Autour de la table de Shabbat, n°336 Nasso
Nous ne sommes que quelques jours seulement après le don de la Tora (fête de Chavou’oth), et encore à côté des pentes du Mont Sinaï… J’en profite pour vous faire partager une question intéressante d’un élève anciennement de Paris assidu au Collel du rav Asher Brakha au 15 de la rue Palmah (Ra’ananna), qui se plonge tous les matins dans l’étude des textes de la Tora (avant son travail), liée avec l’événement. Il m’a demandé laraison pour laquelle la Tora n’a pas été donnée à nos saints Patriarches alors qu’ils avaient déjà atteint un niveau de droiture inégalée ? Pourquoi Hachem a attendu 400 années depuis la période d’Avraham, Yits’hak et Ya’acov paix sur leurs âmes pour donner la Tora lors de l’année de la sortie d’Egypte ? Or, on le sait ou plus tôt, on l’a appris : le monde a été créé pour l’accomplissement et l’étude de la sainte Tora. Donc pourquoi tant d’attente ? Qu’en pensez-vous mes chers lecteurs de Paris et de Navarre en passant par l’Afrique du Sud ?
Une réponse qui peut être apportée est que même si les Patriarches ont atteint un si haut niveau de sainteté, ce sont des individus appartenant à une même famille, Avraham c’est le grand-père, Yits’hak le père et Ya’akov le petit-fils. Or, le propre de l’homme est d’être mortel. A l’inverse, lors de la sortie d’Egypte, les 12 enfants de Ya’akov sont devenus les 12 tribus .Un peuple est né sur la surface de la planète. Le propre d’un peuple c’est son caractère intemporel, car d’une manière générale les peuples font partis de l’Histoire universelle. Et si une partie de la communauté est attaquée bar minan, l’autre pourra survivre. Comme cela s’est déroulé lors de la 2ème Guerre mondiale où les communautés d’Afrique du Nord et d’Amérique ainsi que celle de Terre sainte n’ont pas été touchées. Ainsi la pérennité du Clall Israël a été assurée. Donc en devenant un peuple (lors de la sortie d’Egypte), il y a l’assurance que le message divin de la Tora persiste dans les générations jusqu’à la fin des temps avec l’avènement messianique. De plus, les lois de la Tora sont nombreuses. Il existe de multiples préceptes qui ne peuvent être appliqués que lorsque le peuple dans son entier est sur sa terre. Par exemple les lois du Sanctuaire de Jérusalem ne sont réalisables que par les Cohanim et Léviim, les prélèvements de Terouma et Ma’asser, les lois liées avec le roi et ses prérogatives etc. Tout autant de préceptes qui reposent sur la collectivité et pas sur des individus particuliers. Si mes lecteurs ont d’autres idées, qu’ils me les fassent parvenir.
La paracha de la semaine (à l’étranger) est celle de Nasso. C’est la plus longue des lectures hebdomadaires de l’année et certainement c’est une allusion au fait que l’on vient de recevoir la Tora ce dimanche dernier et donc notre cœur est plus « ouvert » à la Parole divine.
Parmi les nombreuses lois enseignées dans notre paracha il y a la sainteté des Bikourim, de la Terouma offertes aux Cohanim et Léviim (Bamidbar 5.9) suivis par les lois de la femme Sota (5.11). Le cas de cette femme est connu. Il s’agit d’une dame soupçonnée par son mari d’avoir eu une relation extra-conjugale d’ailleurs en français cela donne la « petite sotte »…. Cependant il n’y a aucune certitude qu’elle ait fauté. Il existe uniquement un témoignage qu’elle s’est isolée, avec un homme alors que son mari le lui avait auparavant formellement défendu. Son cas sera assez compliqué, elle devra boire de l’eau sainte au Beth Hamikdach pour vérifier son innocence. Dans le cas où il n’y a pas eu faute, elle vivra, et aura droit à de grandes bénédictions dans son foyer, de beaux enfants naîtront. Mais dans le cas contraire, sa fin sera terrible et immédiate. Seulement pour ne pas que mes lecteurs disent que la Tora est, que D’ me pardonne l’expression, misogyne, au même moment où cette sotte finira sa courte vie sur le parvis du Sanctuaire le Don Juan qui lui a fait la cour… mourra alors qu’il pouvait se trouver au bout du monde sur une des belles plages de Floride…. Comme quoi Hachem n’a pas besoin de satellites et waze (pour repérer l’individu) ni de missiles à tête chercheuses pour établir la justice dans ce monde.
Les Sages, rapportés dans Rachi (Bamidbar/Nombres 5.12), enseignent que la juxtaposition des deux sections l’une traitant des dons offerts au Cohanim et de suite après le cas de cette femme Sotta vient nous apprendre une chose étonnante : celui qui ne donne pas les Teroumoth, prélèvements, donnés aux Cohanim et indiqués dans le premier passage, arrivera malgré tout au Temple à amener sa femme au Beth Hamikdach (afin que les Cohanim la vérifient). Cet enseignement demande explication, n’est-ce pas?
