Le sanctuaire juif s’adresse avant tout à la raison : Lehitpalel signifie rectifier son jugement, se mettre au clair par rapport à toutes ses relations avec le monde, et en particulier par rapport à tous ses devoirs. Les sentiments sont extrêmement bon marché : on peut pleurer devant D’ avec recueillement, et se relever ensuite sans pour autant s’être amélioré le moins du monde ! C’est sur ces sentiments que spécule le Komer, le prêtre païen. Par contre, le Kohen doit être kan (la base de quelque chose) par rapport à lui-même, et mékhin à l’égard des autres ; il doit être à même de procurer un solide fondement et de fournir une nouvelle orientation. Dans le paganisme, on agit sur les sentiments afin d’enchaîner le discernement. Les sensations sont comme un mécanisme d’horlogerie sans aiguilles, une « agitation » qui ne sait pas « d’où elle vient ni où elle va », et que l’on peut alors manipuler à volonté. On rend l’enfer ardent ou bien l’on fanatise le cœur ; et l’on célèbre son triomphe lorsque Nikhmerou me’av, lorsque les entrailles des croyants parviennent au point de fermentation ».

Avec cela, tout est dit ! La différence fondamentale entre le monde tel que la Tora le présente à l’homme passe par des enseignants, des prêtres, dont la fonction essentielle est de permettre aux membres du peuple juif de se retrouver eux-mêmes, avec toute leur intelligence et leurs fonctions intellectuelles, face à la vie et aux devoirs les attendant.

La soirée la plus importante de l’année est celle du séder. Le moment le plus marquant, en tout cas pour les enfants, est celui du Ma nichtana. De quoi s’agit-il ? Ailleurs, sous d’autres cieux, on dira aux enfants : « Voyez, pour une fois que tout le monde se retrouve, tous les enfants et les petits-enfants, les frères et les sœurs, je vous demande une chose : restez tranquilles, pas de discussions, pas de disputes ! » A quoi nous mènent nos Sages : à ce que, ce soir-là, non seulement on rejette une telle conduite fausse, mais encore on vient et on éveille les questions ! Pourquoi fait-on comme ceci, pourquoi fait-on comme cela ! Et on le fera, par la suite, en fonction de la nature de ces enfants, et avec celui qui a rejeté la tradition familiale, on ira même jusqu’à lui agacer les dents, en lui disant que s’il avait été avec nous le soir du séder lors de la sortie d’Egypte, il ne serait pas sorti avec nous.

Les questions, les interrogations, les interpellations, c’est là le message du Judaïsme. L’étude de la Tora consiste, finalement, avant toute chose, de s’interroger sur nos sources. Que faisaient nos plus grands maitres ? Ils décortiquaient nos textes et pouvaient rester sur de grandes questions, tsarikh ‘iyoun, faut encore y réfléchir !

Tout ceci pour arriver finalement, comme le dit rav Hirsch, à permettre aux Juifs de se retrouver sur une base solide, un « kan« , d’où émerge le nom de Kohen, qui est le prêtre juif qui va permettre aux gens d’arriver à comprendre profondément le message de la Tora, justement par les questions, à savoir l’interrogation et l’utilisation de l’esprit. « C’est que les lèvres du pontife doivent conserver la connaissance ; c’est de sa bouche qu’on réclame la Tora, car il est un mandataire de l’Eternel Tsevakoth » (Malakhie 2,7).

Le rav Hirsch aborde ce thème en un second endroit, quand la Tora parle des diverses exigences qu’elle présente face au Kohen (parachath Emor, Vayikra/Lévitique chap. 21).

« Le paganisme ancien et moderne associe généralement la religion à la mort. Ce n’est que dans la souffrance de l’homme que le royaume de D’ grandira ; l’agonie et la mort sont la manifestation principale de la Divinité ; car D’ est selon eux le D’ de la mort, et non le D’ de la vie ; Il tue et ne ressuscite pas ; et Il envoie la mort – et ses précurseurs, la maladie et la pauvreté – pour que l’homme Le craigne, se souvienne de la puissance de D’ et de l’impuissance de l’homme. C’est pourquoi leurs temples sont à côté des sépulcres, et la première place de leurs prêtres est près du corps des morts ; là où l’œil s’est décomposé et où le cœur s’est brisé, ils trouveront le sol approprié pour la semence de la religion. Et qui porte sur sa chair le signe de la mort, le symbole de la puissance de la mort qui surmonte tout – et donc compare toujours la mort à elle-même -, il accomplit un acte nettement religieux ; et cela est particulièrement approprié pour le prêtre et sa fonction.

Ce n’est pas l’image qui ressort des prêtres d’Israël, car ce n’est pas là le fonctionnement que la Tora divine indique à notre peuple, ce n’est pas sur cela que sa foi repose. L’Eternel, Qui vient indiquer au Kohen sa place en Israël, est le D’ de la vie. Son dévoilement le plus élevé ne provient pas de la mort, qui brise la force et la vie, mais Il Se montre dans la puissance de la vie qui libère et fait revivre, qui élève l’homme à vouloir la liberté et la vie éternelle. Il ne lui indique pas comment mourir, mais comment vivre. Il lui apprend comment vaincre la mort durant la vie, comme dominer le manque de liberté, comment dépasser l’enchainement physique et la faiblesse des sens, comment vivre chaque instant de sa vie comme étant un moment de la vie éternelle à servir D’, comment transformer chaque moment en un temps de libération morale, de vie de pensée et de volonté, de création et d’actes, et aussi de plaisirs. Voici la Tora, en faveur de laquelle l’Eternel a sanctifié Son Temple comme place destinée à ce but, et y a appelé les Kohanim afin qu’ils instruisent le peuple des bases de cette œuvre. »

Voici le programme de la Tora de vie. C’est pourquoi, continue le rav Hirsch, les Kohanim sont tenus de se tenir éloignés de la mort ! Cette disposition marque très fortement leur message de vie, et permettra aux gens d’en prendre conscience plus fortement.

En un troisième endroit, le rav Hirsch attire l’attention sur le fait que les lieux de prière chrétiens sont marqués par une image centrale, suspendue au beau milieu de leurs sanctuaires, représentant une personne morte, pendue…

En conclusion, si le message que livre rav Hirsch n’est pas suffisamment clair pour les esprits d’aujourd’hui, disons qu’il y a fort à redouter que cette approche qui veut troubler la personne avec des idées de mort et de destruction a sans doute perturbé ce Juif. Cela n’est pas notre voie : nous prônons une Tora de vie et de joie, nos prêtres s’écartent de la mort et de la tristesse, et viennent nous enseigner le positif.

Dommage qu’un Juif rate cela, car c’est tout le message du Judaïsme.

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