Le magnifique commentaire Keli Yakar explique le rapport qui peut exister entre ces prélèvements obligatoires (non-offerts aux Cohanim) et le cas de la femme Sotta d’après un verset dans Michelé (Proverbes 6.26) : »Un homme qui a de mauvaises fréquentations viendra à perdre sa fortune jusqu’à ne manger plus que du pain« . Le roi Salomon nous apprend dans sa grande sagesse qu’un homme risque de perdre sa fortune dans le cas où il va chercher le bonheur en dehors de son cocon familial. D’après cette vérité, le Keli Yakar explique l’enchainement chaotique des événements. L’épouse qui voit que d’un seul coup, la paranassa (subsistance) de la maison baisse d’une manière prodigieuse : les cartes de crédits n’autorisent plus aucun dépassement, la banque appelle sans arrêt. Or cette dégringolade n’a aucune justification valable (genre le plein d’essence à augmenté d’un euro ou le coût de la vie a augmenté terriblement, que le tarif des bouteilles de Coca a doublé) alors elle en viendra à soupçonner son mari d’entretenir une relation extra-conjugale. Suite à ses doutes, elle prendra son parti en se disant : puisque mon mari va chercher son bonheur ailleurs… alors moi aussi je vais me permettre quelques petits écarts (ce qui est aussi formellement interdit par notre sainte Tora comme le comportement du mauvais mari). Et au final, son mari la soupçonnera et elle sera amenée au Beth Hamikdach (aux Cohanim) pour opérer la vérification des eaux… Mais elle ne connaît pas la vraie raison de la baisse soudaine de la parnassa qui est due à un manquement du maitre de maison dans ses devoirs vis-à-vis des Cohanim de les soutenir dans leur service saint. Un peu comme de nos jours où la communauté a le devoir de soutenir les Collelim et les Yechivoth pour le bien-être de la communauté et du monde entier, n’est-ce pas mes très chers lecteurs ? Et du fait qu’il n’a pas donné ses prélèvements alors il viendra à perdre sa fortune… A cogiter.
Du hareng au… Beth Hamidrach
Tout commence dans une communauté du Sud du pays où coule le lait et le miel. Cette synagogue fonctionne à merveille grâce à son rav dévoué, le rav Pérets et aussi le gabay Victor Lévy. Le rav de la Beth Haknesset s’occupe de donner plein de cours de Tora tandis que le gabay, le secrétaire s’occupe de toute l’organisation des prières et aussi des siyoumim lorsqu’un traité du Talmud est terminé, on fait une fête et un repas. C’est notre Victor qui s’occupe de la magnifique seouda/repas qui est organisée à peu près 4 fois dans l’année. Notre gabay se fait un devoir de préparer un repas digne des plus grandes festivités : couscous boulettes, succulent saumon à la sauce rouge bien piquante… un vrai délice! Or dans cette communauté est arrivé depuis 6 mois un nouveau venu, vétéran originaire du centre du pays : reb El’hanan Herskowits. Comme son nom l’indique il est d’origine ashkénaze, mais comme il fait bon prier dans cette synagogue, il se retrouve fréquement dans cette communauté. Or voilà que Victor prépare le super-sioum de la fin du traité Mena’hoth étudié par les Avré’him du Collel. Bien entendu il convaint notre nouveau venu, El’hanan, de participer à cette joie. Seulement notre ancien aura une condition à sa venue : « Qu’il y ait du herring et des craquers à table ! » Pour nos fidèles lecteurs qui ne savent pas la signification de ces mots, il s’agit du fameux hareng avec des biscottes dont raffolent nos frères ashkénazes ! Le gabay dévoué ira donc dans la supérette du coin pour acheter ce poisson fumé avec les fines tranches d’oignon ainsi que les craquers…
Le jour dit, toute la communauté fête la fin d’étude des Avrékhim, et à la fin tout le monde mange le somptueux repas en l’honneur de la Tora. Seulement on peut voir qu’Elhanan ne mange QUE son herring et ses biscottes: il ne touchera rien de tout le somptueux repas ! A la fin des festivités, le rav Pèrets ainsi que le gabay s’approchent de notre vétéran pour lui demander ses impressions et lui demander pourquoi n’a-t-il pas mangé de cette bonne nourriture? Notre homme dira: « Cette soirée était formidable! Seulement j’ai préféré manger de mon herring car ce poisson a une longue histoire ! » Et il raconta son histoire : « Quand j’étais jeune, j’habitais une ville perdue aux confins des Etats Unis dans l’Etat de l’Ohio. Cela remonte à des années en arrière. A l’époque, je n’avais absolument aucune une éducation juive. Je savais à peine que j’étais juif, ni le Chabbath, ni les fêtes, ne parlons pas des Tefillinnes ! En un mot, je me comportais comme l’écrasante majorité des jeunes américains de mon époque ! Mon hobby était le sport. Chaque samedi je me rendais au terrain de basquet ball. Comme je vous l’ai dit je n’avais aucune idée du Chabbath. Une fois, alors que j’avais dans les 14 ans je me suis rendu au terrain de jeu. C’est alors que le rav de la ville m’a vu et m’a interpelé – il connaissait un peu mes parents pour savoir que je faisais partie de la communauté. Il me dit: « Chabbath Chalom, young boy! », c’était la première fois que j’entendais parler du Chabbath. Le rav, rabbi Jacob Robintson zatsal, me dit de sa voix avenante que j’étais invité à venir à la se’ouda chelichit dans la synagogue du quartier. Comme son allure et sa personnalité inspirait une grande bonté, je l’ai suivi. C’était la première fois de ma vie que j’entrais dans un lieu de culte de la communauté. Là-bas je découvris un monde complètement inconnu pour moi. Des gens assis à une grande table avec toutes sortes de chapeaux sur leur tête, et tous écoutaient le rav qui faisait la deracha (discours) de la se’ouda chelichit. A l’époque je ne comprenais absolument rien aux paroles du rav, mais ce qui m’intéressait c’était de manger du herring qui ornait les tables. C’était drôlement bon ! Quand j’ai fini mon petit encas, je quittais les lieux. Seulement à la sortie, le rav m’a gentiment caressé ma houppette qui ornait mon visage sans me dire un mot. Après j’ai retrouvé mes copains au terrain de basket ! La semaine suivante, la même chose s’est renouvelée, j’étais présent lors du 3ème repas car j’aimais beaucoup le hareng. Ce petit traintrain dura… 5 années ! Jusqu’à ce que j’atteigne l’âge de 19 ans. A cette époque s’ouvrait devant moi un choix concernant mon avenir. C’était le moment où je devais choisir ma voie après le bac. Quelle université choisir ? C’était l’époque de la paracha Vayétsé, le moment où Ya’akov est parti de la maison de son père! Le rav lors de la seouda chelichit fit une deracha dont je me souviendrais toute ma vie ! Il dit : « Un Juif ne doit pas être aveugle ! Il existe un Créateur du monde, la Tora qu’Il a donnée à son peuple. Et cette Tora OBLIGE tout Juif même le plus éloigné ! Un Juif ne peut pas être comme ce morceau de herring bien huileux… (Il désigna alors mon plat préféré !) allongé paisiblement sur une tranche de biscotte et ressentir comme s’il était le roi sur la planète! Il arrivera le jour où ce herring se trouvera englouti tout cru, et il devra rendre des comptes sur sa grande paresse et son aveuglement de ne pas avoir vu la vérité de la Tora ! Réveillez-vous, mes frères, tout le temps où sa flamme (l’âme) est encore allumée, on peut réparer la situation ! Tout le temps où le herring n’est pas avalé, on peut se parfaire ! » Tout le monde s’est esclaffé de rire… sauf MOI. Les paroles du rav sont entrées profondément en moi. J’ai réfléchi pour la première fois de ma vie que je n’étais pas moins que ce morceau d’herring que je mangeais goulument ! Je ne comprenais rien à ma vie, pourquoi suis-je venu sur terre, qu’elle est la signification de cela ? Est-ce que j’étais venu uniquement pour gagner (beaucoup) de dollars ? Je me suis dit alors que je ne voulais pas finir comme ce morceau de herring! En un mot je devais absolument connaitre les réponses qui sont dans la Tora ! Je demandais alors au rav où je pouvais apprendre la Tora? Il me répondit : « Il existe la Yechiva du rav Moché Feinstein zatsal. » Depuis, j’ai fait mon petit chemin dans la Tora. De là, vous comprenez le rapport très spécial que je garde avec ce poisson! Je lui dois mon judaïsme, jusqu’à ce jour ! C’est pourquoi j’essaye de l’honorer dans toutes les bonnes circonstances. » Fin de cette véritable histoire!
ET pour nous, c’est une réflexion –après la Don de la Tora- de savoir le sens de notre vie. En Amérique les gens ne voulaient pas finir comme ce herring ! Peut-être qu’en France, on ne veut pas finir comme les croissants chauds dans la tasse de chocolat (histoire véridique rapportée par le journaliste rav Yacov Lévy)
Chabbath Chalom et à la semaine prochaine si D’ le veut.
David Gold, Soffer
Une grande bénédiction à Yonathan Gabison et son épouse à l’occasion de la naissance de leur fils. Qu’ils aient le mérite de le faire entrer dans l’alliance de Avraham Avinou et qu’ils l’éduquent dans la sainte Tora et les Mitsvoth. Une berakha aux grands-parents dévoués la famille Cohen. Mazel Tov.
Une bénédiction de réussite dans la parnassa à David Lelti et son épouse et na’hat dikedoucha (bonne éducation) pour les enfants.